« LE NOUVEAU NOM DE LA PAIX, C’EST DÉVELOPPEMENT »
Quand Développement et Paix a été créé au Canada en 1967, Louis Laurencelle était prêtre depuis près de dix ans, en paroisse et auprès de la jeunesse dans le diocèse de Saint-Boniface. Il se souvient des débuts de l’organisme.
«En 1967, j’avais été invité par un ami Jésuite, le père Fernand Lévesque, professeur au Collège SaintBoniface, à assister à une réunion chez Maître Alfred Monnin, raconte Louis Laurencelle. C’est là que j’ai appris que les évêques du Canada avaient décidé de fonder un mouvement pancanadien de solidarité avec les pays du Sud, qu’on appelait du Tiers-Monde à l’époque. » Si l’ampleur du projet, qui prévoyait inclure l’ensemble des diocèses du Canada, a d’abord surpris le jeune prêtre, sa raison d’être s’inscrivait dans le Concile Vatican II qui s’était déroulé en deux sessions entre 1962 et 1965, avec 2 200 évêques. « Il existait déjà des organismes de développement dans des épiscopats ailleurs dans le monde et ils ont fait l’objet de nombreuses conversations lors du Concile, rapporte Louis Laurencelle. Les évêques du Canada ont été très sensibilisés à la grande détresse des pays du Sud, d’où leur détermination de « faire absolument quelque chose » à leur retour du Concile. « De plus, le pape Jean XXIII y a supplié l’Église « d’ouvrir les fenêtres » dans son discours d’ouverture du Concile. Il voulait que l’Église soit plus proche des gens, plus ouverte sur le monde. Développement et Paix répondait à cette demande. » En 1964, le discours du pape Paul VI sur la paix devant les Nations Unies a été tout aussi marquant puisqu’il y a déclaré que « désormais, le nouveau nom de la paix, c’est développement ».
CONFIÉ AUX LAÏCS
Un point fort de la création de Développement et Paix a été la décision de le confier aux laïcs catholiques. « C’était nouveau mais bienvenu de voir un organisme créé par les évêques confié aux laïcs, se réjouit Louis Laurencelle. L’action catholique du laïcat était alors très vigoureuse. » Les racines de cette décision peuvent également être retracées dans le Concile Vatican II. En effet, un document issu de ce Concile a clarifié le rôle des laïcs dans l’Église comme peuple de Dieu, tous prêtres, évêques et rois, tous appelés à témoigner du Royaume de Dieu sur Terre. En outre, cette main tendue au laïcat a été influencée par la présence au Concile de Mgr Helder Camara, du Nord-Est du Brésil, « une figure de la théologie de la libération dans les communautés de base d’Amérique latine, des communautés très actives animées conjointement par des prêtres et des laïcs », explique Louis Laurencelle.
L’APPUI ET LA SENSIBILISATION POUR MISSIONS
Ce sont surtout les évêques de Saint-Boniface, Mgr Baudoux, francophone, et de Sault-SainteMarie, Mgr Carter, anglophone, qui ont pris en main la mise sur pied de Développement et Paix. La constitution de l’organisme pancanadien a par ailleurs été rédigée par un FrancoManitobain alors jeune avocat, Me Alfred Monnin. Dès sa création, Développement et Paix avait pour objectifs d’appuyer financièrement les projets des populations du Sud qui demandaient de l’aide sans conditions religieuses et en respectant leurs réalités et façons de faire, et de corriger les inégalités à la lumière de l’Évangile. Ainsi, « il a toujours été très important, en plus d’aider ces projets, de faire aussi de la sensibilisation et de l’éducation de nos propres concitoyens sur les réalités des pays du Sud », affirme Louis Laurencelle. Il conclut que « grâce à celles et ceux qui comme moi étaient là au début et qui y ont cru, j’ai pu m’engager pendant 50 ans envers Développement et Paix. C’est vraiment ça qui a donné son sens le plus profond à ma foi chrétienne et qui me donne de l’espoir pour l’avenir de la solidarité avec nos frères et soeurs du Sud ».