La balle est dans le camp de l’Union
L’Union nationale métisse de SaintJoseph du Manitoba insiste. Elle demande depuis ses débuts que Louis Riel soit exonéré relativement aux accusations faites contre lui en 1885 et qui l’ont conduit à sa fin. Certains membres exigent que l’exonération soit conditionnelle à la réconciliation engagée avec Ottawa par la Manitoba Metis Federation.
Ça n’arrivera pas. Le gouvernement a signé avec la MMF en 2016 une entente-cadre découlant d’une victoire historique de l’organisme en Cour suprême en 2013, après une poursuite menée sur trois décennies. Des consultations s’organisent pour déterminer comment le Fédéral va remédier à ses négligences.
L’Union n’a pas participé à la cause juridique. Elle n’a aucun levier dans le rapport de forces avec le Fédéral ni avec la MMF. Les deux parties l’ont formellement écartée d’une participation aux négociations.
Les Franco-Métis voudraient donner des grands coups de poings sur la table. Mais ils ne sont pas à la table.
Deux visions s’affrontent : la MMF demande pour l’avenir des millions pour étendre sa gouvernance sur autant d’aspects que possible de la vie quotidienne de ses membres. L’Union demande pour le passé la justice pour un chef exécuté et une reconnaissance de sa communauté persécutée.
Ce qui choque particulièrement, c’est que l’exonération de Riel n’est pas à l’ordre du jour. La MMF a tourné la page sur cette revendication, devenue superflue, vu que le résultat visé est atteint. Mais ce n’est pas un enjeu qu’on peut écarter du revers de la main. Et le gouvernement a tort de faire la sourde oreille.
L’exécution du chef métis a résulté d’une interférence d’Ottawa dans son procès pour haute trahison. Le Premier ministre John A. Macdonald tenait obstinément à une vengeance que le Canada anglais attendait depuis 15 ans. La pendaison, le 16 novembre 1885, était entendue depuis le 4 mars 1870, le jour de l’exécution de Thomas Scott, que Louis Riel, le président du Gouvernement provisoire, avait le pouvoir de gracier.
Un rapport de cause à effet marque ce double meurtre politique, qui a fait basculer le pays dans l’intolérance envers les Métis, les francophones et les Autochtones. Riel et Scott sont unis dans la mort et hantent notre conscience nationale.
Nous n’avons pas fini avec le passé. Un jour, on reconnaîtra peut-être que tous sont responsables de ce qui est arrivé. Mais pour le moment, dans la logique de la violence qui engendre la violence, les Métis de l’époque ont été les instigateurs. Il incombe à ceux d’aujourd’hui de prendre les devants.
L’Union exige que le Fédéral reconnaisse la responsabilité du Gouvernement canadien dans la grave erreur de jugement que fut l’exécution de Riel. Soit. Mais ne doit-elle pas, d’abord, reconnaître la responsabilité du Gouvernement provisoire dans la grave erreur de jugement que fut l’exécution de Scott?
En prenant l’initiative, dans l’humilité, les Franco-Métis jetteraient les bases d’une véritable réconciliation, qui n’est pas fondée sur des millions de compensation, mais sur un désir de vivre ensemble dans le respect. L’Union pourrait alors construire une relation avec le Fédéral.
L’honneur de la Couronne a été entaché, comme l’a reconnu la Cour suprême, par la négligence face à ses promesses d’amnistie et de terres. La MMF va prendre l’argent. L’Union a besoin d’argent. Mais elle a choisi la meilleure part : d’abord et toujours la dignité. Elle doit continuer sur cette voie si elle veut tourner une douloureuse page d’histoire. La balle est dans son camp.