Les signes des temps
La vie de foi des chrétiens, en commençant avec celle de la jeune église, soumise à l’idée d’une parousie imminente, à la destruction du temple de Jérusalem, à la persécution par les Romains, a dû se formuler une eschatologie à la mesure des « signes des temps » de son époque. Ils ont interprété la Parole en tenant compte de la réalité des évènements qui les enveloppaient. Leur foi a été informée à la lumière d’une incarnation de la vision du Royaume dans le vécu historique du moment.
Il en va ainsi de toutes les époques de la vie de l’Église. La question se pose toujours à savoir « que nous dit, et comment comprendre la Parole de Dieu » dans le contexte du monde dans lequel nous vivons. La réponse à cette question est importante parce qu’elle donne forme à l’espérance chrétienne dans le contexte du moment. Mais encore fautil être à l’écoute, savoir lire les évènements, et encore davantage être prêts à entreprendre les actions pour y donner suite.
Les « signes des temps » qui nous interpellent aujourd’hui sont nombreux. Sommesnous à l’écoute? Les avancées de la science moderne nous décrivent une cosmologie qui bouleverse nos visions antérieures. Elles font état d’un univers, voire d’un cosmos, non pas créé de toutes pièces, mais en évolution constante. Un univers qui se développe à partir d’un chaos initial, mais qui progressivement devient plus complexe et donne naissance à des créatures de plus en plus réfléchies, douées d’une conscience de plus en plus affinée. Et encore plus, cette évolution se poursuit et s’oriente vers une promesse d’avenir insoupçonnée.
En parallèle à cet élan de créativité, nous devenons témoins d’un mouvement de désaffection des chrétiens envers le message traditionnel des religions basé sur les conceptions cosmologiques préscientifiques souvent en conflit avec la science contemporaine. Si la foi ne repose pas sur la science, elle a besoin de son éclairage pour ne pas perdre sa crédibilité. Le sel de la terre s’affadit, avec quoi la saleraton? Le message évangélique tel que formulé et prêché ne rejoint pas une génération postmoderne. Il répond encore à une génération qui a grandi en son sein, mais il est en dissonance avec une génération plus sensible aux visions scientifiques, technologiques et religieuses qui sont plus en accord avec les réalités du vécu en temps réel.
Devant un tel état de choses, les réactions varient, allant d’un rejet de considérer cet appel au renouveau à celle de se laisser prendre par l’Esprit et de donner suite malgré les défis, peut être même malgré les douleurs d’abandonner des visions passés. La consolation cachée dans ce processus de croissance est que les « signes des temps » nous offrent une clé pour la formulation d’une spiritualité de l’avenir. Dans l’orientation de l’évolution vers un « plus être », nous devenons témoins d’une direction vers une unification du cosmos. Cela se manifeste dans les efforts de plus en plus concertés de globalisation, de rapprochement des communautés humaines. Un rapprochement facilité, sinon provoqué, par le développement des technologies de toutes sortes. Et en particulier par les technologies de communication. Cette vision concorde très bien celle de Teilhard de Chardin, qui situe le Dieu Amour incarné dans la création dès le début, en tant que force agissante.
La reconnaissance de ces nouveautés scientifiques, de ces phénomènes sociaux et religieux ne peut pas nous laisser indifférents. Nous sommes appelés à nous engager dans une réflexion profonde afin d’identifier en quoi ces nouvelles dimensions renouvellent notre foi, voire même exigent des changements, des mises à jour dans nos visions et dans notre vie de foi. Le temps de l’Avent nous fournira sous peu une telle occasion. Comme nous le dit Jésus : « À vin nouveau, outres nouvelles. » (Mathieu 9,1617)