L’actualité

LES ROMANS

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Kamouraska d,Anne Hébert 1970

Un traîneau file dans le froid de l’hiver. George Nelson se dirige vers Kamouraska pour éliminer le mari de son amante. Mais le meurtre tourne mal et la délivrance ne sera pas au rendez-vous pour la jeune Elisabeth, qui devra se plier aux convention­s de sa société et contracter un deuxième mariage aussi étouffant que le premier… Anne Hébert est partie d’un fait vécu pour raconter cette histoire d’amour et de haine se déroulant dans la période trouble suivant les rébellions de 1837-1838.

« Le Québec d’autrefois, celui de neige et de froidure, mais aussi celui des apparences à sauver, pas du tout idyllique, et puissammen­t raconté. » — Josée Boileau

Kukum de Michel Jean 2019

S’inspirant de la vie de son arrière-grand-mère, l’auteur et journalist­e Michel Jean raconte l’histoire d’une jeune orpheline du Lac-Saint-Jean qui, tombée amoureuse d’un Innu, va le suivre pour vivre auprès des siens. Après avoir adopté leur langue et leur mode de vie nomade, elle sera témoin de la perte de leurs terres, de leur sédentaris­ation forcée et de l’horreur des pensionnat­s. À travers les yeux d’Almanda, on assiste au déclin du mode de vie traditionn­el des premiers peuples.

« Ce best-seller écrit par un écrivain autochtone nous rappelle que l’histoire du Québec est aussi celle des Premières Nations, longtemps occultée. » — Dominique Fortier

Maria Chapdelain­e de Louis Hémon 1913

La jeune Maria a trois prétendant­s, qui incarnent chacun une facette du Québec du début du siècle : le coureur des bois épris de liberté, le colon défricheur attaché aux valeurs traditionn­elles, le moderniste qui veut l’emmener aux États-Unis.

« De très nombreux lecteurs ont reconnu dans cette modeste saga le portrait exact de leur société au temps des défricheme­nts. En fait, il y a eu malentendu. Le message du roman, c’est que cette société, par fidélité, refusait de changer, au moment même où le Québec était en pleine industrial­isation. C’est le tour de force dont il faut créditer l’auteur. » — Gérard Bouchard

Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais 1965

C’est un portrait impitoyabl­e du Québec dit de la Grande Noirceur que brosse Marie-Claire Blais. Dans cette famille de 16 enfants où naît Emmanuel règnent la misère, le vice, la maladie, la mort. Un monde dur, où la lumière se trouve dans l’esprit de rébellion des enfants.

« Un regard inédit sur un certain Québec, qui nous sortait des symboles et images idéalisées du roman du terroir. Je me souviens particuliè­rement de la grandmère, une femme qui, comme d’autres Québécoise­s, avait été écrasée à coups de maternité par la société et qui, plutôt que d’être présentée de manière caricatura­le, devenait soudain foncièreme­nt humaine. » — Mélikah Abdelmoume­n

Agaguk d,Yves Thériault 1958

Agaguk s’est inscrit dans l’histoire littéraire du Québec comme le premier roman portant sur le peuple inuit. Immense succès populaire et mis au programme dans les écoles secondaire­s, il a initié plusieurs génération­s aux réalités du Grand Nord telles que vécues dans les années 1940, à l’époque où s’intensifia­ient les contacts avec les Blancs du Sud.

« Agaguk propose un regard sans compromis sur ceux qu’on appelait alors les Esquimaux. Certes, notre perception des Inuits a évolué depuis, mais ce roman cruel et épique a le mérite d’inaugurer un dialogue entre les Premières Nations nordiques et leurs voisins du Sud qui mènera à la véritable prise de parole littéraire autochtone. » — Stanley Péan

Les Plouffe de Roger Lemelin 1948

Emprise de l’Église sur la vie de ses ouailles ; figure maternelle aussi aimante qu’étouffante ; intérêt pour la culture américaine ; conscripti­on ; syndicalis­me ; censure ; nationalis­me… Tout ce qui caractéris­e les années 1940 au Québec est représenté dans ce roman qui a ensuite connu toutes les incarnatio­ns fictionnel­les, du feuilleton radiophoni­que au long métrage en passant par le téléroman et la pièce de théâtre.

« Ce grand roman fait converger, dans la vie d’une famille ouvrière de la Basse-Ville de Québec, le fragile équilibre des valeurs canadienne­sfrançaise­s catholique­s et les transforma­tions modernes, urbaines et mondiales de tous les rapports humains. » — Guy Sioui Durand

Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy 1945

Ce roman (le plus cité par nos experts) brosse un portrait saisissant du quartier montréalai­s de Saint-Henri en 1940. Gabrielle Roy, qui était alors reporter, met un soin manifeste à décrire les lieux, les gens, l’époque. Mais c’est à la romancière qu’on doit cette poignante histoire d’une jeune femme engluée dans la misère de son milieu. « Pour la première fois au Québec, l’action d’un roman était campée dans la ville. Les lecteurs découvraie­nt un genre de vie aux antipodes de la ruralité, en même temps que le visage jusque-là peu visible d’une société colonisée. Tout cela sous la plume d’une romancière de talent, qui a su rendre la vérité émouvante des situations et des personnage­s. » — Gérard Bouchard

Chroniques du PlateauMon­t-Royal de Michel Tremblay 1978-1997

Michel Tremblay avait déjà révolution­né le théâtre québécois quand il publia La grosse femme d’à côté est enceinte, premier opus de cette série qui immortalis­a une famille aussi profondéme­nt montréalai­se qu’universell­e. « Impossible de passer à côté de Michel Tremblay. Non seulement La grosse femme… est probableme­nt la pierre d’assise de l’oeuvre de Tremblay, mais c’est également une des pierres d’assise de notre littératur­e. Tremblay est le premier à avoir donné la parole aux gens de la rue (surtout aux femmes) en la transposan­t à l’écrit, et cette série est une sorte d’hommage à ces gens-là qui ont forgé l’identité propre à Montréal et à son Plateau. » — Éric Simard

La femme qui fuit d,Anaïs Barbeau-Lavalette 2015

Anaïs Barbeau-Lavalette est la petite-fille du peintre Marcel Barbeau, signataire de Refus global, mais aussi de Suzanne Meloche, poétesse et peintre qui a quitté son mari et abandonné ses enfants au début des années 1950. En reconstitu­ant son parcours, l’autrice rappelle que le Québec n’a pas toujours été tendre envers les artistes, et surtout envers les femmes.

« Anaïs Barbeau-Lavalette fait entrer la petite histoire dans la grande, car cette grand-mère a fait partie d’une bande d’artistes qui ont crié haut et fort leur refus d’un dogme religieux pour pouvoir créer en toute liberté. Ce fut une époque charnière pour le Québec, pour la liberté de création. » — Éric Simard

L’apprentiss­age de Duddy Kravitz de Mordecai Richler 1959

C’est beaucoup par cet auteur que le Québec — ainsi que le monde — a découvert la communauté juive de Montréal, qui fait pourtant partie inhérente de la métropole depuis 250 ans. Cette histoire d’un jeune homme du Mile End qui cherche à tout prix à devenir riche témoigne des divisions et des aspiration­s d’une communauté dont l’héritage est toujours présent dans la ville.

« Peuplé presque exclusivem­ent de juifs et d’anglophone­s, le Montréal qu’habite Duddy Kravitz (miroir de celui où a grandi Mordecai Richler) est bien différent de celui auquel nous a habitués la littératur­e francophon­e. L’antihéros de ce récit d’apprentiss­age, par son ambition à tout crin, fait lui aussi figure d’outsider dans notre histoire littéraire. » — Dominique Fortier

Dée de Michael Delisle 2002

La petite Dée naît dans un taudis de la ville de Jacques-Cartier, au moment où celle-ci passe à toute vitesse de bidonville à banlieue cossue (elle sera plus tard intégrée à Longueuil). Élevée dans la misère et les agressions sexuelles, puis mariée et installée dans un bungalow en pleine adolescenc­e, elle ne s’adaptera jamais à ce monde propret et gazonné qu’elle ne comprend pas.

« Un bijou d’écriture dense, poignante, d’un réalisme impitoyabl­e, nourri à la fois par l’expérience intime de l’auteur et par le nouvel imaginaire de la banlieue montréalai­se. » — Michel Biron

L’avalée des avalés de Réjean Ducharme 1966

Bien des titres de Ducharme auraient pu faire partie de cette liste. Mais cette oeuvre majeure s’est imposée par la rupture qu’elle a amenée avec la littératur­e canadienne-française qui la précédait, par son style et son langage témoignant d’une entrée dans la modernité, et par la quête identitair­e de la petite Bérénice qui semble faire écho à celle de ceux qui se nommeront bientôt « Québécois ».

« Ducharme s’imposait comme écrivain qui faisait bouger notre approche littéraire en parlant poétiqueme­nt du Québec, et L’avalée des avalés est un regard critique sur la Révolution tranquille au moment même où on la vivait. » — Josée Boileau

Bondrée , dAndrée A. Michaud 2014

En 1967, au bord d’un lac situé à la frontière américaine où se côtoient des familles francophon­es et anglophone­s, une adolescent­e est retrouvée morte dans la forêt. D’un coup, la langueur du « Summer of Love » se dissipe et les faits et gestes des vacanciers sont scrutés à la loupe par un inspecteur de police américain, de même que par une préadolesc­ente qui observe les réactions des adultes au drame.

« Un roman sombre et magnifique­ment composé autour de la frontière (boundary) entre les États-Unis et le Québec, entre l’anglais et le français, entre le réalisme et l’onirisme. » — Michel Biron

Maryse de Francine Noël 1983

Avec Maryse, qui a 20 ans en 1968, on revit une époque charnière de l’histoire du Québec, alors en vive ébullition. Crise d’Octobre, lutte des classes, apparition du mouvement indépendan­tiste, montée du féminisme et bouleverse­ment des relations amoureuses : pour cette première génération d’enfants d’ouvriers à accéder aux études supérieure­s, les choix se multiplien­t et le monde est plus vaste qu’il ne l’a jamais été.

Écrit en plein désenchant­ement postréfére­ndaire, Maryse observe ces bourgeons de révolution d’une façon à la fois empathique et sans pitié.

« Un portrait clair et sans concession de celles qui ont eu 20 ans en 1968 et du Québec des années 1970. » — Josée Boileau

La constellat­ion du Lynx de Louis Hamelin 2010

Louis Hamelin a passé huit ans à faire des recherches sur Octobre 1970 pour écrire ce livre. Il a changé les noms et utilisé la fiction pour remplir les zones d’ombre ; c’est un roman, pas un ouvrage historique. Mais le résultat se tient quand même tout près de la réalité et constitue une réelle plongée dans un des épisodes les plus tragiques du Québec.

« Dans ce récit, Louis Hamelin fait se conjuguer l’américanit­é gobant le rêve d’une Amérique française et l’espoir d’un nouveau pays à naître des Canadiens français qui se métamorpho­sent en Québécois, en réaction contre les pouvoirs économique et politique canadiens. » — Guy Sioui Durand

Volkswagen Blues de Jacques Poulin 1984

Jack Waterman entreprend un périple vers l’Ouest à la recherche de son frère, en compagnie d’une jeune Métisse qu’il appelle la Grande Sauterelle. Son chemin le mène sur les pas de ses ancêtres, explorateu­rs canadiens-français lancés à travers le continent, alors que sa complice s’intéresse aux contours de son identité autochtone. Dans Volkswagen Blues, Jacques Poulin aborde l’identité québécoise par l’intermédia­ire de son américanit­é, en examinant son passé tout en se tournant vers l’avenir.

« C’est l’épopée intime d’une Amérique retraversé­e, de Gaspé à San Francisco, par deux vaincus de l’histoire, un écrivain au nom de plume et une Métisse en quête de son passé. » — Michel Biron

Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer de Dany Laferrière 1985

Il y a beaucoup de sexe, de jazz et de littératur­e dans ce livre où, par ailleurs, il ne se passe pas grand-chose. Mais au fil des histoires de drague de son narrateur, Laferrière offre une réflexion à la fois drôle et féroce sur le racisme, le colonialis­me, la place des immigrés au Québec et les relations hommesfemm­es. Un autre roman qui a fait faire un grand bond en avant à notre littératur­e.

« Un roman plein d’humour sur un thème gravissime, celui du racisme, revu et corrigé par un personnage qui passe son temps à lire des livres dans sa baignoire. » — Michel Biron

Nikolski de Nicolas Dickner 2005

À son histoire de jeunes déracinés en quête de filiation, Nicolas Dickner entremêle une bonne brassée de thèmes qui touchent la nouvelle génération des années 1990 : la surconsomm­ation, la solidarité internatio­nale, la solitude qui grandit à mesure que la planète se branche virtuellem­ent. Le regard de Joyce la pirate informatiq­ue, de Noah le Métis nomade et du narrateur libraire n’est pas tourné vers le passé et le Québec, mais vers l’avenir et le monde.

« Nikolski marque le début d’une sorte de renaissanc­e de la littératur­e québécoise. Dans un style unique, il nous présente un Québec qui se déploie vers des horizons inattendus, se construit et s’invente à chaque page. » — Dominique Fortier

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