Le Noël d’un autre ailleurs
Mon père, Dario Scarficcia, est né le 8 novembre 1938 dans un village de la province de Macerata, en Italie. Les bombardements de 1939‐1945 l’ont bercé. Les pénuries d’une enfance volée par la guerre nous échappent, car il n’a jamais voulu évoquer ces annéeslà. Il a fait partie des contingents de migrants qui arrivèrent en Argentine en 1949. La vie n’était pas facile dans ce nouveau pays, mais il a fait face à la nouvelle langue et au nouvel environne‐ ment en travaillant dur à l’école, en travaillant dur tout court, car on ne lui a pas épargné les efforts.
Il a montré très jeune de grandes capacités pour la mécanique, accompagnant mon grand‐père et mon oncle dans leurs courses motos comme préparateur. C’est justement à l’occasion d’une course qu’il est passé par Mendoza, ville au pied des Andes, et qu’il en est tombé amoureux, convaincant la famille d’y rester.
En cherchant un local pour installer son atelier, il est tombé sous le charme d’une belle brune, fille du propriétaire. Ils se sont épousés en janvier 1962. Leur foyer a accueilli six enfants, dont je suis l’aînée.
Les accents de sa chère Italie, sa musique et les anecdotes familiales ont bercé mon enfance et m’ont donné l’amour de mes racines. Car mon père était un homme de racines : la famille, le travail, l’amour de Dieu et de Jésus faisaient de lui un cèdre bien planté qui affrontait les tempêtes avec courage.
Curieux, audacieux, il a changé de métier autant de fois que son intuition le prévenait d’un revers de fortune : mécanique de motos, métallurgie, construction, hôtellerie... des métiers qu’il a exercé avec autant de talent… car il avait une intelligence remarquable. Il aimait apprendre et créer. Il n’hésitait pas à passer des nuits blanches à donner corps à des projets un peu farfelus qui s’avéraient être des coups de génie plus tard.
L’émigration de ses enfants vers d’autres pays a été pour lui une énorme souffrance mais il ne l’a jamais exprimée pour ne pas nous faire de peine. Il gardait ses douleurs pour lui, s’acharnait au travail, prenait soin de la famille en s’occupant de nos affaires, en nous donnant des conseils, en nous sortant du pétrin, en faisant tout pour nous maintenir unis. C’est en travaillant sur ses factures et en organisant le travail de l’hôtel que le 23 septembre son coeur a dit « basta ». C’est le repos du guerrier, comme il m’avait dit un jour...
Son attachement à la famille et à l’effort, le goût du travail bien fait, la recherche de la beauté dans la simplicité, son souci de justice, son apparente dureté aussi, sont héritage et source. Nous ne l’avons pas bien compris. Il n’est pas facile de vivre avec un père brillant. Mais il nous a façonnés. Il nous manque, énormément.
Son regard bienveillant, ses paroles d’espérance, sa confiance en Dieu qui montre toujours le chemin dans les difficultés sont le trésor où nous irons chercher réconfort et lumière.
Ce Noël sera le premier sans lui. Noël initiatique pour nous, qui deviendrons enfin adultes malgré nos âges mûrs. Noël initiatique pour notre maman, qui ne recevra plus le baiser des Fêtes de son amour et devra se consoler dans l’Espérance. Noël initiatique pour mon papa, qui verra enfin le visage de son Enfant Jésus dans les bras de sa Sainte Mère, protégés par le manteau de Saint Joseph, image chère à son coeur, taillée dans le bois qu’il aurait tant aimé sculpter...
Grazie Babbo, di tutto l’amore che ci hai dato! Ti amo!