IL FAUDRA AUSSI S’ADAPTER
Risques accrus d’inondations, vagues de chaleur, d’allergies ou de maladie de Lyme, récoltes plombées par les aléas de la météo, érosion des côtes… Que le Québec et le reste du monde atteignent ou non leurs cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES), les changements climatiques font déjà mal, et ce sera de pis en pis. Il y a donc aussi urgence de s’adapter. En 2017 et 2019, les inondations ont coûté plus d’un milliard de dollars au Québec, sans compter les conséquences psychosociales chez les sinistrés. « Les inondations sont notre principale préoccupation. Les nouveaux règlements sur les constructions en zones inondables sont un très bon début, mais ça ne suffit pas », estime Pierre Babinsky, porte-parole du Bureau d’assurance du Canada. Comparé à d’autres endroits, le Québec est assez bien équipé pour réagir en cas de catastrophes, en matière de sécurité civile et d’aide aux sinistrés. « Mais on doit investir davantage dans la prévention, qui est bien plus payante », soutient Alain Bourque, directeur général du consortium Ouranos sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques. Le programme de mise en oeuvre 2022-2027 du Plan pour une économie verte 2030 (PEV) prévoit 437 millions de dollars, soit environ 5 % de son budget, pour « renforcer la résilience », en plus des 479 millions de dollars investis dans le plan de lutte contre les inondations. « Si on avait changé les règlements avant les deux grandes inondations de 2017 et 2019, comme le conseillaient les scientifiques, on serait déjà rentrés dans nos frais », regrette le spécialiste. Certains États sont beaucoup plus exigeants en ce qui a trait aux résultats. Au Royaume-Uni, par exemple, l’agence
gouvernementale responsable de la gestion des inondations doit réduire de 5 % tous les cinq ans le nombre de personnes à risque.
Québec n’a pas de stratégie pour l’adaptation, à l’image de celle qu’Ottawa est en train de finaliser, qui précisera comment la société peut accroître sa résilience face aux bouleversements climatiques. « Il faut un plan d’action détaillé, basé sur la science, avec une analyse des vulnérabilités locales pour choisir les meilleures options », dit Alain Bourque. Alors que les grandes villes ont souvent les compétences techniques et les moyens pour agir, le reste du territoire est aux prises avec des besoins criants. Or, en matière d’inondations, par exemple, des aménagements faits à un endroit peuvent entraîner des dommages plus loin.
Pour l’aider à prendre des décisions éclairées, l’État compte surtout sur Ouranos et sur la petite équipe de l’Observatoire québécois de l’adaptation aux changements climatiques (OQACC), mis sur pied par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en 2014. L’OQACC réalise des analyses coûts-bénéfices sur toutes sortes de sujets, comme la lutte contre les îlots de chaleur ou la maladie de Lyme, et élabore des indicateurs permettant de mieux jauger les risques.
Les moyens sont nettement insuffisants au regard des défis. Ainsi, un des sondages de l’OQACC montre par exemple qu’en 2019, le tiers des gens vivant en zone inondable n’étaient pas au courant de leur situation, contre le quart en 2015. Un autre confirme que les réflexes pour abaisser naturellement la température dans les domiciles sont loin d’être acquis, alors qu’ils permettraient de limiter le recours aux climatiseurs gourmands en énergie, souligne Pierre Valois, professeur à l’Université Laval et directeur de l’OQACC. « Il y a tellement à faire pour que chacun comprenne mieux les risques et participe à les diminuer ! »