La Liberté

LE MANITOBA À NOUVEAU TERRE D’ACCUEIL DE RÉFUGIÉS

La mobilisati­on reprend comme il y a 35 ans

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

En 1979 et 1980, le Canada a accueilli près de 50 000 réfugiés du Viêt Nam et des pays environnan­ts, comme le Laos. Ces personnes fuyaient les conséquenc­es de la guerre du Viêt Nam : instabilit­é, persécutio­ns, communisme autoritair­e.

À l’époque, Gérard Dionne était prêtre à la Paroisse Cathédrale. « On voyait aux bulletins de nouvelles ces gens dans leurs petits bateaux. Et ça crevait le coeur. Les paroissien­s nous demandait, à nous, prêtres, “Qu’est-ce qu’on fait pour les boat- people?” » Réponse : « On s’organise. » « Les gens se sont divisés en groupes qui s’occuperaie­nt de parrainer un réfugié ou une famille. À la Paroisse Cathédrale, une bonne dizaine de groupes se sont mis au travail. Et ils n’étaient pas seuls. Il y a eu un mouvement important d’accueil de réfugiés dans les paroisses du Précieux-Sang et des Saints-Martyrs-Canadiens. L’engagement du monde était admirable. »

En 1979, il fallait au moins 10 000 $ pour parrainer un groupe de six à huit réfugiés. (1) Pour amasser les fonds nécessaire­s, chaque groupe de parrainage vendait des pâtisserie­s, organisait des ventes de garage, des soirées de bingo, etc. « Chacun selon sa façon de faire », résume Gérard Dionne.

« Le premier réfugié accueilli par la paroisse était un Vietnamien qui s’appelait Tran. Quand il est arrivé, ça a encouragé tous les groupes de parrainage. Et parce que j’ai longtemps été aumônier scout, j’étais tout particuliè­rement fier des scouts aînés de la paroisse – les Routiers. La troupe de jeunes adultes avait parrainé la deuxième famille de réfugiés accueillie par la paroisse. Tu parles d’une Bonne Action! Et en 1981, la troupe a reçu la médaille de service du Gouverneur général Ed Schreyer. »

Pour mériter de telles accolades, les groupes de parrainage ont passé de nombreuses heures avec les réfugiés. « Il fallait les loger, bien entendu, mais aussi les aider à obtenir toutes leurs pièces d’identité. Il y avait les visites chez le médecin et les inscriptio­ns scolaires pour les enfants.

Les petits fréquentai­ent les écoles Taché et Provencher, les plus grand l’école Marion. Heureuseme­nt que plusieurs parents parlaient français, les pères surtout, parce que le Viêt Nam et le Laos étaient d’anciennes colonies françaises.

« Le plus grand défi était de trouver des emplois. Plusieurs étaient mécanicien­s. Ils ont réussi à travailler au Garage Ouimet, sur l’avenue Taché. D’autres, des Laotiens surtout, faisaient la cueillette de champignon­s chez Loveday Mushrooms.

Et plusieurs ont obtenu de l’emploi dans les fabriques de vêtements de Winnipeg. On se rappellera qu’il y en avaient plusieurs en ce temps-là, comme GWG, qui fabriquaie­nt des jeans et des vestons en denim. »

Et puis Gérard Dionne, poussé par l’esprit missionnai­re, a voulu comprendre davantage la langue et la culture laotiennes. « L’abbé Odilon Larochelle était responsabl­e des réfugiés vietnamien­s et moi, des Laotiens. Je voulais comprendre la mentalité de ces gens. J’ai alors demandé à l’archevêque, Mgr Antoine Hacault, l’autorisati­on de passer un an au Laos pour mieux les connaître. »

L’accès au pays, alors sous le joug d’un régime totalitair­e, était toutefois impossible. Gérard Dionne est donc allé s’immerger pendant un an dans un camp de réfugiés laotiens en Thaïlande.

« C’était en 1983. Je ne savais pas où j’allais, mais j’avais l’esprit et le coeur ouvert. Les conditions dans le camp étaient affreuses. C’était comme une prison. Le camp était entouré de fil de fer barbelé. Et il y avait des sentinelle­s armées. Le diocèse avait parrainé plusieurs familles dans le camp. J’ai obtenu des machines à écrire et leur ai offert des cours de dactylogra­phie, pour que les Laotiens acquièrent des habiletés utiles au Canada. »

À son retour au Canada, Gérard Dionne et une laïque, Pauline Tassé, ont fondé la Mission catholique Lao, qui a intégré la paroisse Sainte-Marie de 1984 à 2010, l’année où le prêtre a pris sa retraite. Les laotiens catholique­s se sont par la suite joints à la paroisse Sainte-Famille.

« Plusieurs Laotiens dans le camp de réfugiés ne comprenaie­nt pas pourquoi on les aidait. Pour ma part, je leur répondais que c’est le Christ qui m’invitait à les accueillir. Et plusieurs ont répondu au même appel. J’en ai baptisé plus d’un. Une expérience plus que spéciale pour un prêtre, croyez moi.

« Ce que je conseiller­ais à toute personne qui veut parrainer des réfugiés, c’est de demeurer ouvert à se laisser transforme­r par la rencontre avec ces étrangers. Ne les accueillez pas froidement. Mais plutôt avec chaleur, avec humanité. Partagez vos vies avec eux. Eux, et vous, vous serez profondéme­nt enrichis. »

(1) Conversion en dollars de 2015 : 31 025 $ (Source : Banque du Canada).

 ?? Photo : Daniel Bahuaud ?? La nouvelle vague de réfugiés syriens a ranimé les souvenirs missionnai­res de Gérard Dionne, qui a joué un rôle important pour la communauté laotienne, qui s’est intégrée au Manitoba au début des années 1980. Sur la photo qu’il nous montre, on retrouve une scène d’école dans le camp de réfugiés de Phanat Nikhom en Thaïlande. Les jeunes apprenaien­t à dactylogra­phier afin de faciliter leur intégratio­n au Canada.
Photo : Daniel Bahuaud La nouvelle vague de réfugiés syriens a ranimé les souvenirs missionnai­res de Gérard Dionne, qui a joué un rôle important pour la communauté laotienne, qui s’est intégrée au Manitoba au début des années 1980. Sur la photo qu’il nous montre, on retrouve une scène d’école dans le camp de réfugiés de Phanat Nikhom en Thaïlande. Les jeunes apprenaien­t à dactylogra­phier afin de faciliter leur intégratio­n au Canada.
 ?? Photo : Gracieuset­é Gérard Dionne ?? Gérard Dionne en 1983, avec des Laotiens dans le camp de réfugiés Phanat Nhikom en Thaïlande.
Photo : Gracieuset­é Gérard Dionne Gérard Dionne en 1983, avec des Laotiens dans le camp de réfugiés Phanat Nhikom en Thaïlande.

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