Un des aventuriers de Churchill
Comme bien des habitants de Churchill, Claude Daudet est de ceux arrivés par hasard et jamais repartis. Le natif de Saint-Boniface, devenu trappeur et chasseur, passe maintenant ses hivers sur les rivières et les sentiers du Nord manitobain. Sa connaissance du territoire en a fait un guide respecté.
Claude Daudet a grandi rue Horace à SaintBoniface. Très jeune, déjà il cherchait l’aventure. « Je me souviens, je partais en raquettes sur la rivière Seine. J’étais scout, aussi : louveteau, éclaireur, et puis pionnier. »
Il a fait toute sa scolarité à l’école Précieux-Sang : « Parfois en classe, on regardait des films de l’ONF [l’Office National du Film] sur Tuktu, un Inuit. Il allait à la chasse, vivait de la terre, pratiquait sa culture… Ça m’a donné envie de découvrir le Nord. »
Claude Daudet est arrivé à Churchill en 1981, pour travailler comme boucher pour la Compagnie de la Baie d’Hudson. Quand il a été envoyé dans un autre poste, il s’est mis à revenir à Churchill en vacances, avant de s’y installer définitivement. Et depuis, ses rôles se multiplient.
Depuis 17 ans, il fait partie des Rangers canadiens, cette branche peu connue de la Réserve des Forces armées canadiennes. (Voir l’encadré sur les Rangers canadiens.) L’hiver, lorsqu’il ne trappe pas, Claude Daudet travaille à l’aéroport au réapprovisionnement en carburant des avions.
L’été, il travaille comme homme à tout faire au Lieu historique national de York Factory, où il se livre à un combat acharné contre les saules dont les racines rongent depuis des années les sépultures de l’ancien cimetière.
Il est aussi directeur de pistes du Hudson Bay Quest, une course de traîneau à chiens lancée à Churchill en 2004, et sert régulièrement de guide aux visiteurs de la région.
Claude Daudet et sa conjointe, Rhonda Reid, une passionnée d’oiseaux (1), ont été confrontés à l’insistance des touristes ébahis par leurs occupations éclectiques, qui voulaient en savoir plus. Il a donc créé une page Facebook, My Churchill Life où ils documentent leur vie nordmanitobaine, et celle de leur petit chien Samson, qui les suit dans leurs aventures, emmitouflé dans le panier d’une motoneige.
Le trappeur évoque volontiers les facettes plus difficiles de sa vie. Les inondations de l’année 2017 ont détruit beaucoup de chalets le long de la rivière Churchill, qui mène vers sa ligne de trappe et son chalet. Il soupçonne que c’est le réchauffement climatique qui se fait sentir.
« Avant, arrivé fin novembre, je pouvais aller poser mes premiers pièges en descendant la rivière à motoneige. Maintenant, à cause des rapides sur la rivière Churchill, provoqués par le réchauffement et un niveau d’eau plus élevé, je ne peux pas descendre la rivière. Ça me prendrait huit à 12 heures de contourner par d’autres chemins. »
« J’ai donc embauché un avion de brousse pour survoler un trajet que j’avais identifié sur une carte, pour marquer les coordonnées sur mon GPS. La première fois qu’on a fait le trajet, on a pris deux jours, parce qu’il fallait débroussailler le chemin. Le 20 décembre 2017, quand je l’ai fait, ça m’a pris quatre heures et demie. »
Claude Daudet trappe surtout la martre. Une peau rapporte de 80 à 90 dollars au poste de traite. Il piège habituellement de 60 à 70 bêtes par année. Il vise de poser une centaine de pièges chaque année.
L’hiver, le village de Churchill a beau se vider de ses travailleurs saisonniers, de ses ours et de ses touristes, on peut être certain que l’aventurier Claude Daudet sera toujours là.
(1) Le mélange des écosystèmes de la toundra, de la taïga, de la forêt boréale et de la côte, fait de Churchill un lieu sans pareil pour les passionnés d’ornithologie.