Hamelin le virtuose éclaire ses choix
Pour son prochain récital à Winnipeg, le pianiste Marc-André Hamelin propose de faire revire la sensualité introspective de Debussy. Et d’explorer les recoins moins connus du répertoire pianistique.
Marc-André Hamelin n’a pas hésité un instant lorsque l’Orchestre de chambre du Manitoba lui a lancé l’invitation de se présenter en solo, les 20 et 21 février. (1) « Comment refuser? L’orchestre et moi avons joué ensemble une bonne dizaine de fois au fil des années. Ce sont des musiciens passionnés, sérieux, capables. Par ailleurs, j’aime Winnipeg. Je reçois invariablement un accueil chaleureux. J’ai hâte de proposer au public des partitions qui accrochent, ou qui sont rarement jouées. »
Comme la Sonate numéro 4 de Samouïl Feinberg (18901962). « Je ne connais littéralement personne qui la joue. Pendant la majeure partie du 20e siècle et même encore au début du 21e, on ne trouvait pas la musique imprimée de Feinberg, hormis dans les pays de l’Europe de l’Est. Ce qui est bien dommage, parce que c’est une oeuvre à découvrir. « En 2018, on connaît Feinberg pour sa réputation de grand pédagogue musical. Pourtant, ce Russe était un compositeur et un pianiste exceptionnel. Il a enregistré une version véritablement étonnante du Clavier bien tempéré de Bach, bien longtemps avant Glenn Gould. Sa Sonate numéro 4 est tout aussi unique, avec des touches chromatiques. Je me ferai un plaisir de l’interpréter à Winnipeg, et puis en décembre à l’enregistrer pour un prochain disque. »
Plus connue, mais encore peu interprétée, est la délicate et rhapsodique Bénédiction de Dieu dans la solitude de Franz Liszt, une composition tirée du cycle Harmonies poétiques et
religieuses. Marc-André Hamelin l’aime : « Je ne suis pas particulièrement religieux. Pourtant, cette partition m’affecte beaucoup. Les mots me manquent pour décrire son impact. Elle invite au recueillement. Et, peut-être, à sortir de soi-même. En tous les cas, j’y reviens souvent. Au point de l’avoir endisquée deux fois. »
Lors du récital, les mélomanes auront également droit à une paraphrase de Leopold Godowsky sur l’Aimer,
boire et chanter de Johann Strauss Jr. « Un pur plaisir. Tant pour le pianiste que pour l’oreille. Godowsky sait jumeler en même temps deux thèmes de Strauss pour que le tout se combine agréablement. » Agréables aussi, les Images de Claude Debussy, une oeuvre bien connue. « Là le défi c’est de redonner vie à des pièces qui peuvent avoir perdu leur saveur à force d’avoir été jouées. La clé, pour moi, c’est d’accentuer la sensualité du compositeur. Debussy évoque des états d’esprit introspectifs, voire énigmatiques, mais en s’adressant directement aux sens. « On n’a qu’à songer au premier morceau, Reflets dans
l’eau. Une pièce évocatrice de la lumière et de la limpidité de l’eau. En l’écoutant, et en la jouant, j’ai presque l’impression de pouvoir plonger ma main doucement sous la surface. »
(1) Le récital de Marc-André Hamelin aura lieu le 20 février à 19 h 30 et le 21 février à 13 h à l’église Westminster United, située au 745, avenue Westminster à Winnipeg. Billets : 35 $ (adultes), 33 $ (aînés) et 15 $ (étudiants). Disponibles chez Ticketline au 204 783-7377, à Organic Planet, la librairie McNally Robinson et au West End Cultural Centre.