UNE POURSUITE DISPROPORTIONNÉE, SELON UN PROFESSEUR DE DROIT
Canada Carbon a officiellement déposé une demande de révision judiciaire et de jugement déclaratoire devant la Cour supérieure contre Grenville-sur-la-Rouge.
Le vendredi 2 mars 2018, Grenville-sur-laRouge et l’ensemble de ses conseillers ont été avisés qu’une action en dommagesintérêts de 96 M$ sera signifiée et déposée devant la Cour supérieure. « Notre devoir et nos obligations légales, de déclarer le maire Tom Arnold dans un communiqué, sont de protéger les intérêts et droits de nos citoyens. Nous comptons utiliser tous les leviers à notre disposition pour assumer nos responsabilités. Des démarches auprès de différents paliers gouvernementaux sont déjà en marche. » Le parti politique Alliance GSLR, avec Tom Arnold comme chef de file, avait comme plateforme le rejet du Projet Miller. Lors des élections municipales en novembre dernier, tous les candidats de l’équipe ont été élus à grande majorité, dont M. Arnold en tant que maire. Le 12 décembre 2017, le nouveau conseil a passé une résolution pour un avis de non-conformité au règlement de zonage de la municipalité.
POURSUITE DISPROPORTIONNÉE
« La poursuite de 96 M$ me semble, à priori, punitive et disproportionnée par rapport aux enjeux précis de cette affaire », a déclaré David Robitaille, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, lors d’un entretien avec notre journal. « Canada Carbon aurait normalement dû demander à la Cour de déclarer la résolution illégale et faire valoir ses droits acquis. C’est là le coeur du litige et une telle poursuite n’aurait pris que quelques jours à débattre. La compagnie minière aurait alors tenté de prouver que son projet respectait l’ancienne réglementation et qu’elle avait reçu toutes les approbations requises. » « Le fardeau de la preuve est très élevé en droit municipal : l’entreprise doit prouver la mauvaise foi grave des élus ou leur exercice fondamentalement déréglé du pouvoir. Cela ne semble pas le cas pour Grenville-sur-la-Rouge. » Me Robitaille déduit aussi que la poursuite démontre une attaque à la démocratie locale. Il précise que les tribunaux ont clairement reconnu que les conseils municipaux peuvent changer d’avis par rapport à des projets, en particulier lorsque la composition des conseils change à la suite d’élections. « Les tribunaux ont aussi souligné le rôle important des autorités locales pour protéger l’environnement et l’intérêt collectif. Dans cette affaire, les citoyens se sont exprimés lors d’une élection en portant au conseil des conseillers qui s’opposaient au projet. C’est ce qu’attaque la compagnie. Avec les changements climatiques, la prise de conscience collective du besoin de protéger l’environnement et la baisse d’acceptabilité sociale pour des projets de ce genre, cette tendance aux poursuites pour des sommes astronomiques contre municipalités et élus pourrait s’accentuer. Cela a pour résultat de créer un climat de peur chez les élus municipaux qui doivent gérer les taxes des citoyens. Qui donc va vouloir se présenter comme conseiller si, une fois élu, il est passible d’être poursuivi ? », a conclu Me Robitaille.