La Liberté

« Toujours à la recherche de moi-même »

La chanteuse internatio­nalement applaudie revient à Winnipeg présenter son nouvel album, Let’s get lost, le 22 octobre au WAG.

- Barbara GORRAND presse3@la-liberte.mb.ca

«Boisée, douce et légèrement fumée, tel un grand whisky ». Voilà comment la critique du Washington Post décrit la voix de Cyrille Aimée. Mais qu’on se rassure, si la Française établie à New York depuis une dizaine d’années a le don d’enivrer son public, cette griserie-là est garantie sans effet secondaire.

Née d’un père français et d’une mère dominicain­e, Cyrille Aimée s’est construite de voyage en voyage, au gré des aspiration­s paternelle­s : Cameroun, New York, Mexique, République Dominicain­e, Singapour…

Et la France, aussi. Le pays où elle est venue au monde, puis où elle est née à la musique des années plus tard. À Samois-sur-Seine plus précisémen­t, ville où a vécu et où repose Django Reinhardt. Mais ce n’est pas par le biais du festival qui y célèbre chaque année le guitariste de génie que Cyrille est tombée en amour avec le jazz. C’est par celui d’un héritage manouche, du nom de ce peuple ayant migré au fil des siècles depuis l’Inde jusqu’à l’Europe centrale, très vivant dans ce village des bords de Seine. Entretien avec l’artiste.

Hier l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Norvège ou encore la Suède, aujourd’hui Winnipeg pour deux concerts en une journée (1), demain les États-Unis; avec ce rythme intense de tournée, comment faites-vous pour préserver votre voix?

Je me souviens bien de Winnipeg, où je suis déjà venue pour un concert et une masterclas­se. Pour en revenir à ma voix, je n’y pense pas trop. En tournée je suis partout, on dort peu, il y a le décalage horaire, mais étrangemen­t ma voix tient le coup. C’est toujours après la dernière date que mon corps et ma voix s’écroulent, comme s’ils savaient qu’il fallait tenir bon jusque là.

En grandissan­t à Samois-sur-Seine, on se dit qu’il était presque naturel pour vous d’être attirée par la musique manouche…

Vous savez, quand les Manouches vivent dans leur campement, ils ne se mêlent pas vraiment aux gens du village. Si je les ai rencontrés, c’est parce qu’un jour où j’étais sur mon vélo, à 14 ans, j’ai été approchée par une petite manouche qui le trouvait beau et qui m’a demandé de monter dessus. On a fini par se retrouver avec ses quatre cousines sur le vélo à dévaler les rues pavées de Samois! Elle est devenue mon amie, et c’est comme ça que je suis entrée dans leur vie, et eux dans la mienne. Cela n’avait rien à voir avec la musique. Ce n’est venu qu’après.

Et dans leur musique, qu’est-ce qui vous a inspiré?

C’est la manière dont ils la vivent. Pour eux la musique c’est tous les jours, en famille, avec des amis, pour cuisiner, pour danser, autour du feu. Ce n’est pas pour en faire un métier : il en ont autant besoin que de manger ou de respirer.

Un jour, ils vous ont demandé de chanter. Cela a été une révélation, une évidence?

Je ne me suis pas mise à chanter comme je chante maintenant, j’ai beaucoup appris depuis. Mais j’ai senti que les gens aimaient ce qu’ils entendaien­t, et que j’aimais ça. De ce moment, je me suis mise à chercher mon son, et je vais le chercher toute ma vie.

Est-ce de cette époque que vous avez gardé ce grand sens du partage de la scène? Car si les concerts se portent sur votre nom, on sent entre vous et vos musiciens une connivence, un dialogue dans lequel personne ne prend le dessus…

Pour moi c’est naturel, normal, nous amenons tous notre part à la musique. Nous sommes tous aussi importants les uns que les autres. Je ne peux pas l’imaginer autrement. Et puis la voix est aussi un instrument comme les autres.

Let’s get lost, sorti cette année, est votre deuxième album sur le label Mack Avenue et avec la même formation; il est la suite logique de It’s a good day?

Absolument. Le précédent, c’était l’album d’un groupe que j’avais imaginé, un groupe idéal que j’avais dans la tête. On s’est réuni en studio, et c’est là que la musique a pris vie. Alors que le deuxième est l’album d’un groupe qui a vécu trois ans ensemble, en tournée, qui a appris à se connaître. Quand on est retourné en studio, on a pu se concentrer davantage sur l’ambiance, sur les sentiments.

On y retrouve des compositio­ns et des reprises, dont T’es beau tu sais, une compositio­n peu connue de Georges Moustaki pour Edith Piaf. Vous aimez sortir des sentiers battus?

Je ne cherche pas à inventer quelque chose de nouveau ou de différent. Je suis toujours à la recherche de moi-même, le plus honnêtemen­t possible.

(1) Le samedi 22 octobre à 15 h 30 et 20 h à la Winnipeg Art Gallery.

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Photo : Gracieuset­é Colville W. Heskey Cyrille Aimée revient sur la rencontre qui a changé sa vie : les Manouches et leur rapport à la musique.
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