La Liberté

LA MENACE D’HYDRO MANITOBA

La Broquerie retient son souffle. À la mi-septembre, la Commission de protection de l’environnem­ent du Manitoba doit livrer son rapport sur le trajet du projet de la ligne de transmissi­on Manitoba-Minnesota, qui traverse la municipali­té. La ferme centenai

- Gavin BOUTROY presse8@la-liberte.mb.ca

C’est facile pour Hydro de passer à travers notre champ, c’est nos parents qui l’ont défriché. Hydro peut le traverser en Cadillac s’ils le veulent. - Alain Fournier.

«Je suis né sur cette ferme en 1934, déclare Bernard Fournier. J’ai toujours demeuré ici et travaillé sur la ferme. Comme mon grand-père qui s’est installé ici en 1899, et mon père après lui. »

Quand à l’âge de 18 ans, en 1951, Bernard Fournier a repris la ferme de la famille, il avait 10 vaches et quatre chevaux. Il a maintenant 300 bêtes, qu’il nourrit avec l’avoine et le maïs qu’il fait pousser sur la ferme familiale. Ses trois fils, Alain, Rénald et Gilles travaillen­t avec lui sur la ferme. La ferme de quatrième génération jouit du statut de ferme centenaire, une distinctio­n censée la protéger pour préserver son patrimoine.

En 2013, les propriétai­res de terrains sur le trajet potentiel du projet de la ligne de transmissi­on Manitoba-Minnesota ont été avertis. Les Fournier, comme environ 80 % des personnes concernées, ont affiché leur désaccord avec le trajet proposé.

En 2015, Manitoba Hydro a annoncé le trajet favorisé par la société de la Couronne. C’est celui qui traverse la ferme « Alain Broquerie,champ centenaire­Aux Fournier audiencesà 150 ils des mètres n’avaient Fournier,était publiquesd­e consternép­as la dans maison. envoyéà La un: les marionnett­es.gros chefs. OnIls ont avait envoyé l’impression des que c’était juste une formalité. Mais dans la foule, personne ne s’est déclaré en faveur du projet.

« Surtout qu’il y avait une autre option, il aurait pu passer à 5 milles à l’ouest sur des terres de la Couronne, ce sont des terres basses. Il n’y a que des chevreuils et des castors, et eux ils peuvent déménager.

« C’est facile pour Hydro de passer à travers notre champ, c’est nos parents qui l’ont défriché. Hydro peut le traverser en Cadillac s’ils le veulent. »

S’en sont suivies les consultati­ons de la Commission de protection de l’environnem­ent du Manitoba. Un groupe de personnes directemen­t affectées par le trajet proposé, la coalition South-East Stakeholde­rs Coalition, a embauché un avocat aux frais de Manitoba Hydro pour les représente­r aux audiences.

Me Kevin Toyne a représenté la South-East Stakeholde­rs Coalition pendant les cinq semaines d’audiences. Ses arguments tournaient autour de la « méthode erronée de sélection de trajet » de Hydro-Manitoba.

« Ce trajet a été éliminé, et remis sur la table à plusieurs reprises. Ce n’est pas du tout clair pour quelle raison ils ont procédé ainsi.

« L’un des arguments les plus choquants que l’on a entendu de Hydro-Manitoba touchait la ferme centenaire des Fournier. Ils avaient dit publiqueme­nt qu’aucune ferme centenaire ne serait affectée par la ligne. On a découvert que les documents que Hydro avait obtenus du Bureau des titres fonciers de l’Office d’enregistre­ment des titres et des instrument­s, plaçaient la ferme des Fournier à plus de deux kilomètres de son emplacemen­t réel. Lorsque j’ai présenté des preuves de l’emplacemen­t réel de la ferme, ils ont déclaré qu’une ferme centenaire, c’était des bâtiments, et non la terre. J’ai dû faire témoigner un expert pour lui demander si une ferme comprenait aussi des terres. Il a dit oui, évidemment. »

Si le trajet de la ligne de transmissi­on est approuvé, la ferme Fournier se retrouvera avec six pylônes sur son terrain.

Monique Bédard et son mari Albert Bédard s’opposent euxaussi au passage de la ligne de transmissi­on sur leur terrain. Monique Bédard est la présidente de la South-East Stakeholde­rs Coalition. Elle s’inquiète non seulement de la destructio­n du paysage, de l’augmentati­on de la circulatio­n, mais aussi des effets potentiels sur la santé d’une ligne à haute tension à proximité de sa maison.

« C’est la peur de ne pas savoir à long terme les possibles effets secondaire­s. On serait exposé aux champs électromag­nétiques 365 jours par année. »

Elle et son mari passeraien­t en voiture plusieurs fois par jour directemen­t sous la ligne, qui serait à 160 mètres de sa maison. Si les experts convoqués par Hydro-Manitoba concluent qu’il n’y aucun risque de santé pour les personnes à proximité de la ligne, la peur ressentie par les Bédard est bien réelle, et le projet porte atteinte à leur tranquilli­té d’esprit.

La Division scolaire francomani­tobaine a également fait part de ses préoccupat­ions à HydroManit­oba, car le trajet potentiel de la ligne de transmissi­on passe à proximité de l’École SaintJoach­im. Elle a reçu les assurances d’Eric Robinson, ministre NPD responsabl­e de HydroManit­oba à l’époque, que le projet ne posait aucun risque aux élèves.

Albert Bédard note que c’est le site de l’ancienne ferme familiale. « Mes parents se sont installés là en 1949. En 2011, j’ai pris un an de congé du travail, et j’ai construit une maison à la même place. Il n’y a qu’un seul niveau au cas où on se retrouvera­it un jour en chaise roulante. Ce sera notre maison de retraite. On a emménagé en 2012, et en 2013, on a reçu la lettre de Hydro. »

Sur le site de HydroManit­oba, une photo aérienne du trajet ne comporte pas d’habitation où se trouve la maison des Bédard. Cela indique que Hydro-Manitoba travaille avec une carte qui date d’avant 2011, quand les travaux sur la maison des Bédard a commencé. Hydro-Manitoba a décliné de commenter sur le trajet du projet de la ligne de transmissi­on Manitoba-Minnesota avant que la Commission de protection de l’environnem­ent du Manitoba ne livre son verdict sur le trajet. Toutefois, Hydro-Manitoba a fourni certaines informatio­ns sur le projet. Les propriétai­res affectés seraient compensés selon les politiques de la Province. La ligne de transmissi­on de 500 kilovolts, sur 213 kilomètres, doit permettre d’importer et d’exporter de l’électricit­é aux États-Unis, au coût de 453,2 millions $. Suite au verdict de la Commission de protection de l’environnem­ent du Manitoba à la mi-septembre, le trajet potentiel sera également soumis à une évaluation par l’Office national de l’énergie. À l’heure de passer sous presse, la Municipali­té rurale de La Broquerie n’avait pas répondu à la demande d’entrevue de La Liberté.

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2017
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Photo datant de 1961, où Bernard Fournier et sa famille rénovent un bâtiment de la ferme datant de 1914. 1961
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Photo : Gavin Boutroy Monique et Albert Bédard sur leur propriété, qui risque d’être affectée par la ligne de transmissi­on Manitoba-Minnesota de Hydro-Manitoba.

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