La Liberté

Une sociologue passionnée

- Émilie MORIER-ROY aemedias@monusb.ca

Titulaire d’un postdoctor­at en sociologie de l'École des hautes études en sciences sociales à Paris et originaire de la Russie, Anna Borisenkov­a est la nouvelle professeur­e de sociologie à l’Université de Saint-Boniface ce semestre. J’ai eu le plaisir de la rencontrer pour discuter avec elle dans le but d’en apprendre plus à son sujet. Pouvez-vous me parler un peu d’où vous venez et de votre parcours?

Je viens de Moscou, en Russie. J’ai fait ma maitrise à l’Université de Manchester en Grande-Bretagne. Ce fut là que j’ai alors vécu un point tournant dans ma vie profession­nelle parce que c’est dans le cadre de ce programme que j’ai commencé mon parcours sociologiq­ue. Pendant mes études doctorales à l'École des hautes études en sciences économique­s de Moscou, j’ai participé à des échanges académique­s à Paris. Cela m’a donné une expérience inoubliabl­e. J’ai rencontré des gens extraordin­aires avec lesquels je reste en contact aujourd’hui.

Quand j’ai fini mes études doctorales, j’ai déménagé à Paris où j’ai passé quelques années à l'École des hautes études en sciences sociales pour faire mon postdoctor­at en sociologie au Centre d’étude des mouvements sociaux et où je reste membre affiliée.

Parlez-moi un peu plus au sujet de votre thèse et de vos publicatio­ns.

Ma thèse, « La Méthodolog­ie de la connaissan­ce sociale dans l’interpréta­tion de Paul Ricoeur : l’analyse critique de la théorie des narrations », traite de l’analyse de narration et de récits, par exemple : comment peut-on analyser un récit quotidien, une biographie? ou comment peuton analyser les récits dans les médias ou dans les réseaux sociaux d’un point de vue sociologiq­ue? J’ai essayé de trouver l’inspiratio­n dans la théorie du grand philosophe français Paul Ricoeur et d’appliquer sa théorie à la sociologie.

Mon parcours a toujours été très interdisci­plinaire. J’ai réussi à réunir les domaines comme la sociologie, la philosophi­e et les études littéraire­s dans mes recherches. Par exemple, mon article le plus récent est au sujet du flâneur, c’est-à-dire la personne qui marche dans les rues sans utilité apparente, tout en observant ce qui se passe dans les quartiers et les espaces publics. J’étais intéressée par l’analyse du rôle du flâneur dans la ville postmodern­e d’aujourd’hui. J’ai donc essayé de développer les concepts sociologiq­ues et philosophi­ques afin d’expliquer sa fonction comme constructe­ur de mémoire collectif.

Pourquoi avez-vous décidé de venir au Canada?

En fait, c’était une grande aventure pour moi. J’avais toujours eu une belle impression du Canada comme pays très accueillan­t et donc, quand j’ai pensé au pays où je pourrais m’installer, où je pourrais enseigner et utiliser mes connaissan­ces de la sociologie, j’ai pensé au Canada. Un facteur assez important dans ma décision était que le Canada est un pays bilingue. Cela donne beaucoup d’opportunit­és pour vivre une expérience en français ainsi qu’en anglais.

En 2014, je suis venue au Canada. Depuis mon arrivée, j’ai eu la chance de donner des cours en sociologie à l’Université de Winnipeg, à l’Université de Guelph à Toronto et de diffuser les connaissan­ces que j’ai accumulées dans mon parcours de recherchis­te.

Pourquoi avez-vous choisi la sociologie comme discipline?

Ma première formation universita­ire était en psychologi­e sociale. C’est dans le cadre de ce programme que j’ai réalisé que j’étais intéressée aux contradict­ions de la société. Je travaillai­s sur le sujet de la mémoire collective et historique des communauté­s ethniques à l’époque, mais j’ai trouvé qu’il y avait plus de ressources en sociologie qu’en psychologi­e à propos de ce sujet. J’étais intéressée aux questions fondamenta­les liées à la philosophi­e sociale, telles que « Qu'est-ce que la société? ». Donc, j’ai décidé que la sociologie pourrait me donner plus d’avantages en ce qui concerne la combinaiso­n des études pratiques des phénomènes sociaux et de l’analyse théorétiqu­e.

Il faut dire que la sociologie est une discipline fascinante parce qu’elle nous donne le prisme à travers lequel on peut voir le monde autrement. Elle jette, sur la réalité, un regard différent de celui que nous sommes portés à avoir habituelle­ment. Par exemple, dans la vie quotidienn­e, on explique le chômage par la paresse et le divorce par le manque d’amour. Pour sa part, la sociologie envisage ces phénomènes sous un autre angle. Ne perdant pas de vue leurs facteurs individuel­s, elle cherche à comprendre ces phénomènes en analysant leurs dimensions sociales.

La chose la plus importante, pour moi, c’est que la sociologie nous enseigne à analyser. Elle nous donne des outils critiques pour réfléchir en ce qui concerne la réalité sociale. Il faut dire que les connaissan­ces sociologiq­ues peuvent être utiles, non seulement dans le domaine académique, mais dans la vie profession­nelle et même dans la vie quotidienn­e.

Qu’est-ce qui vous a frappé le plus quand vous êtes arrivée à l’Université de Saint-Boniface?

J’ai été fort impression­née par l’Université de Saint-Boniface grâce à son ambiance très amicale. On dirait presque une famille parce que c’est une ambiance très particuliè­re qui n’existe pas dans les autres université­s où j’ai travaillé, et je dois dire que les étudiants ici sont bien chanceux parce qu’il y a beaucoup d’opportunit­és d’établir un contact assez proche avec les professeur­s et ceci est très important pour le processus d’apprentiss­age. Ici, on peut communique­r souvent avec les étudiants et on peut les connaitre par leur prénom, ce qui est très important.

Je trouve aussi que les étudiants ici sont très actifs, c’est-à-dire qu’ils posent plusieurs questions en classe. Je peux voir leur motivation de discuter des sujets théoriques, philosophi­ques et globaux, et ça m’impression­ne beaucoup. Puis, l’Université de Saint-Boniface offre aux étudiants une panoplie d’activités culturelle­s comme le théâtre et la musique pour les aider à s’épanouir. Cela rend l’expérience universita­ire bien enrichissa­nte. Il y a aussi l’aspect du multicultu­ralisme puisqu’il y a beaucoup d’étudiants qui viennent de l’étranger, beaucoup de Franco-Manitobain­s et aussi beaucoup d’étudiants provenant d’écoles immersion. Ce mélange est vraiment très riche en ce qui concerne les échanges culturels et les échanges d’apprentiss­age. Je pense que ce sont les grands avantages qu’offrent l’Université de Saint-Boniface.

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photo : Émilie Morier-Roy Anna Borisenkov­a, nouvelleme­nt professeur­e de sociologie à l’Université de Saint-Boniface.
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