Le Magazine de l'Auto Ancienne

LA NOSTALGIE DES SCOOTERS

LE ROULEAU COMPRESSEU­R NIPPON !

- texte : jean-françois bourque

Dès les années 60, deux nouveaux joueurs apparaisse­nt dans le marché du deux roues dominé par les Italiens, les Anglais et les Américains. Venus du Japon, Honda et Yamaha arrivent ici comme un chien dans un jeu de quilles et vont drastiquem­ent changer la donne en offrant des motos et scooters fiables et très sophistiqu­és pour l’époque, et ce pour une fraction du prix des compétiteu­rs.

Dans l’univers des scooters, Honda arrive ici avec son fameux Honda Cub, offrant dès le départ un démarreur électrique, une transmissi­on semi-automatiqu­e et des clignotant­s, comme si ce n’était pas assez ! Rappelez-vous qu’au même moment, sur un scooter italien, on devait faire son propre mélange d’huile, le phare était une veilleuse de 6V et oubliez les clignotant­s, ce n’était ni plus ni moins qu’une tondeuse Lawn Boy sur deux roues. Avec un tel modèle, lentement mais sûrement, Honda va détrôner tous les manufactur­iers de scooters au monde.

On fait un saut en 1989, j’ai 14 ans, j’habite à Mont-Saint-Hilaire, pas trop loin de Montréal, mais juste trop loin de tout pour un ado. Je rêve de m’échapper de l’emprise des mauvais garnements qui me tourmenten­t dans l’autobus scolaire. Le scooter est l’unique solution. L’objet ultime de mon désir est un Honda Élite LX 50 1989 bleu. Un scooter tout neuf que je contemple chaque semaine chez le concession­naire situé à quelques mètres de l’école.

Pour rassembler mon budget, je me lève à 5 h pour distribuer le journal. Je n’arrive pourtant pas à réunir les 1 400 $ nécessaire­s. Mes amis roulent déjà sur des Honda Aero 50 ou sur des Yamaha similaires, augmentant encore plus mon désespoir. Finalement, las de me voir égrainer et user le dépliant publicitai­re des scooters Honda 1989, mon père m’offre de financer la balance requise à l’achat d’un scooter usagé. Il me manque près de 400 $ pour compléter la mise.

Super excité, j’écume les petites annonces du journal L’Oeil Régional pour trouver la perle : un superbe Honda Elite 50 1987 blanc et jaune. Ce n’est pas un Elite LX (le LX fait toute la différence avec un coffre sous la selle, un guidon plus moderne et une peinture deux tons), mais bon, on ne fait pas de chichis. J’obtiens alors mon premier scooter et c’est la liberté totale ! Je peux aller où je veux quand je veux et surtout, me libérer de l’intimidati­on dans l’autobus. Mon père sera remboursé à coup de tâches ménagères, comme tondre le gazon : 15 $ ou laver la vaisselle : 10 $. Le jour où je récupère mon petit Honda, mon père lance une phrase anodine qui restera dans ma mémoire toute ma vie : « dans le temps, nous avions des Vespa et des Lambretta ».

Une dizaine d’années plus tard, dans un boisé, je tombe par hasard sur la carcasse d’une Vespa 1971. De fil en aiguille, cette première Vespa m’amènera à lancer Scootart : un atelier spécialisé dans la restaurati­on de scooters anciens.

Il y a quelques années, en écumant les petites annonces sur internet, je tombe sur ce fameux objet de désir que je n’ai jamais pu me payer. Je réussis enfin à mettre la main sur un superbe Honda Elite LX 1989 bleu à l’état neuf. Exactement celui dont je rêvais adolescent ! Puis, comme une drogue, je retrouve un exemplaire de chaque scooter Honda de cette époque, tels le Honda Aero 1986 comme celui de mes amis, ou mon premier scooter, le Honda Elite 50 1987. Je peux maintenant comprendre comment se sentent les gens qui à la retraite, retrouvent leur première voiture. J’ai retrouvé mes 14 ans !

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