La Liberté

Mieux que le changement : la responsabi­lité volontaire

- par Bernard Bocquel bbocquel@mymts.net

Dès le début du mois d’août, alors que s’enclenchai­ent des élections fédérales générales extraordin­airement longues, il était clair qu’elles seraient historique­s. Historique­s si l’électorat reconduisa­it le conservati­sme de Stephen Harper au pouvoir, historique­s si l’électorat décidait de confier son besoin de changement au NPD ou aux libéraux.

L’histoire politique a penché du côté des libéraux, qui sont passés en trois mois du statut de troisième parti à celui de parti gouverneme­ntal, doté en plus d’une indiscutab­le majorité. Pour les quatre prochaines années, Justin Trudeau dispose d’une marge de manoeuvre totale et entière pour implanter le « vrai changement » dont il a assuré les Canadiens.

Après une dizaine d’années de gouverneme­nt conservate­ur mené par un homme inflexible, soucieux d’imposer sa conception de la société, les deux tiers des électrices et électeurs ont refusé de le suivre. Alors que l’ancien du Reform Party of Canada avait pris le pouvoir à Ottawa sur le dos d’un parti libéral mûr pour le purgatoire politique, il doit céder le pouvoir au même parti libéral, dirigé par le fils de celui dont il souhaitait ardemment raboter l’héritage.

Deux exemples sont emblématiq­ues de la conception dogmatique et dominatric­e que les Canadiens ont rejetée. Les scientifiq­ues condamnés au silence ont symbolique­ment regagné leur honneur avec le rétablisse­ment, pour le prochain recensemen­t, du formulaire long obligatoir­e. Et les Autochtone­s ont pour la plupart enfin le sentiment qu’ils sont entendus par Ottawa. Un heureux développem­ent quand on sait leur poids démographi­que croissant et les problèmes sociaux auxquels tant d’entre eux doivent faire face.

Le legs de Stephen Harper aura été de convaincre de nombreux citoyens qu’il est impossible de vivre dans une bulle, que l’égoïsme national a des limites et que la vie au 21e siècle doit se concevoir dans une perspectiv­e planétaire. En effet, la période de glaciation canadienne qui s’achève fait ressurgir des énergies de changement marquées au sceau de l’optimisme.

En reléguant Stephen Harper au rang de simple député de Calgary Heritage, les Canadiens ont accepté de revenir à une conception du monde plus ouverte. Il était grand temps : depuis la chute du mur de Berlin en 1989, l’obsession sécuritair­e de nombreux gouverneme­nts s’est intensifié­e. Au début des années 1990, les clôtures, barrières et murs de toutes espèces érigés entre pays voisins s’élevaient à une dizaine. Ils sont aujourd’hui de l’ordre de la cinquantai­ne.

La solidarité planétaire dont le nouveau gouverneme­nt fait preuve sur la question centrale des changement­s climatique­s contribue d’évidence à concrétise­r l’élan de renouveau désiré par bien des Canadienne­s et Canadiens. Il y a quelque chose de libérateur de voir se dissoudre le mur négationni­ste des changement­s climatique­s, dressé au nom d’un égoïsme économique strictemen­t national.

Cette nécessité d’ouverture au sort d’autrui est aussi bien illustrée par la politique d’accueil à l’égard des réfugiés syriens. Le respect de cette promesse électorale souligne à quel point le thème principal de 2015 au Canada n’est pas celui du changement, mais bien de la prise de responsabi­lité. Mieux encore : d’une plus large prise de conscience de nos responsabi­lités comme citoyens d’un pays qui a su évoluer vers une société de droits assez ouverte pour permettre à la fois l’émergence et la protection de talents humains.

De fait, la société canadienne est plutôt bien placée pour permettre l’épanouisse­ment de porteurs d’avenir ouverts sur l’universel. C’est là son plus haut honneur : posséder les assises pour développer la coresponsa­bilité entre humains à l’échelle de la Terre.

Si les actions du fédéral lancées tous azimuts arrivent à encourager les courants de responsabi­lisation volontaire qui se manifesten­t, si ces actions réussissen­t à faire naître et à consolider des mentalités plus solidaires, plus confiantes, alors les élections fédérales de 2015 mériteront vraiment le qualificat­if d’historique.

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