Le miracle du progrès humain
Le nombre annuel de morts causées par des catastrophes naturelles a beaucoup augmenté au cours du dernier siècle. Au moins un quart de la population mondiale n’a pas suffisamment de nourriture pour répondre à ses besoins quotidiens. Et sans doute la moitié n’a pas accès à l’électricité.
Déprimant, n’estce pas ? Heureusement, rien de cela n’est vrai.
C’est même tout le contraire. En 100 ans, le nombre de morts provoquées par des catastrophes naturelles a été divisé par 10 (alors que la population mondiale a quadruplé). Le pourcentage de la population qui manquait de nourriture en 2020 était de 11 %. Et plus de 90 % des habitants de la Terre ont un accès au moins minimal à l’électricité.
Ces chiffres ont été compilés par Gapminder, une fondation dont la mission est de combattre les idées reçues en diffusant de l’information sur l’état réel de la planète. Elle a été cocréée par le Suédois Hans Rosling, un éminent professeur de santé publique qui a consacré sa vie à l’amélioration de la santé dans le monde, à la fois sur le terrain et en donnant des conférences pour vaincre les préjugés concernant la pauvreté, le développement économique et l’avancement social.
Le Dr Rosling a profité de ses activités professionnelles pour sonder les connaissances de milliers de personnes sur des sujets de base comme l’éducation des filles, le taux de natalité et l’accroissement démographique. Que les répondants soient des Prix Nobel, des PDG ou des dirigeants d’ONG, ils surestimaient les problèmes et sousestimaient les progrès accomplis. L’humain est naturellement porté vers le sentiment d’urgence, la généralisation et la peur de l’étranger.
« Il est facile d’être conscient de toutes les mauvaises choses qui se passent dans le monde. Il est plus difficile de connaître les bonnes choses : des milliards d’améliorations qui ne sont jamais signalées », écritil dans Factfulness (Flammarion, 2019), paru en anglais en 2018. « Je ne parle pas de quelques nouvelles positives insignifiantes pour soidisant équilibrer le négatif. Je parle d’améliorations fondamentales qui changent le monde, mais qui sont trop lentes, trop fragmentées ou trop petites prises une par une pour être considérées comme des nouvelles. Je parle du miracle secret et silencieux du progrès humain. »
Ce miracle est frappant quand on observe l’augmentation de l’espérance de vie et du revenu par habitant durant les 200 dernières années, comme le Dr Rosling le démontre dans une vidéo produite par la BBC. Dans son graphique animé, la majeure partie de la population quitte la zone pauvre et malade au début du XXe siècle et se hisse dans la zone où les habitants peuvent espérer vivre 75 ans dans un confort relatif. Un prodige largement inconnu dans les pays riches, où le monde est encore trop perçu comme divisé entre « nous », les privilégiés, et « eux », les miséreux.
Lorsque les gens croient à tort que rien ne change en mieux, ils peuvent en conclure que rien de ce que nous avons essayé jusqu’à présent ne fonctionne, et perdre confiance dans les mesures efficaces. Pire, ils peuvent se mettre à soutenir des initiatives draconiennes et contreproductives, au détriment de ce qui améliore concrètement le monde.
Le Dr Rosling, décédé en 2017, avant la publication de Factfulness, aurait sans doute été d’accord avec le sujet de notre dossier du mois, mais il rejetait le qualificatif d’optimiste. « Je suis un “possibiliste”, écritil, un mot que j’ai inventé pour désigner quelqu’un qui résiste constamment à une vision du monde trop dramatique. En tant que possibiliste, je vois tous ces progrès, et cela me remplit de conviction et d’espoir que d’autres progrès sont possibles. »
Voilà une vision réconfortante, qui peut atteindre même les écoanxieux. Oui, la lenteur des gouvernements à réagir à l’urgence climatique est décourageante. Mais l’humanité a déjà accompli des miracles. Elle peut en produire d’autres.