L'Argenteuil

EN POLITIQUE

- EVELYNE BERGERON evelyne.bergeron@eap.on.ca

La conciliati­on politique-famille est sans doute le plus grand obstacle qui retient les femmes à se porter candidate en politique, peu importe le niveau.

Lise Bourgault en a fait l’expérience en 1993. Elle en était à sa 9e année comme députée d’Argenteuil-Papineau sous la bannière du Parti progressis­te-conservate­ur (PCC). Son second mandat l’avait tenu hautement occupé. C’était l’époque notamment de l’Accord du lac Meech (1990) et l’Accord de Charlottet­own (1992). C’était aussi l’époque de la Crise d’Oka, à l’été 1990. Un conflit pour lequel elle était aux premières loges, Kanesatake faisant partie de sa circonscri­ption. Au printemps 1993, à la suite de la démission de Brian Mulroney, le PCC était en pleine campagne au leadership. Au même moment, Lise Bourgault portait en elle son premier et unique enfant. La petite Amy-Maude est née le 24 mai 1993. « J’ai été une des premières députées à avoir un bébé (et à l’allaiter) à la Chambre des communes », a-t-elle déclaré en entrevue avec L’Argenteuil. Lise Bourgault n’a pas mis son rôle de députée de côté très longtemps. Rapidement, elle était de retour dans sa très grande circonscri­ption ainsi qu’à son siège du Parlement. « J’ai réalisé l’ampleur de la tâche d’une mère de famille qui fait de la politique active », a-t-elle déclaré. D’autant plus qu’elle se trouvait alors en campagne électorale. Quelques jours après l’élection du 25 octobre 1993, Lise Bourgault savourait sa défaite. « J’étais assise dans mon salon en train de bercer mon bébé et je me disais : “Merci mon Dieu de ne pas avoir été réélue. Je ne sais pas comment j’aurais fait” », a-t-elle reconnu. Le métier de politicien­ne sera toujours, selon elle, un métier très prenant. Ce l’était et ce l’est toujours. Si on n’y trouve peu de femmes - 88 sur 338 à la Chambre des communes (26 %) à la dernière élection fédérale – ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas aptes à accomplir la tâche. « Le travail comme tel, on est capable de le faire. C’est tous les à-côtés (qui sont exigeants) », a-t-elle soutenu. Les invitation­s s’accumulent dans les agendas des députés. Leur présence est souhaitée aux quatre coins de leur circonscri­ption. « C’est le fun. On aime ça rencontrer les gens, mais c’est d’une lourdeur… On arrive chez nous exténuée », a-t-elle relaté. Cela a nécessaire­ment un impact sur la vie sociale et la vie familiale des députés. Et c’est là, selon Lise Bourgault, un dissuasif important pour les femmes. « Les femmes se sentent continuell­ement coupables de ne pas être à la hauteur des attentes familiales », a-t-elle évoqué, faisant allusion aux enfants, mais aussi au conjoint. SUBIR LES CRITIQUES Un autre aspect qui peut avoir un effet d’éteignoir sur les envies politiques de certaines femmes, ce sont les critiques. Selon Mme Bourgault, les hommes sont davantage capables de détachemen­t. « Il faut être capable de se détacher de cette impression que les gens te haïssent, ou t’aiment », a-t-elle lancé. Depuis cinq ans, Lise Bourgault est active au sein de l’Organisati­on internatio­nale pour l’avancement politique des Africaines (OIAPA). Elle a notamment travaillé avec des femmes en Tunisie, au Nigéria et au Cameroun. Lors des formations, elle leur rappelle l’importance de se forger une carapace. Elle leur dit qu’elles doivent suivre leurs idées et les défendre. Ensuite, elles doivent s’attendre à ce qu’il y ait des pour et des contre. « Si vous faites de la politique, ne vous attendez pas à plaire à tout le monde. C’est im-pos-si-ble! », a-t-elle affirmé. Bien qu’elle ait eu sa part de critiques au fil de ses mandats comme députée, mais encore davantage comme mairesse (où on est plus près des gens), Lise Bourgault a reconnu ne jamais avoir totalement réussi à se détacher complèteme­nt. « C’est un combat. On est tous des humains qui veulent être aimés », a-t-elle reconnu. Pour se présenter en politique, Mme Bourgault estime qu’une femme doit être animée par la volonté de représente­r ses concitoyen­s, de faire avancer sa communauté et de faire une différence. « Ce que je dis aux femmes, c’est qu’il faut qu’elles aient le désir brûlant de s’impliquer et qu’elles assument les conséquenc­es qui vont avec », a-t-elle conclu.

« J’ÉTAIS ASSISE DANS MON SALON EN TRAIN DE BERCER MON BÉBÉ ET JE ME DISAIS : “MERCI MON DIEU DE NE PAS AVOIR ÉTÉ RÉÉLUE” »

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—photo fournie par Lise Bourgault. Lise Bourgault a été élue députée de la circonscri­ption d’Argenteuil-Papineau pour la première fois en 1984 sous la bannière du Parti progressis­te-conservate­ur, alors dirigé par Brian Mulroney. Âgée de 34 ans, elle avait alors ravi, avec 55,9 % des...
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