« Les témoignages, ça parle aux jeunes »
Entre les nouvelles drogues qui font leur apparition et la légalisation du cannabis au Canada, les addictions sont au coeur de l’actualité. Comment en parler aux adolescents? Trois conseillers en orientation du Collège Louis-Riel (CLR) évoquent ce défi du quotidien et les outils disponibles.
Nombreux sont les parents peu à l’aise à l’idée d’aborder le sujet des drogues et de l’alcool avec leurs enfants. Il y a la peur d’en faire un tabou, la peur de ne pas prévenir assez, ou de ne pas avoir toutes les connaissances en main pour répondre à leurs interrogations.
Comme l’explique Elizabeth Whitaker-Jacques, conseillère au CLR pour les 9e et 11e années, répondre à la curiosité des adolescents par l’in terdiction sans passer par l’échange ne suffit pas :
« Il faut avoir des discussions franches avec les jeunes. On ne peut pas se contenter de dire à des adolescents Ne faites pas ça.
Ce n’est pas la réalité de l’adolescent. C’est un temps où on a envie d’essayer différentes choses. On doit d’abord établir une relation de confiance avec eux. Si on dit toujours Non non non, les jeunes ne vont pas venir nous voir. »
Un avis partagé par Gilles Labossière, conseiller pour les 10e et 12e années, et Léo Bérard, conseiller pour les 7e et 8e. Au CLR, ces trois personnes sont les oreilles attentives des problèmes des élèves. Parler des risques liés à la consommation de drogues et d’alcool avec les jeunes fait partie de leurs missions.
Dans leurs locaux, les ressources ne manquent pas : on y retrouve des documents explicatifs fournis par la division scolaire et par des organismes comme la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances (AFM). Néanmoins, les conseillers veulent aller plus loin et mettent l’interaction humaine au coeur de leur démarche de prévention.
Ça commence par des intervenants, explique Elizabeth Whitaker-Jacques : « On essaie d’avoir deux ou trois présentations par année. L’année dernière on a eu le témoignage, très puissant, d’une jeune personne qui a parlé de sa dépendance aux drogues et à l’alcool. Les témoignages, ça parle tellement aux jeunes. »
Après la prévention générale viennent les rencontres individuelles. Cela va des élèves simplement curieux aux cas plus inquiétants.
Il y a ce que Gilles Labossière appelle « l’écoute active », qui doit se faire de façon libre, sans culpabiliser l’élève : « On remarque parfois des changements de comportement, parfois via des rendements scolaires. C’est une porte d’entrée pour parler. On peut aborder le sujet en disant : J’ai entendu dire…, mais sans accuser.
« D’autres fois, les questions vont porter sur les effets : Comment ça va m’affecter? Les jeunes pensent parfois qu’ils sont invincibles. Puis tout à coup, la consommation est plus fréquente. »
Elizabeth Whitaker-Jacques ajoute : « Il arrive aussi que des élèves vont venir nous voir par rapport à leurs amis. Ils ont des inquiétudes et vont nous demander ce qu’ils doivent faire. »
Le but est de créer un espace sécuritaire où les jeunes peuvent s’exprimer dans la confidentialité. Mais le dialogue à l’école a aussi ses limites, comme le note Léo Bérard.
« Ils vont venir jaser avec nous là-dessus et chercher où sont les ressources communautaires. On peut les aider jusqu’à un point. Mais ils ont aussi besoin de savoir : Après 16 heures, où est-ce qu’on peut aller? Quels sont les numéros de téléphone, les appuis en place?
Car la prévention ne s’arrête pas aux portes de l’école. Comme le précise Gilles Labossière : « Les parents aussi veulent savoir ». D’où la nécessité de mettre également l’information à leur disposition, notamment lors des rencontres parents-élèves.
Léo Bérard ajoute : « La prévention prend une bonne communication entre l’école et les parents. Il faut pouvoir informer tout le monde. »
L’année passée, il a beaucoup été question du fentanyl. Cet analgésique, parfois prescrit en dose microscopique, peut être meurtrier si la quantité consommée dépasse l’équivalent d’un grain de sel, indique le service de police de Winnipeg.
Un problème sérieux face auquel il a fallu se montrer réactif, note Gilles Labossière : « Une annonce a été faite. Des messages envoyés aux parents. Sur le site web, on peut les communiquer largement. »
Les conseillers en orientation font remarquer que la prise de drogues chez les jeunes dépend aussi bien souvent de l’environnement familial, et parfois de problèmes de santé mentale. Elizabeth Whitaker-Jacques souligne que l’effort de groupe est essentiel pour aboutir à des résultats :
« On est chanceux d’avoir des partenaires qui nous apportent des ressources à l’école. On a aussi une psychologue scolaire. Je pense que ça prend tout le monde pour avancer. Seuls, on ne pourrait pas faire autant. »