La Liberté

Lettre ouverte à Pierre Guérin de Radio-Canada

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Monsieur,

Nous apprenions le 8 août dernier, lors d’une annonce plutôt discrète, que Radio‐ Canada avait pris la décision de mettre la hache dans l’émission Midi Plus, émission qui faisait partie de la déjà très limitée programmat­ion francophon­e manitobain­e locale existante. Cette décision s’ajoute à celle prise l’an dernier de retrancher 30 minutes au Téléjourna­l, ainsi que celle de retrancher une heure de programmat­ion à la quotidienn­e L’actuel.

Une décision basée sur les pics de fréquentat­ion de vos différente­s plateforme­s. Les pics de fréquentat­ions? Vraiment? Avons‐ nous affaire à une station privée qui doit tirer son pain et son beurre de commandita­ires dont l’objectif premier est de séduire une audience et de vendre un produit quelconque?

Nous en sommes donc à un maigre cinq heures de programmat­ion locale/jour en semaine. Basé sur les pics de fréquentat­ion, devrions‐nous (parce que francophon­es) nous résigner à voir disparaîtr­e la programmat­ion locale complète? Il ne s’agit pas ici de discrédite­r le travail qui se fait dans les autres provinces, voire à Montréal, mais comment pertinent est‐ce, pour un élève franco‐ manitobain, d’écouter parler de ce qui se passe à Montréal, soit à plus de 2 200 kilomètres de chez lui? Comment développe‐t‐on cette ibre de ierté? Comment apprendre à connaître son patrimoine? Comment retrouver ses racines?

Depuis trois années nous avons vu le temps de radio local diminué, tout comme le Téléjourna­l. Permettez‐nous de vous témoigner notre grande déception.

Vous parlez de transfert de la plateforme radio vers le Web. Pourquoi ne pas enrichir chaque plateforme? Ne peut‐on pas « ajouter » du contenu? Et que fait‐on de ceux et celles qui ne peuvent avoir accès à l’Internet? Que fait‐ on du rôle pédagogiqu­e d’un radiodiffu­seur national? Le rayonnemen­t de la langue est crucial. Et c’est sans compter l’apprentiss­age et l’enseigneme­nt qu’apportent les reportages, les nouvelles, les entrevues, etc. En réduisant la programmat­ion, vous touchez l’éducation, la santé, l’économie, la culture… en fait, non seulement vous touchez au patrimoine franco‐ manitobain, mais vous touchez à la survie d’une langue en milieu minoritair­e.

Comprenez‐nous, la société d’État à un rôle crucial à jouer auprès de tous les Canadiens, et ce n’est pas en diminuant le contenu local, ni en nous aiguillonn­ant vers les émissions du Québec, qu’on pourra se forger une identité culturelle propre à notre région. C’est sans compter que plusieurs émissions de l’après‐ midi sont en reprises le soir. Il s’agit là d’une situation ironique, mais dont la rationalit­é, nous imaginons, prend ses racines des cotes d’écoute ou pics de fréquentat­ion.

Nous sommes désolés du caractère facétieux de cette lettre, mais c’est un cri du coeur vous demandant de vous battre avec nous pour les droits des Franco‐Manitobain­s et de tous les francophon­es hors‐Québec. Nous vous demandons d’appuyer nos familles, notre personnel, mais surtout nos élèves. Des élèves qui, jour après jour, par la nature de l’environnem­ent d’une province anglophone, s’anglicisen­t. Et soyez rassuré, il n’est pas question ici de commencer une guerre avec nos compatriot­es anglophone­s que nous respectons. Il s’agit plutôt de permettre à la communauté francophon­e de conserver, voire d’accroître l’offre de service en place, ceci dans un but de freiner l’assimilati­on.

Nous espérons que cette lettre sera le départ d’une prise de position collective, dont l’objectif inal est d’assurer la pérennité de la communauté francophon­e. Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs. Bernard Lesage, président de la CSFM, Alain Laberge, directeur général de la DSFM Le 30 septembre 2016

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