La Liberté

PETER DORRINGTON, UN RECTEUR AMBITIEUX

- Papa MBAO presse@reveilmedi­as.ca photo : Gracieuset­é USB

Pour connaitre encore mieux le personnel de l’Université de Saint-Boniface, Le Réveil est allé à la rencontre de Peter Dorrington, vice-recteur à l’enseigneme­nt et à la recherche. Peter Dorrington, votre nom ne sonne pas francophon­e.

Je suis plusieurs choses. Un collègue à l’Université de Regina et moi-même, on a inventé le terme « francophon­e de langue maternelle anglaise ». Je dis souvent à mes étudiants francophon­es qu’on trouve la chose plus normale qu’il y ait par exemple un ItaloCanad­ien. Pourquoi est-ce interdit pour les anglophone­s de se considérer comme étant aussi francophon­es? Je suis francophon­e et anglophone et ma grand-mère maternelle est à moitié canadienne-française. On avait perdu la langue dans la famille, mais on a tout fait pour se la réappropri­er et j’en suis très fier. Autre chose, c’est que Dorrington, ce n’est pas un nom anglophone, mais un nom afrocanadi­en. Mon arrière-grandpère était à moitié noir et son épouse était autochtone.

Comment devient-on vicerecteu­r à l’enseigneme­nt et à la recherche à l’Université de Saint-Boniface (USB)?

Je dirais qu’il n’y a pas de parcours consacré. Je ne suis pas carriérist­e. Mon parcours est assez classique. Une chose qui est fondamenta­le, c’est qu’il faut comprendre l’éducation postsecond­aire en milieu minoritair­e et son système. Une vision qui plus ou moins se différenci­e de celle qui guide l’éducation majoritair­e canadienne. Les objectifs ne sont pas pareils et se traduisent sur le plan pédagogiqu­e et de la recherche. L’éducation postsecond­aire en milieu minoritair­e se fait en relation avec la communauté, le milieu. Je pense qu’il faut saisir tout ça pour occuper un poste comme le mien. Mon expérience m’a aussi préparé à ça. J’arrive de l’Université de Regina où j’ai travaillé pendant dix ans à la direction, également à l’Institut français qui est l’unité universita­ire francophon­e à Saskatoon. J’arrive dans une logique de développem­ent académique cohérent pour l’USB et le collège.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre rôle?

Je suis responsabl­e de tout ce qui est enseigneme­nt et recherche à l’USB. J’ai le grand avantage d’avoir sous ma direction un corps professora­l engagé, doué et qui a plein d’idées. Mon rôle, c’est de proposer ou de faire en sorte que ce développem­ent académique se fasse sur une vision qui inspire l’adhésion des professeur­s et qui inspire les étudiants et les touche. Pour résumer mon travail, c’est de faire en sorte qu’on décide de façon collégiale de la stratégie de développem­ent de l’instance avec une même approche et un ton unique.

Quels sont les tenants de cette vision?

Le sénat de l’USB a créé un comité ad doc composé de sénateurs élus qui sont tous des professeur­s et dont je suis le président. Ce comité est en train d’élaborer une propositio­n pour le développem­ent académique cohérent de l’USB. Une partie de cette propositio­n sera une vision qui pourra guider ce développem­ent. Ce comité ad doc a tenu un forum de consultati­on auquel tous les professeur­s ont participé, sinon la majorité d’entre eux. L’objectif est d’élaborer ensemble ce qui pourrait être l’essence de cette vision. Ce que je souhaitera­is, c’est une vision qui correspond à l’établissem­ent, qui tient compte du milieu, qui tient compte de notre histoire et qui ferait en sorte que l’USB soit distincte des autres université­s de la francophon­ie canadienne. On ne voudrait pas être une version française de ce qu’on trouverait ailleurs.

Pouvez-vous nous expliquer votre plan pour le développem­ent académique cohérent que vous souhaitez tant?

Je dirais que tout se passe dans le processus de recrutemen­t, car nous ne visons pas la quantité, mais bien la qualité. Nous ne recrutons pas juste pour recruter, l’USB ne court pas après les chiffres. Si on décide qu’on veut croitre dans tel ou tel domaine, il faut savoir pourquoi ou pour faire quoi. Le but, c’est de créer une spécificit­é, une démarcatio­n, qui nous distingue des autres. Je veux que l’USB soit un environnem­ent de choix en matière d’étude. J’aimerais beaucoup à travers le Canada et même à l’internatio­nal, que les gens se disent : « Si tu veux apprendre ce domaine il faut aller à l’USB », et nous sommes en train de travailler fort pour ça. On a déjà les ressources et le potentiel pour ça, il faut continuer à les mettre en valeur. Je trouve qu’on a une population estudianti­ne extrêmemen­t intéressan­te qui est un reflet de la communauté francophon­e de demain au Canada. Il ne faudrait pas que cette diversité, qui fait notre identité, reste superficie­lle. En cohérence, je veux dire qu’il faut que nos programmes d’études appuient la recherche et que la recherche fasse de même.

Comment voyez-vous l’avenir du français au Manitoba et au Canada?

Je suis encore nouveau au Manitoba. Je connais mieux l’Ouest canadien dont le Manitoba fait partie. Il y a plusieurs choses qu’il faudrait revoir. Il faut qu’on refuse d’accepter les frontières provincial­es et internatio­nales que nous n’avons pas tracées, nous, les francophon­es. Nousmêmes comme francophon­es, nous nous sommes imposé des cases identitair­es dans ce pays. Ces frontières politiques et culturelle­s sont devenues des silos psychologi­ques dont il faudrait s’affranchir pour des lendemains meilleurs. Les anciens francophon­es du Canada avaient compris cette notion. Ils parcouraie­nt tout le continent en sachant bien que le fait français en Amérique du Nord s’inscrirait dans l’ inter culturel et l’intralingu­istique. Il faut puiser dans cette sagesse qu’on avait autrefois pour renforcer notre communauté. Il faut aussi qu’on trouve une façon d’intégrer les anglophone­s bilingues pour en faire des membres à part entière de la communauté.

Un message pour les étudiants?

Des fois, ils finissent par s’habituer à venir à l’USB, mais je ne sais pas s’ils se rendent compte toujours à quel point c’est un geste politique au bon sens du terme. Le fait de venir à l’USB de façon quotidienn­e, de parler, d’étudier en français constitue un acte fort que je ne sous-estime pas. Je dis aux étudiants : « Je vous salue pour la grandeur de ce geste » et je leur souhaite bonne chance aux examens.

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Peter Dorrington, vice-recteur à l’enseigneme­nt et à la recherche.
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