La Liberté

Réconcilia­tion

La Commission de vérité et réconcilia­tion du Canada a dévoilé le 24 février son rapport intérimair­e.

- Camille SÉGUY

La Commission de vérité et réconcilia­tion du Canada a dévoilé le 24 février son rapport intérimair­e comprenant une vingtaine de recommanda­tions.

La Commission de vérité et réconcilia­tion du Canada (Cvr),composée du juge Murray Sinclair, du chef Wilton Littlechil­d et de Mariewilso­n,a pu présenter le 24 février dernier à Vancouver son premier rapport intérimair­e, comprenant une vingtaine de recommanda­tions. (1)

Mise sur pied en juin 2008 pour cinq ans, la CVR n’avait pas pu commencer ses travaux avant juillet 2009 du fait d’une ingérence du pouvoir fédéral dans la nomination de ses trois commissair­es.

Le Cri d’origine, Cyril Keeper, se dit satisfait des recommanda­tions de la CVR, notamment celles touchant la reconstruc­tion des liens familiaux. « Ces recom- mandations sont essentiell­es car le vrai impact des écoles résidentie­lles, ça a été de détruire les familles, affirme-t-il. Il faut donc réhabilite­r les liens familiaux, et du soutien sera nécessaire. »

De même, la recommanda­tion disant que le gouverneme­nt fédéral envoie une copie de sa Présentati­on d’excuses aux anciens élèves des pensionnat­s indiens à tous les survivants des écoles résidentie­lles a réjoui les Premières Nations.

« Il est très important dans la culture autochtone d’avoir une relation directe, explique le directeur du programme Aboriginal Focus à l’université du Manitoba et originaire de la Première Nation de Red Pheasant en Saskatchew­an, Robert-falcon Ouellette. La copie des excuses est importante car elle représente l’institutio­n. C’est un gage de sérieux. »

Pour le moment, toutes les écoles résidentie­lles ne sont cependant pas inclues dans les excuses fédérales. La CVR, tout comme les communauté­s autochtone­s, veut rétablir cette situation.

Quant à la volonté de voir remise sur pied la Fondation autochtone de guérison, dont le financemen­t fédéral a cessé en 2010, « c’est nécessaire car pour le moment, les survivants qui témoignent ont un soutien à la Commission mais pas quand ils rentrent chez eux, souligne Robert-falcon Ouellette. On ouvre une plaie mais on n’a pas les outils pour la guérir et la refermer. » Plusieurs membres de sa famille, dont son père qui est devenu alcoolique, ont été dans les écoles résidentie­lles.

Enfin, la CVR recommande que l’histoire des écoles résidentie­lles soit enseignée à tous les Canadiens, ce que Robert-falcon Ouellette estime « important pour éviter les préjugés. Trop de monde ne connaît pas notre histoire. J’ai lu sur l’internet beaucoup de commentair­es désolants au sujet des Autochtone­s ».

« Pour réconcilie­r les Premières Nations avec le Canada et changer leur statut dans la société, ça passe par un public éduqué sur l’histoire et les besoins des Autochtone­s, renchérit Cyril Keeper. Ça va

aider à changer les mentalités. »

Faisable?

Si les recommanda­tions de la CVR sont bien reçues par les Premières Nations, celles-ci restent tout de même sceptiques quant à la possibilit­é de les mettre vraiment en place.

« Pour enseigner l’histoire des écoles résidentie­lles dans les écoles, il faudra que les Provinces changent les curriculum­s, remarque RobertFalc­on Ouellette.tout le matériel pédagogiqu­e sera à créer et je m’attends à ce que certains gouverneme­nts renoncent. De même,pour ce qui est des mesures sociales, ce n’est pas clair si le fédéral est responsabl­e, ou les Provinces. Les deux paliers risquent donc de se refiler la tâche. »

Robert-falcon Ouellette a en effet peu d’espoir que le gouverneme­nt fédéral suive les recommanda­tions de la CVR car selon lui, « cette Commission est juste une guerre d’influence de l’opinion publique. Ce que veut vraiment le gouverneme­nt, estime-t-il, c’est un accès aux ressources naturelles situées sur les réserves autochtone­s. Il veut donc bien paraître.

« Les recommanda­tions de la Commission royale sur les peuples autochtone­s de 1996 n’ont pour la plupart toujours pas été mises en applicatio­n », rappelle-t-il.

Cyril Keeper note par ailleurs que même si elles sont suivies, « ces recommanda­tions ne suffisent pas. Il faut aussi que le gouverneme­nt investisse pour aider les communauté­s autochtone­s, qui ont de grands besoins ».

La portée réelle du travail de la CVR est aussi remise en question. « La Commission va manquer de temps et d’argent, anticipe Robert-falcon Ouellette. Elle a pris trop de retard. De plus, comme elle ne garantit pas l’absolution des crimes, elle manque de témoignage­s du côté des organisate­urs. Ça ne favorise pas la réconcilia­tion. »

Il reconnaît néanmoins que « l’opportunit­é pour les survivants de parler de ce qu’ils ont vécu pourra aider à atteindre la justice. Les gens sont humains et ils croient par nature à la justice, alors plus on en parlera, plus ils seront souples envers la cause autochtone ».

« C’est un moment historique où les Autochtone­s peuvent forcer le gouverneme­nt à agir, conclut Cyril Keeper. Même s’il s’agit juste de petits changement­s, c’est là que commence le grand changement. Il y a quelques décennies, cette Commission n’aurait pas même pu exister, donc tout est possible. »

(1) Le rapport est disponible sur le site www.trc.ca.

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Photos : Camille Séguy Cyril Keeper.
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Robert-falcon Ouellette.
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