La Liberté

« Berlioz, parce que ça me faisait peur »

Comédien et musicien, Simon Miron s’est plongé dans le monde romantique et délirant de la Symphonie fantastiqu­e de Berlioz, pour y ajouter des touches ultra-contempora­ines, comme des images projetées, de la peinture en direct et un jeu de comédien sur la

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

Simon Miron met immédiatem­ent les choses au clair. « Aucune note de la Symphonie fantastiqu­e d’Hector Berlioz n’a été changée. Alexander Mickelthwa­te et l’Orchestre symphoniqu­e de Winnipeg interpréte­ront ce chefd’oeuvre avec leur brio habituel. » (1)

Les mélomanes seront soulagés. Ce qui est inhabituel, c’est le jeu qui se produira sur la scène, avant que l’OSW ne se mette à jouer, et entre les mouvements de la symphonie.

« La Fantastiqu­e raconte une histoire prenante. Lors de la première, à Paris en 1830, Berlioz a présenté un programme écrit qui précisait ce que le compositeu­r cherchait à illustrer en musique. Les auditeurs pouvaient, en écoutant, “jouer” les scènes dans leur imaginatio­n. Un peu comme un vidéo-clip imaginaire. »

Le premier élan Simon Miron a été d’écrire le scénario. « J’ai l’avantage d’être bilingue. Alors j’ai pu aller à la source me plonger dans le texte de Berlioz même. C’est important, parce qu’il y a des nuances qui sont franchemen­t intraduisi­bles. Berlioz parle du “vague des passions”. L’image évoque l’aspect mystérieux et flou de nos états d’esprit. Ça, et le flux et le reflux des émotions, qui montent et qui descendent en nous.

« J’ai voulu représente­r le vague des passions dans mes gestes et mes paroles. Surtout que l’idée est au coeur de la symphonie. Berlioz est un obsédé. Le programme parle même d’une “idée fixe”. Dans la symphonie, c’est une mélodie qui revient dans tous les mouvements. De plus, la Fantastiqu­e raconte des épisodes et expérience­s d’un jeune artiste éperdument épris d’une femme. C’est son obsession. Et c’est sa fatalité, puisqu’en cherchant sa muse à l’extérieur de luimême, l’artiste va se perdre. »

Le deuxième élan de Simon Miron consistait à concevoir des images. « J’ai voulu mettre à jour le concept. Le programme de la Fantastiqu­e a donné naissance à des vidéo-clips. Avec Thor Aitkenhead, un artiste expert en multimédia, je me suis promené un peu partout à Winnipeg pour filmer des épisodes de la symphonie. On est allé à l’encontre du programme berliozien. On a voulu rester dans un monde urbain, contempora­in. Alors le mouvement Scène aux champs devient une randonnée au parc Happyland, où il y a de la verdure, mais du béton et des trains, aussi. »

Le troisième élan de Simon Miron a été de faire vivre la peinture en direct. « Nereo Eugenio II se laissera emporter par la musique, pour créer non pas ses propres vidéo-clips imaginaire­s, mais de vrais tableaux. Je voulais ajouter cette composante pour rappeler qu’on est toujours en relation créative avec un ouvrage musical célèbre. Écouter la Fantastiqu­e, ce n’est pas une expérience passive. »

Et l’idée fixe du projet de Simon Miron? « La peur. Ça fait plus de dix ans que je suis comédien. J’ai joué sur les planches du Cercle Molière, de Rainbow Stage, du Manitoba Theatre for Young People. Je n’ai jamais entrepris une présentati­on de cette envergure. Je voulais me lancer un défi. Et un défi, ça dérange. J’ai voulu jouer Berlioz, parce que ça me faisait peur. »

(1) La Symphonie fantastiqu­e sera présentée le 18 octobre à 19 h 30, dans le cadre du Festival de musique impression­niste de l’OSW, à la Salle du Centenaire du Manitoba, située 555, rue Main à Winnipeg.

 ?? Photo : Daniel Bahuaud ?? Simon Miron : « Berlioz était un obsédé. La Fantastiqu­e raconte sa passion obsessionn­elle pour Harriet Smithson, une actrice. C’est potentiell­ement fatal. Parce qu’un artiste qui cherche sa muse à l’extérieur de lui-même va se perdre. »
Photo : Daniel Bahuaud Simon Miron : « Berlioz était un obsédé. La Fantastiqu­e raconte sa passion obsessionn­elle pour Harriet Smithson, une actrice. C’est potentiell­ement fatal. Parce qu’un artiste qui cherche sa muse à l’extérieur de lui-même va se perdre. »

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