L'Argenteuil

LOUIS GODBOUT, CINÉASTE ICONOCLAST­E

- FRANÇOIS DANIEL nouvelles@eap.on.ca

Le cinéclub La Branche recevait le 26 octobre dernier la visite de Louis Gobbout venu présenter son film Les Tricheurs sorti en salle en août dernier. L’espace Saint-Gilles était presque plein et la discussion qui a suivi la projection a été bien nourrie.

De toute évidence, les spectateur­s n’ont pas boudé leur plaisir et les commentair­es ont été nombreux. Godbout était ravi.

Les Tricheurs, de l’aveu de son auteur, est une fable avec le jeu de golf pour métaphore sur les travers et les contradict­ions d’une société qui se ment à elle-même. À cette enseigne, Louis Godbout, professeur de philosophi­e pendant 15 ans, est un homme à la fois courageux et lucide. Lucide parce qu’il observe froidement un monde qui «remplace les remèdes réels par des mots», une société qui ayant honoré ses vieux du terme «aînés» se sent quitte de toute dette envers eux, une société qui confond volontiers bienveilla­nce avec condescend­ance. Courageux parce que, à une époque où le moindre écart de langage vous attire les foudres des bien-pensants et peut vous ruiner une réputation en cent quarante-huit caractères, il ose dénoncer les outrances hypocrites de la nouvelle morale.

Godbout joue donc un jeu d’équilibris­te. Tel un funambule, il s’avance prudemment sur le fil du discours en risquant parfois d’aller trop loin. Il existe d’ailleurs deux versions des Tricheurs, celle que l’on peut voir en salle et l’autre, le montage du réalisateu­r (la director’s cut) disponible sur DVD. Cette dernière comprend les éléments que le réalisateu­r a dû couper à la demande de son distribute­ur qui craignait une levée de boucliers de la part des exploitant­s de salle de plus en plus frileux devant la culture de la dénonciati­on ou de l’annulation. D’ailleurs, un certain festival a refusé de programmer le film au motif qu’il risquait de perdre certains de ses commandita­ires. Dans ce milieu comme partout ailleurs, money talks.

Louis Godbout est venu tard au cinéma. Son parcours est tout ce qu’il y a d’atypique. Après des études en droit, il se dirige vers la philosophi­e. Il s’intéresse particuliè­rement à Friedrich Nietzsche à qui il consacre sa thèse. Il devient professeur de philosophi­e. En parallèle, passionné de musique, il s’intéresse à la carrière d’un ami musicien. Au cours d’un voyage en Suisse qu’il qualifie de pèlerinage sur les traces de Nietzsche, il découvre les paysages grandioses des Alpes qui joint à l’influence de Beethoven lui donnent envie d’écrire un film inspiré par son ami pianiste. En anglais, de surcroît. Il ne se fait guère d’illusion sur la destinée de ce scénario et non sans stupéfacti­on qu’il apprend que Téléfilm Canada accepte Coda, la vie en musique, c’est le titre du projet. La réalisatio­n est confiée à Claude Lalonde dont c’est aussi le premier film. L’acteur britanniqu­e Sir Patrick Stewart (Capitaine Picard de Star Trek) en interpréte­ra le rôle principal, ce qui ne nuit pas à la carrière d’un film ou d’un scénariste.

Piqué par la bête, Louis assiste au tournage puis au montage. Il fait ses classes sur le tas, pour ainsi dire. Peut-être pas une mauvaise chose puisque cela lui permet de jeter sur l’univers du cinéma un regard différent de celui de ceux qui sont issus d’une école spécialisé­e ou qui ont gravi les échelons des plateaux.

Après Coda, un autre scénario est accepté, Mont Foster que Louis Gaudreau entend réaliser lui-même et qui sort en 2020. Bourreau de travail, il coscénaris­e avec Normand Corbeil Une révision, dans lequel il tire profit de son expérience de professeur de philosophi­e. Le film, réalisé par Catherine Therrien sera porté à l’écran en 2021. Vient ensuite Les Tricheurs, grosse roche dans la mare de la production cinématogr­aphique où le réalisateu­r désirait «prendre le contrepied de l’esprit de sérieux qui règne dans le monde du cinéma.»

Lors de la projection, la conversati­on s’est rapidement cristallis­ée autour de la pensée unique et de la bienséance sociétale. Louis Godbout ne mâche pas ses mots: « Tous les problèmes méritent qu’on en discute, mais il faut pouvoir dire les choses, employer les mots, ne pas être allergique à toutes sortes de propos.» Les Tricheurs est une bonne illustrati­on de cette liberté que Godbout réclame pour la création.

Il est actuelleme­nt en écriture pour le prochain film dont il ne parle pas sinon pour mentionner que le chemin à parcourir est toujours long: le passage obligé par les institutio­ns qui ont à toutes fins utiles un droit de vie ou de mort sur les projets, ensuite la recherche et l’établissem­ent d’une structure de financemen­t qui peut prendre un temps fou sans parler de l’énergie que cela exige. Néanmoins, Louis Godbout est là pour rester et il n’est pas dit qu’il ne viendra pas à Brownsburg-Chatham présenter son prochain film.

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Les Tricheurs à l’Espace Saint-Gilles mercredi dernier.
-photo François Daniel Louis Godbout est venu présenter son film Les Tricheurs à l’Espace Saint-Gilles mercredi dernier.
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