La Liberté

L’intenable prétention de la MMF

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Il est impossible de parler de l’histoire du Canada sans mentionner le Manitoba, la 5e province de la Confédérat­ion, venue au monde en 1870, trois ans après le début de l’expérience confédérat­ive à quatre. Impossible parce que sans la fidélité des habitants de la Rivière-Rouge à la Couronne britanniqu­e, l’Ouest serait presque à coup sûr tombé entre les tentacules de nos voisins du Sud.

Il s’en suit qu’il est impossible d’ignorer le rôle déterminan­t joué par Louis Riel et les Métis canadiens-français. La précision « Métis canadiens-français » est essentiell­e, puisqu’en 1869 la résistance aux

Canadians, appelés volontiers Canadass, est venue de leurs quartiers; et non de leurs amis et cousins métis anglo-écossais.

Et c’est bien pourquoi les Métis canadiens-français ont très mal vécu l’attitude souvent méprisante de leurs autres cousins, les Canayens de l’Est, venus s’installer dans leur pays bilingue à partir de la fin des années 1870. Faute de contacts humains vrais avec les gens qui possédaien­t la mémoire politique du pays, la plupart des émigrés du Québec repliés sur leurs villages n’ont eu d’autres horizons que leur paroisse.

La vraie mémoire du Manitoba, celle profondéme­nt enracinée dans le coup magistral réussi par Riel et ses alliés, a été entretenue par esprit de famille. L’engagement indéfectib­le de quelques poignées de personnes permet à leur Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba de célébrer cette année ses 130 ans.

Or au mépris de l’évidence, la Manitoba Metis Federation, création gouverneme­ntale de la fin des années 1960 pour tenter de sortir de la pauvreté des Métis sans lien avec les fidèles à Riel, affirme représente­r l’ensemble des Métis du Manitoba. La MMF se veut le seul interlocut­eur légitime d’Ottawa dans les négociatio­ns pour régler la question des terres spoliées aux Métis. Un scandale censé enfin se régler dans un esprit de réconcilia­tion sous la forme d’une compensati­on financière. Compensati­on dont le futur montant est déjà présenté comme une mesure de la sincérité de l’acte de contrition du Fédéral.

La MMF est une organisati­on qui fonctionne depuis toujours en anglais et qui a découvert la tombe de Riel à la fin des années 1970. Depuis 20 ans elle est présidée par un Métis avec un penchant pour le culte de la personnali­té dont il est avéré qu’il n’a aucune sensibilit­é aux Franco-Métis. La prétention de David Chartrand et compagnie de pouvoir prendre la parole au nom des membres de l’Union nationale métisse est tout simplement inadmissib­le.

Tout aussi intenables sont les propos tenus par la « co-ministre » Mona Buors à Radio-Canada le 10 février 2017 : « L’Union nationale métisse, pour nous, est une organisati­on culturelle, pas politique. […] Ils ne vont pas faire partie des négociatio­ns du tout. Parce que dans ce cas-là, on n’avancerait jamais. » Il s’agit là tout simplement d’arguments gratuits, sans aucun fondement. À moins qu’on n’invente un lien entre « organisati­on politique » et subvention­s et qu’on n’égale « organisati­on culturelle » avec bénévolat.

Il est grand temps qu’à la MMF on comprenne qu’il n’y a rien de plus politique que la dimension culturelle d’une société. C’est en effet dans le terreau culturel que sont fécondées et nourries les valeurs fondamenta­les qui oxygènent la vie en commun. Le fait que la MMF est grassement financée et que l’Union n’obtient que des miettes fédérales n’y changera rien.

La MMF sous David Chartrand n’a jamais eu l’intention d’accorder quelque crédibilit­é que ce soit à l’Union nationale métisse. Il n’empêche que sa renaissanc­e sous Gabriel Dufault au début du 21e siècle est devenue une épine dans son pied présidenti­el. Le

de la MMF fait comme s’il avait le monopole en essayant de ne pas boitiller. (1)

Tout ceux qui défendent la vie bilingue et les espaces francophon­es au Manitoba seraient bien avisés d’élever leurs voix à l’unisson pour réclamer d’Ottawa la pleine reconnaiss­ance de l’Union nationale métisse, témoin vivant de la légitimité de leur projet. En particulie­r, ceux du fond canadien-français pourraient ainsi une fois pour toutes en finir avec les vieilles mentalités de supériorit­é de leurs ancêtres à l’égard des gens du pays.

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