TROIS VOIX À LA 3
Michel Lagacé L’heure de vérité est arrivée pour le gouvernement fédéral
Trump, oléoducs, réforme électorale et transferts fiscaux, voilà quatre enjeux de taille qui se conjuguent pour mettre le gouvernement fédéral au défi cet automne. D’abord, l’élection de Donald Trump aux États-Unis pourrait compliquer le règlement de deux grands enjeux au Canada. Le 9 décembre, le Premier ministre Justin Trudeau est censé rencontrer les Premiers ministres provinciaux pour parachever la stratégie canadienne sur les changements climatiques. Si Donald Trump rejette l’Accord de Paris sur le climat, l’intention de M. Trudeau de fixer un prix pour le carbone pourrait être contestée fortement, puisque cette mesure désavantagerait les entreprises canadiennes par rapport à leurs compétiteurs américains.
Aussi, d’ici le 19 décembre, le gouvernement fédéral doit décider du sort du projet TransMountain de Kinder Morgan, une proposition qui doublerait la capacité de son oléoduc entre l’Alberta et la Colombie-Britannique. Donald Trump a indiqué qu’il favorise le projet de Keystone XL, qui transporterait les produits des sables bitumineux de l’Alberta au golfe du Mexique. Si Keystone XL est ressuscité, l’opposition au projet TransMountain pourrait s’amplifier au Canada.
De plus, le rapport du comité spécial sur la réforme du système électoral doit être déposé d’ici le 1er décembre. Les partis d’opposition dominent ce comité. S’ils arrivent à un consensus, il sera presque impossible pour le gouvernement d’imposer les réformes qu’il préfère. Enfin, le gouvernement fédéral doit négocier une entente avec les provinces sur les transferts fiscaux qu’il leur accordera pour la santé.
La capacité de Justin Trudeau de créer un consensus au pays et à l’étranger sera mise à rude épreuve cet automne.
Roger Turenne Faut-il vraiment accroître le taux d'immigration?
Un groupe de consultants recommande au gouvernement canadien de tripler la population du Canada d'ici l’an 2100 en accueillant plus de 400 000 immigrants par année. Le gouvernement Trudeau vient de modifier les règles de sélection pour favoriser l'accueil des immigrants économiques. Mais un taux élevé d'immigration est-il infailliblement un atout économique et social? (Je ne parle pas ici de réfugiés que nous nous devons d’accueillir pour des raisons humanitaires.)
Certes l'arrivée d'immigrants talentueux peut être avantageuse à court terme dans certains secteurs économiques. À long terme cependant, l’argument est fallacieux, car il suppose que la croissance économique dépend d’un accroissement toujours plus grand de la population. Selon cette logique, plus un pays est peuplé, plus le bien-être de ses citoyens augmente. Pourtant, selon l’indice du développement humain des Nations Unies, la tête de liste revient à la Norvège et la Suisse, petits pays à croissance démographique négligeable qui accueillent peu ou pas d'immigrants.
Par ailleurs, on oublie trop souvent que chaque fois que le Canada accueille un immigrant hautement qualifié en provenance d'un pays pauvre, il prive ce pays d'une compétence dont il peut difficilement se priver. Loin d'être empreint de générosité, notre système d'immigration tient souvent du raid sur les pays en voie de développement que nous prétendons pourtant vouloir aider. Toutes ces questions méritent donc un débat plus approfondi. Si la majorité des Canadiens reste favorable à l’immigration, les sondages indiquent que cette même majorité est réfractaire à son accroissement. Le gouvernement doit donc procéder avec la plus grande prudence.
Raymond Clément Les conséquences d’un endettement historique des ménages
Depuis le deuxième trimestre de 2016, la dette des ménages canadiens dépasse le produit intérieur brut (PIB) pour la première fois dans notre histoire. Les Canadiens figurent au premier rang mondial des endettés.
Cette dette se situe à plus de 167 % du revenu disponible. Elle est due à l’utilisation du crédit à la consommation et aux prêts hypothécaires. La politique monétaire à bas taux d’intérêts en place depuis 2008 pour contrer la crise économique est en partie responsable de ce record d’endettement.
Il reste que tout le tableau économique n’est pas noir, ou plutôt rouge. D’abord, l’avoir des Canadiens a augmenté avec la valeur des maisons. Ensuite, le coût des intérêts sur la dette reste bas et abordable. Enfin, le marché immobilier demeure relativement stable et solvable, même si la SCHL s’inquiète de la surchauffe du marché immobilier dans certaines villes canadiennes, comme Vancouver et Toronto.
Maintenant que les ménages sont endettés et qu’une partie d’entre eux se préparent pour la retraite, ces ménages ne peuvent plus soutenir l’économie à eux seuls. Or Statistique Canada nous apprend que les troisquarts de la croissance économique entre 2008 et 2015 ont justement reposé sur la consommation des ménages.
Autant dire que la Banque du Canada devra hausser avec prudence les taux d’intérêts. Si les investissements des entreprises et les exportations se font attendre, le Fédéral va devoir investir. Sinon l’économie canadienne est vouée à une période de faible croissance et à une création d’emploi anémique à court et moyen terme.