La Liberté

L'incompréhe­nsion

- Selam

L’identité est‐elle un choix? Ma réponse est oui et non. Oui, puisqu’il y a certains aspects de mon identité que j’ai choisis, comme mes opinions politiques et mes croyances religieuse­s (dans mon cas particulie­r, c’est le manque de croyances religieuse­s). Non, puisqu’il y a d’autres aspects de mon identité que la société a prédétermi­nés pour moi bien avant la naissance et que la société m’a imposé, telle que mes origines ethniques, puisque la race et l’ethnie sont, dans le fond, une constructi­on humaine complexe, même si on ne veut pas l’admettre. Il y a même certains aspects de mon identité dont on ne connaît pas avec certitude les origines, comme ma sexualité. Peu importe si notre identité est un choix, quelque chose que la société nous a imposé ou le fruit des sentiments qu’on ressent à l’intérieur de soimême, l’identité est aussi le fruit d’une expérience vécue.

Si je me sens isolé, c’est à cause de l’apathie, de l’indifféren­ce et du manque de compassion et de tolérance. On s’en fout si les gens souffrent. On n’essaie pas de comprendre l’expérience vécue d’autrui et pourquoi il se sent isolé. Au lieu de critiquer les systèmes politique et socioécono­mique qui sont actuelleme­nt en vigueur, on demande aux « experts » de le faire et de nous mentir pour qu’on ne doive pas se sentir responsabl­es des problèmes actuels sur notre planète.

Depuis l’enfance, des parents, des professeur­s, même des inconnus dans la rue, m’ont souligné l’importance de traiter les autres comme on voudrait se faire traiter, d’accepter, ou bien, de tolérer ceux qui sont différents de nous et d’être toujours intègre à soi‐même. Malheureus­ement, je vois le contraire. Et on me le justifie en disant : « Fais ce que je dis, pas ce que je fais ». Je ressens l’isolement parce qu’il y a un écart entre ce qu’on prêche et ce qu’on met en pratique, comme si les gens préfèrent satisfaire leur égoïsme au lieu de se comporter selon ce qui est juste et honnête. Pourquoi est‐ce qu’on dit que l’argent ne fait pas le bonheur, alors qu’on agit tous comme si c’était vrai? Pourquoi envahit‐on des pays étrangers au nom des droits de la personne, tandis qu’on est là pour des raisons économique­s? Pourquoi est‐il juste qu’une entreprise gagne un grand montant d’argent par des moyens non éthiques alors qu’on se plaint quand une organisati­on à but non lucratif en gagne un montant équivalent?

Sur le plan personnel, des fois (voire souvent), je dois expliquer à des inconnus, à cause de la couleur de ma peau et de mon nom non européen, que je suis né au Canada. Souvent, on suppose connaître ma race ou l’origine géographiq­ue de mes parents selon mon apparence physique et je dois leur expliquer que je suis biracial. Souvent, on tient pour acquis ma sexualité et on suppose que je suis hétéro. Quand je lis des livres, regarde des films, jette un coup d’oeil à une publicité, la plupart du temps c’est quelqu’un qui ne me ressemble ni physiqueme­nt ni sexuelleme­nt. C’est à moi d’expliquer qui je suis. Je reconnais que ce n’est pas tout à fait la faute de Monsieur ou Madame Tout le Monde. Mais si les gens qui ressemblen­t à l’« idéal » continuent à croire que leur perspectiv­e représente la norme et si moi, qui m’écarte de la norme, y crois aussi (et si d’autres comme moi le font aussi), nous sommes tous coupables de perpétuer cette croyance absurde de la normativit­é, une normativit­é qui nous détruit tous.

Je dois aussi avouer, pourtant, d’être coupable de ma propre mise à l’écart. Ironiqueme­nt, si je me trouve aux marges de la société, c’est aussi de mon plein gré parce que je refuse de jouer le jeu. Je lutte pour mon identité et pour mon intégrité, tant que c’est possible.

Alors, comment est‐ce que je fais pour ne pas tomber dans le désespoir si je me sens tellement frustré et incompris? Parce qu’il y a des personnes qui m’aiment inconditio­nnellement. Parfois, je m’en doute, mais pas toujours. Je suis chanceux d’avoir une mère vivante, qui m’accepte, qui m’aime. Il y a beaucoup de gens qui n’en ont pas. Quand j’ai fait mon coming‐out à ma mère, elle m’a câliné et m’a dit : « Je suis ta mère. On ne peut pas changer qui tu es et je t’accepte. Je t’accepterai toujours parce que je t’aime et je vais continuer de t’aimer. » C’était l’amour inconditio­nnel. L’amour. Je crois que c’est parmi les sentiments les plus importants à ressentir. L’amour de soi, l’amour de sa famille, de ses amis, même l’amour des inconnus dans la rue. Peut‐être qu’il suffit d’un peu d’amour pour combattre cette indifféren­ce et cette apathie que je ressens autour de moi.

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