De l’expérience douloureuse à l’espérance
La vérité et la réconciliation seront chantées les 4 et 5 mars lors de Taken, le prochain concert de Camerata Nova. Une occasion pour la chorale de creuser les liens qu’elle entretient déjà avec le monde autochtone.
L’évènement repose sur la baguette de Mel Braun. Le chef de choeur et compositeur va droit au but pour exprimer la mission que s’est donnée Camerata Nova en organisant Taken : « Pour être véritablement émouvants, les grands concerts doivent exprimer l’espérance née d’expériences difficiles.
« Nous voulons rappeler la richesse culturelle des peuples autochtones. Et ensuite souligner que cette culture leur a presque été complètement arrachée dans les écoles résidentielles. Et aussi montrer qu’ils sont en train de retrouver leur identité. Grâce en partie par leurs efforts, et par la prise de conscience des Canadiens nonautochtones. Et l’esprit de réconciliation qui peut découler de leur prise de conscience. »
Pour y arriver, Camerata Nova a invité Andrew Balfour, Jeremy Dutcher et Lindsay Knight à exprimer en musique plusieurs facettes de l’expérience autochtone. Pour ensuite fusionner cette musique avec celle de la chorale, qui se spécialise surtout en musique de la Renaissance. Une évidence « toute naturelle » explique Mel Braun. « Andrew Balfour, le curateur et cofondateur de Camerata Nova, est un Cri de Fisher Branch. Pour avoir été enfant de choeur dans l’Église anglicane, il est un passionné de musique ancienne. Grâce à lui, notre chorale a souvent travaillé avec des musiciens autochtones. Andrew est bien placé pour faire le pont entre les Premières Nations et tous les Canadiens. »
Quaminiq, la partition d’Andrew Balfour, raconte l’incident historique de l’enlèvement d’un Inuit par l’explorateur Martin Frobisher en 1579. Mel Braun donne un avant-goût de la composition : « La musique est tantôt dissonante, tantôt envoûtante, pour exprimer le choc des cultures, pour faire ressortir l’incompréhension mutuelle entre le jeune Inuit, incarné par la chanteuse de gorge Madeleine Allakariallak, et Frobisher, incarné par le baryton Jason Klippenstein. »
De l’incompréhension, Camerata Nova passera à la répression culturelle, avec la pièce Maceptu, une composition de Jeremy Dutcher. « Jeremy Dutcher est un Malécite originaire du NouveauBrunswick. Aujourd’hui, à peine 500 personnes parlent encore le malécite. Dans sa composition, Jeremy prend des enregistrements des années 1920 et 1930 de chansons malécites. Il les ajoute aux voix des choristes qui incarnent les enfants des écoles résidentielles. On entend donc des prières chrétiennes que leur avaient apprises les prêtres et les religieuses, juxtaposées aux chants malécites traditionnels. L’effet est terrible et puissant. »
Pour la troisième pièce de Taken, Mel Braun en personne a collaboré avec l’artiste rap et hip hop Eekwol (Lindsay Knight). « D’habitude, la musicienne de Saskatoon “rappe” sur un fond de musique rock ou hip hop. Cette fois-ci, elle rappe sur un fond de chant choral, que j’ai composé. Ses paroles sont très émouvantes. Elle raconte comment l’identité autochtone a été menacée. Et comment les Premières Nations pourront, malgré l’expérience des écoles résidentielles, surmonter l’épreuve et retrouver l’espérance.
« Pour commenter son texte, j’ai puisé dans la chanson populaire canadienne. J’ai choisi des paroles de Joni Mitchell, Neil Young, Bruce Coburn, Leonard Cohen et du Tragically Hip. C’est donc le “reste du Canada” qui réagit et compatit avec l’expérience autochtone. Le dernier commentaire est extrait de la chanson River de Joni Mitchell, I wish I had a river to skate away on. Pour moi, c’est un texte chargé d’espérance. » (1) Taken de Camerata Nova sera présenté le 4 mars à 19 h 30 et le 5 mars à 15 h au Ukrainian Labour Temple, au 191 avenue Pritchard à Winnipeg. Les concerts seront précédés d’une causerie avec les compositeurs à 18 h 45 et 14 h 15 respectivement.