ALLÉES ET VENUES BIENVENUES DANS LES GOLFS
Plusieurs étaient impatients et verbalisaient leurs frustrations bien haut, devant le handicap de logique qu’ils percevaient dans les règles de confinement. Eh bien! C’est fait : depuis le 20 mai, les golfeurs accourent sur les parcours, pour profiter des verts. Avec de nouvelles règles cette fois.
Les golfeurs décriaient depuis plusieurs semaines l’apparente absurdité de la situation : on permettait aux gens de se croiser dans les allées des épiceries, mais on leur interdisait de se suivre dans les allées de golf.
Luc Dupont-Hébert, propriétaire du golf du Lac Carling et vice-président de l’Association nationale des propriétaires de terrains de golf du Canada (ANPTG), est évidemment heureux de cette annonce. «Je vous avoue que c’est un bon timing, affirme-t-il. Le beau temps est de retour, et maintenant qu’ils ont déconfiné les personnes ainées, ceux-ci vont pouvoir faire l’activité physique qu’ils aiment. »
M. Dupont-Hébert confie toutefois que cette annonce n’est pas une surprise. «On a une table de concertation à l’ANPTG, et on était en pourparlers depuis des semaines avec les gouvernements. Les clubs de golf sont prêts. Nous avons des protocoles en place ».
Benjamin Painchaud, directeur général du club de golf Lachute, annonce que « nous ouvrons d’abord le parcours Thompson de 18 trous, et le parcours Watson ouvrira le 29 mai. » Cette décision a été prise pour deux principales raisons, « on veut que les gens puissent jouer le plus tôt possible, mais aussi il ne faut pas que notre personnel soit dépassé dès le départ. » Cela risque d’être un défi : plus de 300 golfeurs ont réservé leur première ronde de golf de la saison le 20 mai – au golf Lachute seulement!
En effet, les golfeurs verront bien des changements dans la façon de pratiquer leur sport.
Règles, réception et retenue
Les protocoles sanitaires approuvés par le gouvernement provincial ont d’ailleurs été le fruit de recommandations de l’ANPTG, qui est bien consciente des vulnérabilités inhérentes à son industrie. Outre le fait que la majorité des golfeurs québécois ont plus de 35 ans, M. Luc Dupont-Hébert fait valoir que «72 % de notre clientèle vient de l’extérieur de la région». Au club de golf Lachute, c’est près de la moitié.
La fin des points de contrôle avec les régions confinées va inévitablement accélérer l’arrivée de gens venant de zones chaudes, et par le fait même augmenter les risques de transmission à la clientèle – surtout les 50 ans et plus. Le propriétaire du golf du Lac Carling entend bien être strict. «On ne tolèrera pas d’écarts, affirme M. DupontHébert. On a des clients et des employés à protéger. »
Au Club de golf Lachute, la réception des golfeurs se fait méthodiquement. Hector Solis et Richard Fournier devront aiguiller les clients les étapes, durant les quatre zones successives menant au parcours. « À l’entrée, il y a un grand écran, comme dans les aéroports, avec les heures de départ, » explique Hector Solis.
Comme dans tous les golfs, les golfeurs devront charger et décharger eux-mêmes leurs voiturettes, et les laisser à une aux stations de lavage après leur séance.
Ainsi, chaque détail de l’itinéraire du golfeur a été scrupuleusement étudié. Au club de golf Carling, même les fanions demeureront plantés dans les trous. Autre exemple. «On a installé un petit clapet que les gens activent avec leur pied et qui fait sortir la balle du trou. » M. Dupont-Hébert fait valoir que d’un côté pratique, le golf est le sport tout convenu pour respecter la distanciation physique. «Dès le 1er coup, il y a 200 verges qui vous séparent de votre partenaire. Et il est rare qu’on soit collés l’un sur l’autre.»
Du côté des joueurs, Éric Poulin, qui se dit lui-même être « un grand fan de golf », adhère à ces changements. « J’ai lu toutes les nouvelles règles, et je trouve ça bien. Il faut penser aux employés aussi. » Éric Poulin est l’animateur de l’émission de Parcours d’été à la TVC d’Argenteuil : « On amorce bientôt le tournage de la cinquième saison. Et on va appliquer les règles de distanciation là aussi. »
Il confie enfin que ces règles auront un effet positif inattendu : «Je vais marcher, ça va être bénéfique pour ma santé.»
Revenus et recettes
Une des grandes parts des revenus d’un club de golf provient de l’offre alimentaire et hôtelière. Or, il s’agit là d’un autre coup dur, car les salles de réception et restaurants demeurent fermés. Au Lac-Carling, le cassecroute Le 9 ½ offre tout de même un menu léger, avec accès extérieur. À Lachute, une halte alimentaire a été aménagée dans un bâtiment en milieu de parcours, qui n’abritait que des salles de bain et du rangement.
Les boutiques sont elles aussi aptes à demeurer ouvertes. Au Lac Carling, l’accès se fait de l’extérieur. « C’est deux clients à la fois, c’est uniquement le personnel qui peut prendre les articles et il n’y a pas d’essayage. »
La plus grosse perte de revenus vient toutefois des évènements, notamment les tournois. « Ce sont 16 tournois qu’on n’aura pas cet été, affirme M. Dupont-Hébert, c’est 256 000 $ de revenus que l’on perd. »
Pour ce qui est de la saison actuelle, M. Dupont-Hébert demeure confiant. « J’ai bel espoir, les gens veulent sortir. Et l’hôtellerie devrait reprendre, même autrement. Peutêtre en offrant seulement les chambres au rez-de-chaussée qui accèdent à l’extérieur. Il y a moyen de faire des choses bien. »
Benjamin Painchaud, lui, a vu une hausse fulgurante des ventes en ligne. Les rondes et forfaits s’envolent comme des coups de départ de John Daly. « On a adapté nos produits pour attirer une clientèle plus jeune, affirme-t-il, ajoutant que notre but est de rendre le golf abordable pour tous. »
Toutes ces adaptations trouvent une métaphore sur les parcours, où chaque départ est différent, et tous les golfeurs doivent aussi corriger leur élan – particulièrement lorsque le vent tourne.