La Liberté

Mais que voulaient donc ses personnage­s?

Que se passe-t-il quand des personnage­s interpelle­nt leur auteur? Arlette Cousture, l’auteure des Filles de Caleb, connaît maintenant la réponse. Elle la donne dans son nouveau recueil Chère Arlette. (1)

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

Arlette Cousture a présenté Chère Arlette à son éditrice, en lui indiquant qu’elle avait « reçu des lettres ».

- « De qui? »

- « Des personnage­s. »

- « Ben voyons donc! » L’auteure a compris l’étonnement de son éditrice. Elle même s’était déjà étonnée que ses personnage­s aient « décidé » de lui écrire.

« J’ai entrepris un exercice curieux. J’ai “reçu” dix lettres. Bien sûr, c’est moi qui les ai écrites. Mais dans un sens plus profond, et réel, ce sont vraiment les personnage­s qui se sont exprimés. Je les ai découverts à nouveau lorsque j’ai commencé à écrire. Ils se sont incarnés. Et ils m’ont surpris.

« Quand on écrit un roman, on connaît l’itinéraire des personnage­s. Quand on écrit des lettres, on ne sait pas où iront les personnage­s. Ou ce qu’ils diront. Certains personnage­s me corrigent. Ils désavouent même des fois ce que j’ai écrit dans Les Filles de Caleb. D’autres me maudissent. Dans sa lettre, Henri Douville déclare : “De m’avoir créé, je vous remercie. De m’avoir fait souffrir, je vous maudis”. C’est fort. Je ne connaissai­s pas la souffrance de Douville à l’orphelinat. Dans sa lettre, il me l’a fait connaître. Et j’ai appris que son alcoolisme a rempiré depuis la sortie du livre. »

Mais pourquoi revisiter les personnage­s des Filles de Caleb en particulie­r?

« Au départ, je voulais trouver une manière unique d’exprimer ma gratitude envers ce roman. »

Ça se comprend. Depuis 1985, le roman a eu un profond impact sur le public canadien-français, qui a pu découvrir dans les trois tomes du romanfleuv­e comment vivaient leurs ancêtres à la fin du 19e siècle et au début du 20e. Grâce en grande partie aux personnage­s comme Émilie Bordeleau et Ovila Pronovost. La mini-série télévisée en 1990 et 1991

avait battu tous les records d’écoute. « Cette réussite étonne toujours. Quand j’écrivais Le Chant du coq, Le Cri de l’oie blanche et L’Abandon de la mésange, j’ai fait mon tout possible pour donner vie aux personnage­s, malgré le fait qu’à la base, ils étaient des archétypes. Mais comme le public a réagi favorablem­ent, en vibrant il leur a donné vie. L’imaginatio­n populaire les a incarnés. »

Ce qui n’a pas empêché l’auteure de trouver « très difficile » d’écrire Chère Arlette. « Je me suis inspirée en partie de ma mère pour créer le personnage de Blanche Pronovost. Dans sa lettre, Blanche, qui souffre de démence, comme en a souffert ma mère, a du mal à s’exprimer. Son infirmière, Marie-Louise Larouche m’a fendu le coeur dans sa lettre. Et parler de la mort d’un enfant, bien que fictive, reste douloureux. » Arlette Cousture estime avoir réussi son coup. « Le secret d’incarner les personnage­s, c’est d’assurer le bon ton, la bonne voix. Chacun s’exprime à sa façon, dans son registre, avec son vocabulair­e. C’est comme ça qu’on leur donne une psychologi­e, une manière de voir et de vivre bien à eux. » (1) Chère Arlette est publié aux Éditions Libre Expression. Il sera lancé le 11 octobre à Montréal.

 ?? Photo : Daniel Bahuaud ?? Arlette Cousture de passage à Winnipeg : « Le secret d’incarner les personnage­s, c’est d’assurer le bon ton, la bonne voix. Chacun s’exprime à sa façon, dans son registre, avec son vocabulair­e. »
Photo : Daniel Bahuaud Arlette Cousture de passage à Winnipeg : « Le secret d’incarner les personnage­s, c’est d’assurer le bon ton, la bonne voix. Chacun s’exprime à sa façon, dans son registre, avec son vocabulair­e. »

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