Le Noël de Pablo
Mon frère Pablo, trisomique, transforme la vie de notre famille de mille manières et à chaque instant. Vivre avec Pablo est souvent un retour à l’enfance, aux joies simples et innocentes. Près de lui, je sens que j’entre en contact avec une dimension prof
Chez nous Noël commence très tôt, vers la minovembre, et ça dure cinq mois. Tout l’hiver, pour être exact. C’est que, pour Pablo, Noël c’est sérieux et essentiel. Pablo est un enfant de trois ans qui est né en 1968. Lorsque les jours commencent à raccourcir, il demande le sapin, car il sait que Noël s’en vient, avec ses lumières, sa musique, sa magie insondable, les repas en famille, la chaleur des amis, les cadeaux… Il lui faut commencer au plus tôt pour bien en profiter et pendant longtemps. À chaque soir il laisse ses pantoufles sous l’arbre en espérant que ce soir‐là, les Rois Mages lui apporteront des cadeaux.
Pablo garde tous les Noëls dans son coeur immense. Ceux d’autrefois, chauds et couronnés par la Croix du Sud, lorsque nos parents nous ramenaient à la maison endormis après la messe de minuit. Ceux où la famille célébrait la joie du premier Noël d’un de nos enfants. Ceux que nous aurions voulu ne jamais connaître, car Noël est intolérable quand il rend une absence trop évidente. Et puis il y a ceux des nuits glaciales de Winnipeg, célébrés dans la joie d’une famille qui ne cesse de se transformer. Dans son coffre à trésors, Pablo conserve jalousement tous ces Noëls. Et à chaque année il les revit dans l’intensité d’un présent circulaire, habité par tous ses amours et dans lequel il n’y a pas d’absences. Nos corps ont vieilli, nos enfants sont maintenant des adultes, nos parents ne sont plus là et l’Étoile polaire a remplacé la Croix du Sud. Seul Pablo n’a pas changé. Il est toujours le même petit garçon émerveillé, plongé corps et âme dans l’amour de Noël.