Il ne faut surtout pas se ier aux accents!
Son nom à consonance anglophone laisse entendre que sa langue maternelle est l’anglais. En l’occurrence, c’est vrai. Il n’empêche : Sean maitrise également à merveille la langue de Molière. Histoire d’une passion linguistique.
Sean Foster se définit à la fois comme anglophone et francophone. En fait, il serait impossible pour lui de choisir. Faut-il faire un choix au fond? « Je n’aime pas trop les étiquettes. Il me semble qu’elles donnent parfois l’impression d’inclure seulement certaines personnes et de ne pas en compter d’autres. »
Lorsqu’il était enfant, sa grand-mère lui parlait en français. C’est elle qui lui a donné le goût de la langue. « Je voulais faire partie de ce mondelà, le monde de la francophonie, surtout que ce sont mes racines ».
À 14 ans, se pose pour lui la question du choix de l’école secondaire. À la rentrée, Sean décide de poursuivre sa scolarité dans son village à Lundar. L’une de ses professeures lui avait déjà glissé l’idée d’aller à l’école francophone à Saint-Laurent. Dans son esprit, c’était hors de sa portée.
« Ça voulait dire quitter mon groupe d’amis, mon village. Tout ça pour aller dans l’inconnu, pour apprendre une langue. » Pourtant, trois jours après la rentrée des classes, Sean prend la décision de sauter le pas. « Il y avait un sentiment très profond qui me disait d’y aller, comme une intuition. »
Les débuts ont été difficiles à l’École Aurèle-Lemoine. « Je ne comprenais rien du tout à ce qu’ils disaient. Mon voisin de classe me traduisait ce que le professeur racontait. » Et puis, au fur et à mesure, Sean prend sa place, pose des questions. « Après trois mois, j’étais autonome. »
D’ailleurs rapidement, sa maîtrise de la langue française s’affine. Pendant l’été, il s’exerce, il regarde des vidéos, écoute des chansons, découvre le 4e volet de la saga Harry Potter. Là, il tombe sous le charme de Fleur Delacour. La sorcière française incarnée par l’actrice Clémence Poésy représente l’élégance, le charme et la sophistication à la parisienne.
« À l’époque, j’avais très envie de vivre en France, un jour. L’accent parisien me plaisait beaucoup. Il me paraissait plus élégant, plus distingué, plus valorisé, plus intelligent. » Sean commence alors à regarder beaucoup de vidéos d’acteurs français sur YouTube. Il imite l’accent. Il se parle à lui-même en français.
En septembre, de retour à l’école, sa façon de parler a changé. Aux yeux de ses camarades d’école, Sean a un accent étranger. Les gens qu’ils rencontrent le questionnent : D’où viens-tu? Pourquoi tu parles comme ça? « Ça arrive encore même aujourd’hui. Quand j’ai commencé mes études à l’Université de Saint-Boniface, les gens étaient convaincus que j’étais français. On m’appelait le French guy. »
Lors du semestre dernier, l’étudiant de 23 ans a suivi des cours de linguistique et de phonétique. « On a parlé des stéréotypes à propos des accents. Il s’agit de jugements arbitraires qui n’ont pas de sens. J’ai réalisé qu’il n’y a pas un accent meilleur qu’un autre ou supérieur. Je sais maintenant que l’accent parisien n’est pas plus intelligent, ni plus sophistiqué que les autres. Et justement, tous ces accents différents contribuent à la diversité linguistique. »
Sean assume fièrement sa part de diversité, son accent aux éclats de la Ville lumière. Une musique qui fait partie de son être, qui « résonne à l’intérieur ». Son prochain défi : apprendre l’italien, l’allemand, l’espagnol, le japonais ou le mandarin, rien que ça!
« Apprendre une langue, c’est apprendre une culture. On découvre alors des facettes que l’on ne connaît pas de soimême. On apprend davantage sur sa personnalité. Et c’est très important de se connaître. »