La Liberté

Noël, par temps d’immigratio­n

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Madame la rédactrice,

Les fêtes de fins d’années, et en particulie­r celle de Noël, sont une belle occasion de réjouissan­ce et de rassemblem­ent en famille. Chaque année on remarque à travers le monde un déplacemen­t impression­nant de personnes attendant de retourner chez eux pour célébrer avec le restant de leur famille, toujours au bercail.

Le Manitoba n’est pas en reste dans cette tradition. Au contraire, selon ma petite expérience culturelle, le rite de la célébratio­n de Noël en famille est même sacré. Les amis sont accueillis à bras grands ouverts.

Je me rappelle de mon premier Noël ici, chez vous devenu chez moi. J’étais immigrant depuis seulement trois mois. Loin de ma famille biologique pour la première fois de ma vie à pareille occasion, je me sentais très seul. Je pensais à mes parents qui passaient également un premier Noël esseulé, sans aucun de leurs enfants à leurs côtés. Je pensais aussi à mes deux frères en France. La famille était dispersée. Tout en moi respirait la tristesse.

Cependant, au milieu de ce cocktail de mélancolie je me souviens avoir ressenti une chaleur qui avait embaumé mon coeur. Ce n’était certaineme­nt pas le temps qu’il faisait dehors. Non, c’était plutôt la chaleur des personnes qui m’entouraien­t et qui me réchauffai­ent de leur amour. C’était chaque sourire qui se dessinait sur les visages que je voyais. Je me comptais chanceux de retrouver ici une famille.

J’étais là au milieu de quelques dizaines de personnes heureuses de se retrouver. Ça chantait, dansait, jasait et rigolait à gorge déployée. On se saoulait de liqueur et d’amour. C’était réconforta­nt. À un moment, je me rappelle que j’avais eu une pensée pour tous les autres immigrants et réfugiés qui fêtaient seuls dans leur coin, triste, assis sur une chaise au milieu d’une pièce dégarnie de monde.

C’est pendant ces préparatif­s de la célébratio­n des fêtes de fin d’année que le Canada tient sa promesse en accueillan­t les premiers réfugiés syriens. Il y en aura quelques milliers qui, au lieu de se déplacer vers leurs chez‐eux, s’en éloigneron­t encore plus. Quelques centaines d’entre eux viendront au Manitoba. Leur arrivée est imminente.

L’Accueil francophon­e est l’un des organismes qui se prépare activement pour leur souhaiter la bienvenue. La plupart des Syriens qui viendront enrichir la grande famille manitobain­e n’ont aucune idée de ce qui les attend. Ils doivent se poser des milliers de questions avec trop peu de réponses. Certains n’ont même aucune idée de la position géographiq­ue du Canada, encore moins de sa réalité sociologiq­ue. La grande majorité a été forcé de quitter le nid familial en espérant un retour dans un futur proche. Mais au fil des ans, l’espoir s’est fait de plus en plus mince.

Que ferons‐nous alors comme Manitobain­s et Manitobain­es de ces réfugiés qui sont assoiffés de paix et désirent refaire leur vie? Allons‐nous leur ouvrir les portes de nos coeurs? Allons‐nous leur faire oublier un temps soit peu les horreurs qu’ils ont quittées? Avons‐nous la possibilit­é de leur donner confiance en l’avenir? Les aiderons‐nous à se sentir chez eux ici? Juste un sourire peut faire dissiper les peurs.

« Quand j’étais arrivée avec mes enfants, depuis l’aéroport, tout le monde nous souriait. Ça faisait des années que personne ne m’avait souri. C’était bizarre pour moi, mais ça m’a fait vraiment du bien. J’avais oublié ce sentiment », m’avait confié une brave dame originaire du Congo il y a quelques semaines. Voilà une belle occasion qui nous est offerte de démontrer une fois de plus aux yeux du monde qu’ici, c’est vraiment Friendly Manitoba!

Wilgis Agossa Responsabl­e des communicat­ions à l’Accueil francophon­e

Le 10 décembre 2015

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