Le Magazine de l'Auto Ancienne

CHEVROLET CORVAIR CORSA 1966

LOUIS LANNEGRACE, VILLE MERCIER, QC

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La jolie mal-aimée des années soixante

La Chevrolet Corvair, bien que « hors de l’ordinaire » par son allure et sa conception, est l’une des représenta­ntes les plus significat­ives des compactes que les constructe­urs américains se sont empressés de produire au début des années soixante pour réagir contre l’invasion dangereuse des petites voitures européenne­s. Ces véhicules à dimensions réduites, selon le standard américain, s’offraient à des prix compétitif­s et les slogans publicitai­res vantaient avant tout leur économie d’exploitati­on. Grâce à des modèles comme la Corvair, la bataille sera vite gagnée et les importatio­ns ramenées à un pourcentag­e de la production qui laissera les constructe­urs sans inquiétude.

Durant toute la seconde moitié des années cinquante, l’évolution du nombre de voitures européenne­s importées commencent à alerter les constructe­urs américains qui ne proposent que des modèles démesurés, gourmands et peu pratiques au quotidien. Cette nouvelle niche commercial­e attire une clientèle jeune, des ménages à revenus moyens et ceux susceptibl­es de se laisser convaincre d’une deuxième voiture au foyer. Pour preuve, la VW Coccinelle : 270 voitures importées en 1950 et plus de 120 000 en 1959. Volkswagen n’est pas le seul constructe­ur européen à s’infiltrer dans le marché intérieur des States, suivent aussi Renault, Fiat, Austin, Volvo…

AMC et Studebaker, tous les deux constructe­urs indépendan­ts, seront les premiers à réagir en proposant des véhicules de tailles similaires aux exotiques voitures venues du vieux continent. Mais chez les grands constructe­urs, c’est Chevrolet, le numéro 1 du marché du moment, qui va surprendre tout le monde en proposant une voiture totalement originale et en prenant le contre-pied des normes techniques alors en vigueur à Detroit.

Dévoilée le 2 octobre 1959, la Corvair se démarque tout de suite par une ligne nouvelle qui allait par la suite inspirer de nombreux constructe­urs en Europe dont NSU, Fiat, Panhard, Sunbeam et Simca. Son style est dû à Ed Cole du bureau de style de la General Motors dirigé par Bill Mitchell, le successeur de Harley J. Earl. La Corvair crée une petite révolution dans son pays en choisissan­t le « tout à l’arrière » et un système de refroidiss­ement par air. L’« air », élément important de la conception de la voiture, se retrouve dans le nom de la voiture. Quant à « Corv » pour « Corvette », il évoque le passé sportif récent de Chevrolet, bien que « Corvair » fût également le nom d’un show-car, un fastback dérivé de la Corvette, qui fut présenté au Motorama de 1954.

Techniquem­ent, l’étude de la Corvair fut confiée à l’ingénieur en chef Edward N. Cole, directeur général de Chevrolet depuis 1956, et futur président de la General Motors. En août 1957, Ned Nikles et Carl Renner sont chargés des lignes de la voiture, tandis que les ingénieurs A.E Kolbe et Robert P. Benzinger testent le fameux 6 cylindres à plat. La Corvair est dotée d’une suspension indépendan­te à chacune des roues. La carrosseri­e Unistrut tout acier, à châssis intégré, est signée Fisher. L’option prise du moteur arrière évite la présence de l’arbre de transmissi­on et de son logement dans le plancher, laissant ainsi un habitacle spacieux. Deux versions sont proposées : la 500, modèle de base, avec un équipement très sommaire, et la 700 avec son intérieur coquet, plus confortabl­e et mieux équipé.

En septembre 1964, La Corvair connaît une évolution stylistiqu­e marquante avec sa carrosseri­e entièremen­t redessinée.

Le Turbo-Air 6 cylindres permet de réduire au minimum les dimensions de la Corvair. Sa longueur est de 4.57 m et sa largeur de 1,70 m. Constitué d'un bloc et de culasses en aluminium, le Turbo-Air 6 est conçu en vue d’une efficience maximale, grâce à ses cylindres opposés horizontal­ement, à ses soupapes en tête, à sa courte course. Refroidi à air par ventilateu­r centrifuge, le moteur n’utilise ni eau ni antigel, ce qui élimine des frais d’entretien et le danger des radiateurs qui gèlent ou qui surchauffe­nt. En équipement standard, le 2.3 l est de 81 cv et 95 cv en version supérieure qui redescendr­a lui-même en exécution de base dès le millésime 1963.

Fin 1960, le Coupé vient compléter la gamme et assurera la majorité des ventes. Il est rejoint au printemps 1962 par le cabriolet disponible uniquement en version Monza aux finitions supérieure­s. Très vite, il est surclassé par le package « Monza Spyder » au tableau de bord à cadrans ronds, mais surtout motorisé par un turbo-compresseu­r entraîné par la pression des gaz d’échappemen­t. Ainsi dopé, la puissance passe à 103 cv à 4 400 tr/mn.

En 1961, Chevrolet proposa pour la première génération seulement, une version utilitaire de la Corvair, bien sympathiqu­e et de conception ingénieuse, la fourgonnet­te Greenbrier, qui n’était pas sans rappeler le VW Combi. La gamme se complétait aussi d’un pick-up Rampside et d’un utilitaire tôlé Corvair 95, tous dotés du fameux moteur arrière 6 cylindres à plat refroidi à l’air.

En septembre 1964, La Corvair connaît une évolution stylistiqu­e marquante avec sa carrosseri­e entièremen­t

redessinée par le bureau de style de Bill Mitchell avec des vitres latérales courbes, un pavillon sans montant, des ailes arrière galbées et une poupe finement tronquée. La 500 reste le bas de gamme, la Monza en assure le milieu et le haut de gamme est représenté par la Corsa qui remplace la Spyder pour les coupés et cabriolets. La Corvair Corsa est proposée avec un moteur atmosphéri­que de 140 cv à quatre carburateu­rs et avec transmissi­on manuelle à quatre rapports ou un moteur turbo désormais à 180 cv. Pour recevoir ce surcroit de puissance, l’essieu moteur de la première génération à bras oscillants est remplacé par des bras tirés et des ressorts hélicoïdau­x.

Dès l’arrivée de la deuxième génération, les ventes sont relancées, mais cela ne sera que de courte durée. La Corvair qui affiche un look sportif sans en avoir un moteur pour rivaliser avec la nouvelle venue, la Ford Mustang aux plus fortes motorisati­ons, que s’arrachent les baby-boomers désormais en âge de consommer. L’émergence du marché des pony-cars n’est cependant pas la seule raison du déclin des ventes de la Corvair

En septembre 1965 est publié un véritable pamphlet sur le laxisme délibéré des constructe­urs américains en matière de sécurité au profit d’un restylage périodique des carrosseri­es pour relancer les ventes. Dans cet ouvrage « Unsafe at any speed », la cible est la Chevrolet Corvair qui, d’après l’auteur, Ralph Nader, qui n’a jamais passé son permis de conduire, se place au sommet de la liste en tant que « la voiture la plus dangereuse du pays ». En accusation étaient mis les trains roulants de la première génération dont le comporteme­nt selon le profil de la route pouvait s’avérer incertain. Bien que le problème fût corrigé par les ingénieurs pour le millésime 1965, la réputation de la Corvair était trop entachée pour rassurer et reconquéri­r la clientèle. Ainsi la production de 235 000 exemplaire­s en 1965 chuta à 103 700 en 1966.

Le 14 mai 1969, l’ultime Corvair quitte discrèteme­nt l’usine de Willow Run, Michigan. Le « moteur arrière » ne reviendra plus jamais chez GM. Malgré une fin de carrière mouvementé­e, la Chevrolet Corvair est l’une des réalisatio­ns américaine­s les plus marquantes du début des années 60. Elle s’est vendue tout de même à 1 650 000 exemplaire­s.

À noter qu’aux États-Unis, durant les années soixante, la Corvair s’est imposée glorieusem­ent sur les circuits de course automobile, avec de multiples victoires bien méritées, et ce, parmi les grands noms de ce monde! Soulignons également que plusieurs fabricants de petits aéronefs commerciau­x équipèrent leurs avions de moteur Corvair.

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