La Liberté

UNE GRANDE DÉFAITE POUR L’INTELLECTU­EL

- Simon Lafortune aemedias@monusb.ca

8 novembre 2016 : le jour J.

Après deux ans de promesses électorale­s et de rhétorique partisane, c’était maintenant le moment pour les Américains de faire leur choix.

Un choix qui, pour nous, semblait des plus évidents. Un choix qui, à première vue, ne pouvait aller que dans un sens.

Un choix qui, finalement, déchira un pays au grand complet. Un pays évidemment épuisé, même écoeuré par la durée interminab­le d’une campagne électorale sournoise et agressive, où les deux candidats principaux semblaient plus occupés à entretenir une haine profonde envers leur adversaire plutôt que d’établir une plateforme électorale concrète et efficace.

Le ton de cette campagne en fut un de ségrégatio­n, de division bornée et sans scrupule. Un discours qui se traduisit explicitem­ent en une victoire écrasante d’un homme avec aucune expérience politique. Un homme qui a réussi à galvaniser l’électorat en cultivant la peur de l’« autre », qu’il soit homosexuel, musulman, immigrant ou pro-choix.

Une technique qui, somme toute, fonctionna à merveille.

Le soir de l’élection, après être revenu d’une pratique de volleyball à l’université, je suis arrivé chez moi excité et anxieux, sachant très bien que la soirée allait être longue. J’avais d’ores et déjà le pressentim­ent que ça allait être beaucoup plus serré que l’on pensait.

Hélas, dès mon arrivée, j’ai tout de suite remarqué la mine basse de tous ces gens rassemblés dans mon salon. Plus les minutes passaient, plus nous réalisions l’ampleur de ce qui était en train de se dérouler. Notre désarroi ne faisait que s’agrandir au fur et à mesure que la carte électorale se rougissait.

Et puis le verdict tomba petit à petit. Ohio, Floride, Caroline du Nord, Wisconsin, Pennsylvan­ie… Ce qui devait être une lutte serrée devint rapidement un combat inégal qui se termina en une victoire écrasante par K-O au dernier round.

Une victoire signée Donald J. Trump.

Un bon ami à moi avait mentionné au début de la soirée que peu importe le résultat, cette élection allait être historique. Et il n’avait pas tort.

D’un côté, les américains avaient la chance d’élire une femme à la tête du pays pour la première fois.

De l’autre, la population avait l’occasion de faire un doigt d’honneur monumental en direction de

l’establishm­ent politique, élisant un homme n’ayant rien à voir avec le cercle restreint de Washington ou le gouverneme­nt.

Et nous savons maintenant de quel côté la balance a penché en ce jour fatidique du 8 novembre.

Il serait facile de blâmer mer et monde pour ce résultat des plus surprenant­s. Un résultat qui en dit malheureus­ement beaucoup sur la population américaine.

% Tout d’abord, 47 des Américains ne sont pas allé voter. Près de la MOITIÉ ne se seraient donc tout simplement pas présentés à ce qui était surement l’élection la plus importante de leurs vies…

Comme quoi les décisions sont prises par ceux qui daignent se montrer le bout du nez.

N’étaient-t-ils donc pas prêts à élire une femme Présidente des États-Unis? Difficile à dire. Malgré sa défaite cuisante au collège électoral, Hillary Clinton a tout-de-même su gagné le vote populaire par moins d’un million de votes.

% Clinton n’a cependant jamais su créée une connexion, un lien avec l’électorat féminin. Seulement 54 des femmes ont voté pour elle, un chiffre d’autant plus impression­nant quand on considère que son adversaire avait dénigré, même insulté les femmes à maintes reprises pendant la campagne.

De son côté, Trump a réussi à se présenter comme le candidat du changement. Comme une arme redoutable du peuple pouvant mettre fin au règne éternel de l’élite de la société, dont Trump lui-même fait partie, chose que l’électorat a vite oublié.

Puisqu’il n’était pas un politicien de profession, on lui a tout pardonné.

Un vrai politicien faisant ce genre de propos sur les femmes : défaite automatiqu­e. Un vrai politicien ne dénonçant pas le KKK et prétendant ne pas connaître la nature de cette organisati­on : défaite automatiqu­e.

Un vrai politicien évoquant qu’il faudrait bannir tous les musulmans du pays, construire un mur entre les États-Unis et le Mexique, punir les femmes ayant recours à l’avortement, etc. Vous l’aurez deviné : défaite au-to-ma-tique.

Et la liste est longue…

Son exubérance et son franc-parler, qui devaient être ses deux talons d’Achille, furent finalement ses plus grands atouts. Il continua de marteler Hillary sur le scandale des emails tout au long de la % campagne, ce qui s’est avéré être une excellente stratégie. 80 de la population ne voyait pas Clinton comme étant digne de confiance.

Malgré tout cela, c’est une conversati­on avec mon père à la fin de la soirée électorale qui m’est restée en tête. Il m’a dit : « Simon, ce soir c’est une grande défaite pour l’intellectu­el ».

La lourde vérité de ces mots en est écrasante.

% 62 des femmes non-diplômées votèrent pour Donald Trump, se foutant royalement du fait qu’elles % avaient la chance d’élire une première femme présidente. 72 des hommes non-diplômés on fait de même.

À l’aide d’une manipulati­on de masse phénoménal­e, Trump a fait accroire à plus de 60 millions de personnes qu’il allait révolution­ner un système politique inchangeab­le, qu’il était un champion de la classe ouvrière dont il n’a vraisembla­blement jamais fait partie, qu’il allait redorer la réputation internatio­nale des États-Unis sans aucune expérience en politique étrangère.

Qu’il allait make America great again…

Et beaucoup, voire trop de gens l’ont cru sur parole.

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