La Liberté

ANNETTE SAINT-PIERRE DANS LES GRANDES ENTREVUES DE LA LIBERTÉ

- Propos recueillis par Bernard BOCQUEL

Bernard Bocquel est allé à la rencontre d’une grande dame du Manitoba, Annette SaintPierr­e. Celle qui a participé, entre autres, à la fondation de deux maisons d’édition et à la sauvegarde de la maison natale de Gabrielle Roy.

À une autre époque, la grande Dame du Manitoba français était sans conteste l’artiste-peintre et directrice du Cercle Molière Pauline Boutal, dont les origines étaient bretonnes.

C’est une femme née au Québec, venue en terre manitobain­e en 1950, qui, douée d’un pareil sens de l’élégance et de l’humilité, est à son tour devenue la grande Dame du Manitoba français.

Annette Saint-Pierre n’a jamais lésiné dans l’exercice de sa vocation d’enseignant­e. Puis elle s’est engagée avec la même générosité lorsque l’appel de l’édition s’est fait trop fort. Son nom restera attaché à la fondation de deux maisons d’édition : les Blés en 1974 et les Plaines en 1979. Comme son aînée Pauline Boutal, Annette Saint-Pierre a été reconnue au plus haut niveau de la société civile en obtenant l’Ordre du Canada en 2004, entre autres honneurs.

Cher à son coeur restera un accompliss­ement qui a exigé autant d’inflexible persévéran­ce que de tact et de charme : la préservati­on de la maison natale de Gabrielle Roy, dont l’essentiel du crédit lui revient de droit. Annette Saint-Pierre est l’auteure d’une quinzaine d’ouvrages, dont plusieurs romans et essais. Son autobiogra­phie, J’ai fait ma chance, a été publiée en 2010. Elle a aussi consacré des années de sa vie à une biographie de Jean Riel, le fils de Louis Riel, dont le tragique destin n’avait suscité l’intérêt d’aucun historien.

Vous voilà au Manitoba depuis bientôt 67 ans. Le temps a passé vite?

Tout ce temps! Je ne compte plus les années. En arrivant, je débordais d’enthousias­me à l’idée d’enseigner, mais j’ai vite désenchant­é en apprenant que j’étais programmée pour une classe de 9e année et que j’allais parler anglais presque toute la journée. On a eu pitié de moi et j’ai commencé ma carrière chez les petits à Powerview. Toute une promotion! Les fins de semaine, une religieuse américaine m’aidait à peaufiner la langue anglaise. Une autre consoeur me servait de mentor pour les cours de 12e année, afin de répondre aux exigences du ministère de l’Éducation. Ensuite, pendant une vingtaine d’années, j’ai étudié et enseigné en même temps. Après Powerview, il y a eu Saint-Georges, puis Mariapolis, un village que j’ai beaucoup aimé. Mais un défi de taille m’attendait à l’arrivée : devoir enseigner le français et la catéchèse aux 5e, 6e, 7e et 8e années dans la même salle de classe, aux francophon­es et aux anglophone­s, s’il vous plaît. Allez tenter cette bonne gymnastiqu­e du cerveau. À l’été, ma seule dérobade était un cours d’été de six semaines et une semaine de retraite au Québec avant mon retour au Manitoba. Oubliées les vacances! Vinrent ensuite la direction de l’école élémentair­e à Powerview, l’Institut collégial de Lorette et de Sainte-Anne. Au Collège universita­ire de Saint-Boniface, une bonne chance m’a souri au début des années 1970. À la demande du recteur Roger Saint-Denis, désireux de rehausser le prestige de la future université, j’ai entamé des études doctorales qui m’ont obligée à faire une année complète à l’université.

Et vogue la galère! Je vous fais l’économie des activités parascolai­res dans les écoles pendant une quinzaine d’années. Au niveau universita­ire, j’ai toujours eu un projet jumelé à mon enseigneme­nt de la littératur­e canadienne : le Centre d’études franco-canadienne­s de l’Ouest (CEFCO) et les deux maisons d’édition, sans passer sous silence, les présentati­ons dans les écoles, les université­s, les congrès, les colloques, les salons du livre, etc. Par ailleurs, j’ai toujours accordé la priorité à mon enseigneme­nt. Je ne regrette rien. C’était un peu trop, mais j’aimais tout ce que je touchais puisque je travaillai­s au rayonnemen­t de la langue et de la culture françaises.

Et c’est ainsi que le temps a passé très vite…

Vous êtes venue au Manitoba comme religieuse enseignant­e. Un lien existet-il dans votre esprit entre la langue et la religion?

La congrégati­on des Soeurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, à laquelle j’appartenai­s, avait pour mandat l’enseigneme­nt dans les « petites » écoles. Ainsi, on a vu des religieuse­s à Saint-Labre, South Junction, Vassar, Woodridge, etc. Mgr Adélard Langevin disait que la congrégati­on était élastique, vu que la mère générale acquiesçai­t toujours à chacune de ses demandes. Outre l’enseigneme­nt, les religieuse­s « faisaient le catéchisme » aux enfants des paroisses environnan­tes. Ainsi j’ai participé à cet apostolat au Lacdu-Bonnet et à Glenora. Oui, la langue et la religion allaient de pair en ce temps-là.

Ma première supérieure dans l’Ouest était portée par un dynamisme exceptionn­el pour la langue et la religion. Elle croyait fermement à l’adage « Qui perd sa langue perd sa foi », des mots que j’ai relevés dans une lettre de Mgr Langevin. Pour ma part, je n’ai jamais cru à ce dicton très répandu à l’époque, mais j’ai dû à cette religieuse mon grand amour du français. Si perdre sa langue peut conduire à la perte de la religion, le « dérapage » n’entraîne pas nécessaire­ment la perte de la foi. De fait, une de mes soeurs a épousé un Écossais qui exigeait l’usage de l’anglais dans le foyer. Les deux enfants n’ont jamais appris le français, mais ils ont fréquenté une école catholique à Nanaimo, en Colombie-Britanique. Aujourd’hui, je dirais que la foi de ma grande soeur Lilianne était plus solide que celle de mes autres soeurs.

L’écriture tient une grande place dans votre vie. Vous venez d’y faire allusion, au CUSB, vous avez initié des cours de littératur­e canadienne-française de l’Ouest…

Vous me rappelez ici un très bon souvenir. En réalité, je dois ces initiative­s à la fréquentat­ion de deux professeur­s d’Ottawa, qui ont allumé ma curiosité. Un jour, John Hare m’a demandé ce qu’il y avait dans l’Ouest et j’ai répondu qu’il n’y avait rien, sauf Gabrielle Roy et Maurice Constantin-Weyer. Il m’a dit que c’était impossible et il m’a recommandé de consulter les vieux journaux, les vieilles annales, les éphéméride­s dans les couvents et les collèges. En deux mots, il m’a incité à tout regarder à la loupe avant de baisser les bras.

Devant John Hare, un Irlandais, et Paul Wyczynski, un Polonais, deux mordus de la littératur­e, j’ai eu honte de mon ignorance. Ce fut un éblouissem­ent de découvrir en français des romans, des légendes, des contes, des chansons à boire et de circonstan­ce, le tout signé par des Métis, des colons français, belges et suisses venus d’Europe et de Québec. C’est là que j’ai décidé de passer à l’action, puisqu’un peuple sans littératur­e n’est pas un peuple. À ma cueillette au Manitoba, j’ai ajouté les publicatio­ns de la Saskatchew­an, de l’Alberta et de la Colombie-Britanniqu­e. Toute cette richesse a donné naissance au Répertoire littéraire de l’Ouest canadien, dont je suis très fière.

Qu’avez-vous laissé de plus précieux en quittant l’université?

Ma réponse va vous surprendre. En sacrifiant le CEFCO, je me suis rendu compte qu’à la fin de l’année scolaire, j’avais encore le souffle court. Deux grandes responsabi­lités convergeai­ent : mes cours au Collège et les Éditions des Plaines, lesquelles avaient pignon sur rue dans le boulevard Provencher. La maison d’édition grossissai­t rapidement. Comme j’ai été remplacée facilement à la tête du CEFCO, je savais que je n’étais pas indispensa­ble pour des cours de littératur­e. Le centre avait huit ans et je pouvais dire : mission accomplie.

Cependant je réfléchiss­ais encore, j’hésitais toujours. L’enseigneme­nt restait pour moi le plus beau métier du monde mais cette passion faisait que je travaillai­s sept jours par semaine. Ma situation devenait intenable. Et voilà qu’un phénomène étrange s’est produit. En me levant, un matin de mai ensoleillé, j’ai ressenti un élan vital me porter vers le bureau des Plaines, plutôt que vers le Collège. Le goût de l’édition l’emportait. J’ai donné ma démission dès le lendemain.

En quittant le collège, ma joie était aussi grande qu’au jour de mon entrée, dix-sept ans auparavant, parce que j’allais vers l’édition qui est, selon moi, le plus beau métier… après celui de l’enseigneme­nt.

Et c’est ainsi que votre nom est devenu indissocia­ble du monde de l’édition en français au Manitoba…

Je le crois. Je compte cinq années aux Éditions du Blé et vingt aux Éditions des Plaines. Années merveilleu­ses en compagnie d’écrivains poursuivan­t leur oeuvre, ainsi que de novices que j’accompagne encore de grand coeur. Je suis très fière de la naissance d’auteurs qui contribuen­t au corpus littéraire de l’Ouest canadien. Grâce à mes anciens professeur­s à Ottawa, je comprends l’importance primordial­e de l’édition française en milieu minoritair­e. J’insiste, en enseignant­e dans l’âme : un peuple sans littératur­e n’est pas un peuple.

Dans l’Ouest, avec le legs d’un bon héritage littéraire, il ne fallait que l’ajout d’un maillon par le truchement d’une maison d’édition pour continuer dans la même foulée. Depuis, que de livres vendus à des milliers de lecteurs! J’ai le souvenir de plusieurs salons du livre, surtout les derniers, où je quittais le Manitoba avec une douzaine de cartons pour n’en rapporter que deux ou trois. Les Conseils des Arts du Canada et du Manitoba sont toujours fiers de la production des deux maisons. À un Salon du livre de Paris, une année où l’on rendait hommage au Québec, les Éditions des Plaines avaient été invitées avec les éditeurs hors Québec. Cette fois, j’avais vendu tous mes livres. J’ajoute, en toute humilité, que j’étais une bonne vendeuse. J’ai toujours pensé que le gouverneme­nt fédéral, en invitant les Éditions des Plaines à participer au grand salon de Paris entendait prouver qu’il y avait du français au Manitoba.

J’avais vraiment la mort dans l’âme à la vente de la maison d’édition. Le copropriét­aire, Georges Damphousse, sans l’apport duquel j’aurais été incapable de mener l’entreprise, a toujours travaillé dans l’ombre. S’il se disait incapable de vendre un livre, il a tout de même sacrifié plusieurs heures au profit des Éditions du Blé et, plus tard, offert son congé hebdomadai­re pendant vingt ans aux Plaines.

Au Manitoba, votre nom est aussi attaché à Gabrielle Roy et tout spécialeme­nt à sa maison natale à Saint-Boniface…

La restaurati­on de cette maison, c’est le plus beau projet de ma vie, réalisé avec une équipe du tonnerre. J’ai écrit un article dans un magazine anglais que j’ai intitulé A Success Story. De fait, grâce à un conseil d’administra­tion de haut calibre — ce sont les mots d’un fonctionna­ire dont j’oublie le nom — le Manitoba peut vanter dans sa publicité touristiqu­e ce site historique qui attire de nombreux visiteurs.

La Maison Gabrielle-Roy de la petite rue Deschambau­lt nous rappelle l’histoire d’une institutri­ce qui grave dans ses écrits la beauté de son Manitoba et de ses habitants qu’elle immortalis­e. Outre son enfance et sa jeunesse au Manitoba, l’écrivaine évoque dans ses romans la mère de famille, l’écolier, l’enseignant­e, le commis de banque, le voyageur, l’émigrant, l’artiste et j’en passe.

Les lecteurs de cette grande romancière retiennent sa grande humanité… pour tous les humains. Pas étonnant que l’on ait choisi Gabrielle Roy pour signer la préface de Terre des hommes, dans le magnifique livre de l’Expo 1967 tenue à Montréal au moment du Centenaire de la Confédérat­ion canadienne.

En 2010, vous publiez votre autobiogra­phie, après avoir écrit plusieurs romans. Quelle place tient J’ai fait ma chance dans le parcours de votre vie?

En quittant la présidence et la direction de la Maison GabrielleR­oy, j’ai fait une grande révision de vie. Il n’a pas été facile de remonter le passé de mes trois vies précédente­s : la première au Québec, la deuxième au Manitoba comme religieuse enseignant­e, la troisième comme laïque et, dorénavant, la quatrième, en cours, avec un régime d’activités libres. Je peux dire en toute sincérité que l’exercice de réflexion m’a été bénéfique. Ensuite, avec une nouvelle compagne, la solitude, j’ai senti des ailes pour rédiger mon autobiogra­phie. Depuis, je lis davantage. Je prends même la plume quotidienn­ement pour nourrir un journal intime et, peut-être, un autre livre.

Victor Hugo disait : Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas. Mais l’écriture aussi est une nourriture. Chaque livre me nourrit et change quelque chose en moi. Ainsi, en écrivant J’ai fait ma chance, je me rendais compte à quel point j’avais rencontré le facteur chance dans ma vie. Je me suis aperçue qu’il s’est manifesté à chaque fois que je faisais un bon choix dans un temps important de mon existence.

Mon autobiogra­phie a suscité en moi plusieurs réflexions, plusieurs conviction­s, surtout celle de m’en tenir à l’essentiel, lorsque le temps est si précieux. Oui, J’ai fait ma chance marque une pierre blanche dans mon parcours de vie, Manitobain­e depuis maintenant tant de décennies.

La preuve que le Manitoba vous tient à coeur, c’est votre livre sur Jean Riel, publié en 2014…

Vous avez raison de dire que le Manitoba me tient à coeur. J’en ai la preuve lorsque s’éveille en moi le désir de rentrer au Québec et que j’opte aussitôt pour ma province d’adoption à laquelle je dois énormément. Je ne serais pas celle que je suis devenue sur le sol manitobain, sans les nombreuses occasions qui m’ont été données d’apprendre et de développer quelques talents.

La lecture m’a conduite dans les pages d’histoire d’un monde inconnu, et cette fascinatio­n perdure. Tout a commencé avec le spectacle d’Au pays des BoisBrûlés, présenté au CUSB pendant un Festival du Voyageur à la toute fin des années 1970. Initiative que j’ai prolongée par deux livres : Le Manitoba au coeur de l’Amérique et De fil en aiguille au Manitoba. Cette flamme est toujours restée vivante. Je dois avouer que le véritable déclencheu­r de Jean Riel, fils de Louis Riel, je le dois au sénateur Joseph Guay, qui m’avait fait don d’un véritable trésor. Il s’agissait d’une lettre signée par Laura Casault, la femme de Jean Riel. Elle suppliait un bienfaiteu­r du Québec de lui venir en aide, alors que Jean se mourait à l’Hôpital Saint-Boniface et qu’elle était trop pauvre pour payer les coûts de son hospitalis­ation.

Jean Riel était pour moi un gros point d’interrogat­ion. J’ai travaillé assidûment pendant quatre années pour en arriver à le connaître, puisque personne ne pouvait me renseigner sur la vie cachée de ce personnage. Un de ces jours, je ferai cadeau de la magnifique peinture de Jean Riel réalisée par un artiste du Québec à l’Union nationale métisse Saint-Joseph. Je ne voudrais pas que soit oubliée la triste histoire de cet enfant de chez nous, mort prématurém­ent dans la vingtaine.

Au fond, à l’image de tous ces Métis restés fidèles à Riel, la vie vous a contraint de relever bien des défis personnels…

Des défis, des projets et des rêves, il y a en eu plusieurs. Je devais être hyperactiv­e. De toute façon, je me suis embarquée tout au long de mon existence dans des bateaux à voile qui ont grandement profité d’un vent favorable.

Le plus grand défi est sans contredit mon entrée en religion à l’heure où tout allait pour le mieux dans mon travail à la banque et dans ma vie amoureuse. J’ai voulu aller « essayer chez les soeurs » et j’y ai persévéré un quart de siècle. Monter dans un train vers l’Ouest et partir de zéro dans un milieu anglais, alors que j’étais diplômée pour le Québec a été un véritable aiguillon. Les divers projets dans les écoles publiques ne se comptent plus. Tant de religieuse­s enseignant­es pourraient elles aussi avoir de belles histoires à raconter. L’éditrice en moi affirme haut et fort que cela ferait un très beau livre.

Installée à Saint-Boniface en 1970, mes plus grands rêves se sont réalisés et j’en aurais plusieurs à énumérer dans ma longue carrière. Tenez, je vous avoue le tout premier : à huit ans, je rêvais de devenir institutri­ce… Seul, on n’accomplit rien, mais avec les autres, on peut tout. Ainsi va la vie. Il faut cultiver une bonne veine d’optimisme et croire que les dons reçus nous ont été donnés pour les autres. Si l’on se lève le matin avec un projet en tête, le jour qui se lève n’est jamais amer. Les coups durs sont venus parfois, mais mes « dépression­s » ne durent que quelques heures. Je n’ai qu’à sourire à mon miroir et il m’est plus facile de sourire aux personnes qui ont occasionné mon chagrin.

Depuis quelque temps, vous avez décidé de ne plus prendre de responsabi­lités communauta­ires. Comment se passe l’ajustement?

Il faut savoir baisser les bras pour faire place à la relève. Là, je le dis haut et fort : c’est vraiment MISSION ACCOMPLIE. Mais comme je n’arrive pas à me laisser aller au farniente, je sais employer mon temps. Croyezmoi, le régime d’activités libres est merveilleu­x. J’ai deux passions : la lecture et l’écriture. D’abord la lecture pour continuer à vivre intellectu­ellement. Je suis éclectique dans ce domaine, car j’aime les romans, les biographie­s, les livres religieux, historique­s et psychologi­ques. J’espère lire tous les livres que je n’ai pas encore lus dans ma bibliothèq­ue et m’en procurer des nouveaux.

Pour ce qui est de l’écriture, je ne pourrai jamais m’en empêcher. Est-ce que je vais devenir comme Marie-Anna Roy, la soeur de Gabrielle, qui écrivait encore à 100 ans? La pauvre était aveugle et, à l’aide d’une plume feutre elle traçait des lignes maladroite­s sur tous les papiers qu’elle trouvait. Je souffre peut-être de ce trouble émotionnel compulsif.

Consciemme­nt, je minute mon quotidien : écriture l’avantmidi et, l’après-midi : lecture, correspond­ance ou sortie. Ainsi donc, j’écris pour me faire plaisir, et pas juste parce que je ne peux pas résister à cette attirance, avec toutes ces idées dans le percolateu­r.

C’est ainsi que mon journal intime compte des anecdotes comiques ou tragiques, des émotions, des lectures qui donnent naissance à la méditation. Je m’attarde aussi sur papier à des rencontres fortuites, des réactions à des bulletins de nouvelles. J’ignorais qu’un temps aussi agréable m’attendait au déclin de ma vie, parce que je n’avais jamais été « usée et âgée ». Je pense ici au livre de Georges Simenon, Quand j’étais vieux. Combien de temps va durer mon régime actuel? Je l’ignore. Et c’est bien pourquoi je vis de mon mieux une journée à la fois après tant de jeunesses accumulées.

Vous êtes, bien sûr, restée une femme de prière. Pourriez-vous partager quelques pensées qui vous accompagne­nt dans votre approfondi­ssement?

Difficile question, monsieur! Ultime question! Si je prie depuis longtemps, c’est d’abord grâce à l’éducation chrétienne que j’ai reçue. La prière ne change pas toujours une situation, mais elle peut changer mon regard sur la situation et m’aider à l’accepter. Et puisque Napoléon Bonaparte disait que l’homme n’est grand qu’à genoux devant Dieu, je prends volontiers mon rang parmi les grandes intelligen­ces qui ont traversé les siècles et ont cru en Dieu.

D’ailleurs, personne ne peut encore prouver qu’Il n’existe pas. À mes yeux, j’ai fait le bon choix et je me sens privilégié­e d’avoir conservé la foi, à une époque où tant de mes amies et amis abandonnen­t sans raison valable. En vieillissa­nt, on abandonne bien des choses, disait le grand penseur catholique Jacques Maritain. Mais au chapitre de ma spirituali­té, j’ai tenu bon, en particulie­r dans la difficile cinquantai­ne, alors que s’installait le doute. Les bonnes lectures m’ont sauvée et je demeure dans le grand navire de l’Église qui garde le trésor de la foi, une vertu toujours accompagné­e d’espérance.

Dans l’acte de foi, disait Paul Claudel, il y a toujours un moment où il faut fermer les yeux et se jeter dans le vide avec intrépidit­é, sans l’assurance d’une évidente garantie. Je n’ai pas honte de dire que je suis pratiquant­e, bien que ce soit un mot que je n’aime pas. Mais le Seigneur me donne 1 248 heures pas semaine et je peux facilement lui en donner une chaque dimanche pour aller écouter la Parole avec la communauté des croyants, Le remercier et Lui rendre grâce. Chaque jour, je prie et médite. Ce besoin d’être une femme priante fait de moi une femme heureuse.

 ?? Photo : Gracieuset­é Winnipeg Free Press ?? Annette Saint-Pierre pose devant la maison natale de Gabrielle Roy, sise rue Deschambau­lt, au moment où les travaux de rénovation­s commençaie­nt. Elle s’appuie sur le panneau qui confirme la dimension historique de l’endroit.
Photo : Gracieuset­é Winnipeg Free Press Annette Saint-Pierre pose devant la maison natale de Gabrielle Roy, sise rue Deschambau­lt, au moment où les travaux de rénovation­s commençaie­nt. Elle s’appuie sur le panneau qui confirme la dimension historique de l’endroit.
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Photo : Gracieuset­é Annette SaintPierr­e Annette Saint-Pierre.
 ?? Photo : Gracieuset­é Annette SaintPierr­e ?? Annette Saint-Pierre a publié un essai littéraire sur son auteure fétiche Gabrielle Roy en 2005. Un livre parmi une quinzaine, dont plusieurs romans.
Photo : Gracieuset­é Annette SaintPierr­e Annette Saint-Pierre a publié un essai littéraire sur son auteure fétiche Gabrielle Roy en 2005. Un livre parmi une quinzaine, dont plusieurs romans.
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Photo :Gracieuset­éWinnipeg Free Press
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Photo :Gracieuset­éAnnette SaintPierr­e
 ?? Photo : Gracieuset­é Annette SaintPierr­e ?? Quand on est aux études à Ottawa en ce tout début des années 1970, il n’est pas impensable de croiser le Premier ministre du Canada, Pierre-Elliott Trudeau.
Photo : Gracieuset­é Annette SaintPierr­e Quand on est aux études à Ottawa en ce tout début des années 1970, il n’est pas impensable de croiser le Premier ministre du Canada, Pierre-Elliott Trudeau.

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