La Liberté

COMME DES SUPERNOVAS

- Sarah GAGNÉ presse@reveilmedi­as.ca photo : Sarah Gagné

Après le franc succès de l'an dernier avec l'adaptation musicale du classique québécois La Guerre des Tuques, la troupe universita­ire Chiens de soleil prépare pour le mois de janvier 2016 un spectacle plutôt hors de l'ordinaire.

La pièce La Création se base sur des oeuvres de Monique Larouche, une artistepei­ntre reconnue au niveau internatio­nal. La Franco-Manitobain­e Marie-Ève Fontaine assure la mise en scène, épaulée par le Service d'animation culturelle (SAC) de l'Université de Saint-Boniface (USB).

Le spectacle s’inspire de 18 toiles qui représente­nt la création de l’Univers selon des perspectiv­es théologiqu­es, scientifiq­ues et personnell­es à l’artiste. Cette approche demeure un défi pour les Chiens de soleil puisqu’elle s’éloigne du processus théâtral traditionn­el déjà connu par la communauté estudianti­ne de l’USB et de la communauté francophon­e du Manitoba.

Un défi audacieux

Titulaire d’un baccalauré­at en théâtre de l’Université d’Ottawa, Marie-Ève est l’une des seules francophon­es à posséder une formation théâtrale spécialisé­e de niveau universita­ire. Celle-ci se sent privilégié­e de pouvoir partager ses acquis avec des jeunes passionnés du théâtre et d’amener un vent de renouveau à la scène manitobain­e en présentant son projet expériment­al, non orthodoxe.

« J’ai le privilège d’avoir cette formation, de vraiment aimer ça et d’avoir envie d’essayer de nouvelles choses, dit-elle. Il y a le Cercle Molière, la Ligue d’improvisat­ion du Manitoba (LIM) et la troupe Chiens de soleil, mais souvent on refait les mêmes choses. Souvent, on a une culture de jeu. À la LIM, il faut être drôle. Au Cercle Molière, il faut jouer gros. Avec La Création, on va essayer des choses plus subtiles, plus expériment­ales. »

Chargée de la mise en scène, Marie-Ève porte la responsabi­lité de faire honneur aux toiles de l’artiste Monique Larouche tout en essayant d’élaborer un spectacle différent et intéressan­t.

« J’ai vraiment peur, puis en même temps c’est le fun, avoue-telle. C’est bien d’avoir peur. On ne veut pas faire un spectacle complaisan­t pour dire : “Regardez ces belles toiles!” »

« On ne veut pas non plus répéter les informatio­ns qui sont sur les toiles. On veut offrir quelque chose qui est complément­aire et qui boost l’expérience de juste les regarder, poursuit Marie-Ève Fontaine. On essaye toutes sortes de choses. On essaye d’écrire des monologues et de jouer avec des marionnett­es, par exemple. Il y aura un peu de danse ou peut-être un peu de peinture sur scène. Qui sait? »

Marie-Ève insiste sur le fait qu’elle ne se voit pas comme l’unique metteur en scène du projet. La troupe participe activement au processus de création. « Mon rôle c’est d’être chef d’orchestre, de guider et de prendre le pouls de tout le monde impliqué pour voir ce qu’on a envie de faire ensemble. »

Dans les yeux de l’artiste

Titulaire d’un doctorat en psychopéda­gogie, Monique Larouche a eu l’occasion d’exposer maintes fois ses oeuvres d’art à Paris et à Kyoto, toujours en gardant un pied au Manitoba. Passionnée de la nature et des êtres vivants, cette artiste d’origine québécoise établit un lien entre son identité personnell­e et l’univers cosmique.

Son approche spirituell­e enchante les Chiens de soleil et surtout leur metteure en scène Marie-Ève : « Elle nous a montré des photos du télescope Hubble, par exemple. Des fois, on entrevoit comme des supernovas ou des poussières d’étoiles qui prennent des formes. Il y avait une photo qu’elle aimait beaucoup et ça ressemblai­t vraiment à une personne qui émerge de ces poussières. C’est scientifiq­ue, puis en même temps, il y a un coté spirituel. C’est pour ca que la perspectiv­e de Monique est intéressan­te. »

S’inspirant des sept jours de la création du monde telle qu’elle est dans la Genèse et du Big Bang, deux concepts habituelle­ment incompatib­les, Monique Larouche marie ces deux grandes théories dans cette série de tableaux intitulés La Création de l’Univers, finalisés après 18 mois de travail méticuleux.

Dotée d’une grande patience lorsqu’elle entame une nouvelle série de toiles, Monique raconte les joies et les défis auxquels elle fait face lors de son processus créateur. « Un tableau peut parfois prendre jusqu’à trois semaines ou un mois avant d’émerger. Chaque jour, j’ai des frustratio­ns et bien des plaisirs. Je travaille, je réessaye et j’attends que quelque chose s’installe. Quand mon pinceau commence à parler, là, je sais que ce qui va se passer comme processus créateur va être quelque chose de profond. Mon pinceau m’amène alors au plus profond des abysses, au plus profond de la mer. »

S’inspirant de théories scientifiq­ues telles que le Big Bang, Monique cultive d’abord une panoplie d’informatio­ns pertinente­s afin de représente­r la création de l’Univers de façon authentiqu­e. « Il y a beaucoup de recherche dans ce processus. Il y a souvent des moments où je ne suis pas en train de peindre et où je suis toujours dans les livres, explique l’artiste. J’étais entourée de 46 livres différents, des cartes et des atlas lorsque j’explorais comment l’Univers s’est créé. »

C’est la première fois qu’on manipule ses peintures dans une pièce de théâtre et elle semble se réjouir que les oeuvres qu’elle a créées et habitées pendant si longtemps prennent finalement vie d’ une façon unique en son genre .« Il vient un moment dans notre vie où on a besoin de sentir que nos toiles doivent prendre leur propre en vol et qu’ilfaut lesconfier.»

Une quinzaine de jeunes se présentent aux répétition­s chaque semaine. Yan Dallaire, le responsabl­e du SAC, également metteur en scène à ses heures, est impression­né par l’engagement et le haut taux de participat­ion que La Création a suscités chez la communauté estudianti­ne. « Peu importe le résultat, le processus va avoir été fantastiqu­e pour les jeunes comédiens et je sais que l’expérience qu’ils auront vécue va avoir été magique pour eux. Je suis très surpris du nombre de participan­ts et j’ai très hâte de voir le spectacle. »

Pour Monique Larouche, l’implicatio­n des comédiens, unique pour chacun, ajoute un élément authentiqu­e au spectacle. « Je présente l’Univers selon trois visions différente­s, mais lorsqu’on parle de la création au yeux de l’artiste, c’est celle que les comédiens apportent aussi. Dans le fond, ces jeunes sont déjà des étoiles. Juste par leur façon d’être, d’être au monde et d’être sur la scène, ils peuvent apporter quelque chose de plus. C’est leur création et l’ensemble de leur couleur qui font que tout d’un coup, ils vont apporter quelque chose qui va jaillir, du pétillant et du bonheur. »

En plus de faire parler son âme à travers ses pinceaux, Monique Larouche partage sa vision rêveuse et optimiste de la vie. « Ce que j’aimerais c’est que les gens voient qu’on est des poussières d’étoile et qu’on a le pouvoir de changer son étoile.

« Des fois, on peut la polir un petit peu plus si elle est usée ou si elle est rendue un peu trop dans l’ombre, ajoute-t-elle. Je sens que je peux créer mon Univers et que je peux le transforme­r. »

Le spectacle sera séparé en trois parties distinctes, en y exposant les peintures de Monique Larouche de façon différente­s. La première partie représente la création du monde selon la Genèse, la deuxième selon la théorie du Big Bang et la dernière selon la perspectiv­e de l’artiste en question.

Marie-Ève et les comédiens sont toujours en processus de création, mais ont tout de même très hâte de présenter leur production et vous invitent à venir contempler les étoiles au Théâtre de la porte rouge de l’USB du 20 au 23 janvier prochains.

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Quelques membres de la troupe Chiens de soleil impliqués dans la pièce metteure en scène, Marie-Ève Fontaine, et des oeuvres de l'artiste Monique Larouche.accompagné­s de leur
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