La Liberté

« Je crois que l’engagement civique est fondamenta­l dans une société démocratiq­ue »

- Bernard BOCQUEL bbocquel@mymts.net

Le chroniqueu­r de La Liberté depuis 2015 a l’analyse politique dans le sang. Dans ses veines coulent aussi des valeurs fortes, comme le sens du devoir. Michel Lagacé appartient à la classe des piliers de société.

Cet économiste de formation, ancien élève du cours classique des jésuites au Collège de Saint-Boniface (B.A. en 1964), a débuté sa carrière profession­nelle au Bureau fédéral de la statistiqu­e à Ottawa, avant de devenir chercheur principal au ministère du Travail de l’Ontario, entre 1969 et 1973. Cette année-là, il intègre le bureau du Premier ministre de l’Ontario.

En 1977, c’est en qualité de directeur du Centre de recherches du Collège universita­ire de Saint-Boniface qu’il retourne au Manitoba. En 1980, associé à Donald Foidart, il fonde une firme d’experts conseils en gestion, qu’il préside pendant huit ans.

Sa carrière de haut fonctionna­ire fédéral débute en 1989, lorsqu’il devient directeur du Secrétaria­t d’État au Manitoba. En 1994, il est nommé directeur du Secrétaria­t du Conseil régional du développem­ent des ressources humaines du Conseil fédéral du Manitoba. Le rôle du Secrétaria­t prend de l’ampleur, et en 1998 Michel Lagacé devient le premier directeur du Secrétaria­t du Conseil fédéral, poste qu’il occupe jusqu’à sa retraite en 2007.

En 2005, il a reçu le prix d’excellence de la fonction publique du Canada, décerné à des fonctionna­ires qui « par leur résolution et leur vision, ont contribué à bâtir notre pays ».

C’est dans le même esprit qu’il a contribué et contribue toujours bénévoleme­nt à bien des organisati­ons, comme la Société historique de Saint-Boniface, dont il assume la présidence depuis 2002. Depuis 2010, il participe aussi au CA des Amis de Upper Fort Garry. Ce passionné de musique a siégé pendant 14 années à l’Orchestre symphoniqu­e de Winnipeg, qu’il a présidé de 1986 à 1988.

Vous avez grandi bilingue. Une réalité déterminan­te dans votre vie?

Quand j’ai fréquenté l’école élémentair­e des garçons de Saint-Norbert durant les années 1950, tous les enseignant­s parlaient le français, même si les cours étaient donnés en anglais (les filles allaient au couvent des Soeurs grises). Entre élèves, nous parlions surtout le français. Depuis toujours, je me sens à l’aise dans l’une ou l’autre langue. Cela m’a ouvert des portes tant au niveau personnel que profession­nel. Et parce que j’ai été appelé à beaucoup écrire durant ma carrière, j’ai dû perfection­ner mes compétence­s dans les deux langues, ce qui continue à être une source de plaisir pour moi.

Aller au Collège de Saint-Boniface, une autre étape de vie déterminan­te, sans doute…

Ma vie aurait sûrement été différente si je n’avais pas fréquenté le Collège. À l’époque, les jésuites du Collège consultaie­nt les curés de paroisse pour dépister des élèves qui seraient de bons candidats pour le cours classique qu’ils offraient. Je réussissai­s bien à l’école sans trop d’efforts, et les jésuites m’ont identifié comme candidat. Oui, certaineme­nt. J’ai grandi à Saint-Norbert, un petit village francophon­e entouré de fermes, comme il y en avait à travers la province. La plupart des familles étaient de souche québécoise ou encore métisse. Chez moi, cependant, il y avait une différence : ma mère parlait le frioulan avec ses parents, elle avait appris l’italien à l’école et, à la maison, elle parlait avec mon père en anglais qu’elle avait appris en arrivant au Canada. Avec le temps, elle a réussi à parler le français couramment. Mais quand nous étions jeunes, elle était plus à l’aise en anglais, et il n’y avait rien de plus normal que de lui parler en anglais. Avec mon père et entre les enfants, nous parlions toujours le français. Et, heureuseme­nt, mon père n’a jamais pensé qu’il fallait parler anglais pour réussir dans la vie – c’était pourtant une idée qui avait fait son chemin dans bien des familles francophon­es durant les années 1940 et 1950.

Au Collège, j’étais loin d’être un élève modèle. Je faisais les devoirs exigés sans faire plus d’efforts que nécessaire : six ans de latin, toutes les classes en français sauf l’anglais, et jour après jour, il fallait traduire un texte du français au latin et viceversa. Et ensuite, deux ans de philosophi­e. Ayant été pensionnai­re pendant huit ans, j’ai été élevé par les jésuites autant que par mes parents.

J’ajoute que je n’ai jamais aimé cette vie super-structurée. Du matin au soir, chaque journée était planifiée, nous étions surveillés 24 heures par jour, et les sorties étaient rarement autorisées. De fait, quand on entreprena­it le cours classique à l’âge de 12 ans, la routine quotidienn­e était fixée pour les prochains huit ans. Il y avait peu d’options dans les cours offerts, et on en sortait avec un B. A. en philosophi­e latine.

Une formation remarquabl­e quand même…

De fait, je demeure reconnaiss­ant pour cette vie quasi inimaginab­le aujourd’hui. Nous avons appris à travailler avec discipline, nous avons reçu une bonne formation en français, et le Collège a valorisé notre langue et notre culture. Quelques enseignant­s nous ont marqués par leur authentici­té et leur discipline personnell­e. Et ces jésuites disaient haut et fort qu’ils avaient pour mission de former l’élite de demain, comme ils le faisaient dans leurs collèges au Québec. Cela voulait dire, entre autres choses, que nous étions appelés à être des chefs de file et que nous devions mettre notre éducation et nos talents au service de notre prochain et de la société. Un baccalauré­at en philosophi­e latine, ce n’était peut-être pas une formation idéale pour entrer sur le marché du travail, mais le but du cours classique était de former la tête des élèves, de développer un esprit critique et analytique. Il s’agissait de cultiver le sens du devoir et des responsabi­lités envers la société. Et ce baccalauré­at nous ouvrait les portes à des études de deuxième cycle dans une grande variété de discipline­s.

Au plan de la formation, impossible de passer sous silence la musique…

Je n’ai jamais su pourquoi ma mère a décidé qu’une formation musicale était importante dans l’éducation de ses enfants, mais nous avons tous étudié le piano, en commençant par des cours avec les Soeurs grises de SaintNorbe­rt. Je vois encore Soeur Jeanne Dugal sur son prie-Dieu quand j’arrivais à son studio. Je me demandais si elle invoquait une puissance supérieure pour avoir la patience d’entreprend­re une leçon d’une demi-heure avec moi! J’ai laissé tomber les classes de piano plusieurs fois au fil des années. Après avoir complété une maîtrise en sciences économique­s, j’ai travaillé à Ottawa puis à Toronto. J’écoutais beaucoup de disques pour mieux connaître le répertoire. Une fin de semaine, je suis entré au magasin Steinway à Toronto et j’ai décidé spontanéme­nt d’acheter un piano d’occasion. Alors j’ai repris des cours. J’ai passé quinze mois merveilleu­x à étudier au Royal Conservato­ry of Music of Toronto à temps plein pour compléter un diplôme ARCT (Associate of the Royal Conservato­ry of Toronto) en interpréta­tion au piano. J’ai eu d’excellents professeur­s en harmonie, en contrepoin­t, en histoire, en formes musicales et en formation auditive.

Je suis reconnaiss­ant à ce jour de pouvoir écouter et mieux apprécier le génie extraordin­aire des compositeu­rs qui nous ont laissé des oeuvres merveilleu­ses. La musique, c’est comme une autre langue qui communique directemen­t avec l’esprit et les sentiments de l’auditeur. Elle m’a enrichi pendant toute ma vie.

Qu’est-ce qui vous ramène au Manitoba en 1977?

Essentiell­ement la famille et une offre de diriger le Centre de recherche au Collège universita­ire de Saint-Boniface. J’avais passé dix années très agréables à travailler comme économiste à Ottawa et à Toronto avant de revenir. Quand j’ai quitté le Manitoba en 1967, je ne pensais pas que j’y reviendrai­s un jour. Mais les circonstan­ces changent et le temps semblait être venu de m’installer ici.

Quand et comment avezvous pris goût au travail bénévole?

Je n’avais pas fait de bénévolat pendant la décennie que j’ai passée en Ontario. Tout a changé quand je suis revenu au Manitoba. Les Soeurs grises ont des réseaux d’informatio­n remarquabl­es et la supérieure provincial­e a appris que j’avais travaillé au bureau du Premier ministre de l’Ontario dans le domaine du développem­ent social, notamment en éducation, santé et services sociaux. Elle m’a demandé de participer au travail de l’Hôpital SaintBonif­ace. Puis la SFM avait besoin de nommer un président de Presse-Ouest Limitée, la société éditrice de La Liberté. Mon engagement social a pris un tournant décisif quand j’ai été élu au conseil d’administra­tion de l’Orchestre symphoniqu­e de Winnipeg en 1982. L’Orchestre avait autant d’objectifs artistique­s que financiers, et j’aimais autant discuter de finances que de programmat­ion musicale. Je me suis trouvé tout de suite à l’aise, même si j’avais encore beaucoup à apprendre.

Comme vice-président du Conseil, j’ai eu à préparer le plan stratégiqu­e de l’Orchestre l’année avant d’être élu à la présidence en 1986. C’est une préparatio­n idéale pour un poste de haute visibilité. L’organisme comptait plus de 30 membres au conseil, 67 musiciens, un chef d’orchestre, un personnel d’une vingtaine de personnes et quelques centaines de bénévoles. Les membres du CA étaient des bénévoles chevronnés : comptables, avocats, président d’université, viceprésid­ents de banque, chefs d’entreprise­s, enseignant­s, médecins et membres en vue de la communauté. C’est dire qu’ils m’ont beaucoup appris sur la gouvernanc­e, la collaborat­ion et l’art de créer un sens de direction partagé par tous. Ils m’ont appuyé sans réserve. De plus, les musiciens ont enrichi ma vie en partageant leur vécu avec moi. J’ai présidé le comité de sélection qui a choisi Bramwell Tovey comme chef d’orchestre et ce fut là une autre occasion de mieux comprendre les rouages complexes de cette machine qu’est un orchestre.

Une expérience décidément marquante…

Je dois beaucoup aux nombreux membres du CA avec qui j’ai travaillé pendant 14 ans. On y trouvait des gens dévoués et prêts à collaborer pour le bien commun. J’ai travaillé de près avec beaucoup de collègues bénévoles, et j’ai eu le privilège de collaborer étroitemen­t avec mon prédécesse­ur à la présidence, l’avocat Harold Buchwald. C’est d’ailleurs lui qui m’a convaincu d’assumer la présidence. Il était au centre de vastes réseaux au Manitoba et à travers le pays. Il tenait à ce que je rencontre ses collègues et ses amis, et c’est ainsi que j’ai eu l’occasion de fréquenter de nombreuses personnes qui occupaient des postes de direction importants. Il figure parmi les experts qui m’ont vraiment guidé dans le fonctionne­ment du monde bénévole et de la ville de Winnipeg. Bref, c’est un collègue qui est devenu un véritable ami.

Je sais que c’est Harold qui s’est organisé, avec son savoirfair­e habituel, pour que j’assume la présidence d’Arts Stabilizat­ion Manitoba en 2007. C’était un organisme qui avait pour but l’implantati­on des meilleures pratiques de gestion dans les organismes artistique­s et culturels de la province. Le Conseil là aussi était très fort et j’ai vite appris que je n’avais qu’à mettre une question sur la table pour recevoir des conseils de grande qualité. Dans cette fonction, j’ai eu l’occasion de travailler avec un bon nombre d’organismes artistique­s et culturels au Manitoba et, là encore, j’en ai beaucoup appris sur la gouvernanc­e, la planificat­ion et l’importance des valeurs quand un groupe de bénévoles décide de travailler ensemble. Nous devions nous assurer que la gouvernanc­e de ces organismes était de la plus haute qualité. Ainsi, nous avons beaucoup discuté de plans stratégiqu­es, d’évaluation du fonctionne­ment des conseils et même des principes de base, tel que le besoin pour chaque conseil de maintenir la confiance de ses membres et de leur rendre compte de leurs actions. Je garde un excellent souvenir de ces nombreuses années.

Une fois un bénévole chevronné, vous voilà encore plus en demande…

Eh bien, rappelez-vous que, comme bénévole, je ne coûte pas cher! Ces expérience­s m’ont bien servi dans d’autres fonctions bénévoles comme celles que j’ai assumées à Centraide Winnipeg, avec les Amis du Upper Fort Garry, à la Société historique de SaintBonif­ace, au Centre de musique canadienne, etc.

Ce que je retiens de toutes ces années de bénévolat, c’est qu’on retrouve parmi les bénévoles des personnes très généreuses et soucieuses du bien-être de la société. Je crois que l’engagement civique est fondamenta­l dans une société démocratiq­ue et dynamique dont les besoins sont sans fin. Aucun gouverneme­nt ne peut répondre à tous les besoins. De fait, notre démocratie elle-même est menée par la participat­ion des citoyens. Sinon, nous aurions une société gouvernée du haut vers le bas et il serait impossible de répondre à de nombreux besoins sociaux.

Clairement, vos actions s’appuient sur des valeurs sûres. Est-ce qu’on choisit ses valeurs?

Je pense que nos valeurs sont formées par nos expérience­s et par notre propre tempéramen­t. L’exemple de mes parents et des jésuites chez qui j’ai passé huit ans m’ont certaineme­nt marqué. Je crois qu’une de ces valeurs fondamenta­les est le devoir, une valeur qui a toujours été présente dans mon entourage et à laquelle j’ai pris goût. Même aujourd’hui, c’est encore cette valeur qui fait que j’aime donner un coup de main là où je peux être utile. Je n’ai pas besoin d’avancer dans ma carrière ou de gagner un revenu, et je choisis ce que je fais. Pendant 35 ans de bénévolat, j’ai pris goût à rendre service et à travailler avec des gens qui partagent des buts communs pour le bien-être de la collectivi­té.

Vous déplorez parfois l’absence de la jeunesse dans les affaires de Francophon­ie manitobain­e. Vous êtes inquiet pour la santé du bilinguism­e manitobain?

Nous faisons partie d’une petite province et les bilingues forment un petit groupe à l’intérieur de cette population. En ce qui regarde le bilinguism­e comme tel, je reconnais que nous parlons l’anglais et le français à différents niveaux de compétence. C’est normal. Il nous faut cependant veiller à former des gens qui sont des modèles du parler et de l’écriture du français, si nous voulons transmettr­e une langue dont nous sommes fiers.

Il faut plus encore sans doute…

Je crois qu’il y a un besoin criant de compétence­s à tous les niveaux, d’où l’importance de la formation des jeunes. Il nous faut aussi des gens formés dans une grande variété de discipline­s. On peut penser aux profession­s traditionn­elles, comme le droit ou la médecine, mais il nous faut des chefs de file dans tous les domaines : les sciences, les sciences sociales comme l’histoire et les sciences économique­s, la gestion, l’enseigneme­nt, l’architectu­re, les langues et les arts. C’est sur des compétence­s qu’on bâtit une confiance en soi et une fierté collective. Alors, oui, je suis préoccupé par le besoin d’assurer le développem­ent des compétence­s des génération­s montantes. Il ne faut absolument pas que le bilinguism­e soit associé à la médiocrité. Le savoir devient de plus en plus complexe et spécialisé, et il nous faut de l’expertise partout. On peut même parler d’une élite qui aurait comme premier devoir de servir la collectivi­té, de réfléchir et de proposer des pistes de solution. En ce qui regarde les organismes communauta­ires, il est évident qu’il y a beaucoup de travail à faire pour former les gens qui veulent assumer des postes de leadership. La connaissan­ce des principes les plus élémentair­es de la gouvernanc­e d’organismes a grandement besoin d’être améliorée. Sinon nous aurons de plus en plus de difficulté­s à gouverner nos propres organismes. La compétence attire la compétence.

On sait la rigueur de l’analyste en vous. L’analyse rigoureuse laisse cependant sans doute une place à la capacité d’émerveille­ment…

Bien sûr! À ce jour, bien des choses sont susceptibl­es de m’émerveille­r. Une pièce musicale, par exemple. Même si je la connais bien, elle peut m’émerveille­r quand elle est interprété­e d’une façon originale et fraîche. Je peux penser à un grand nombre d’oeuvres qui m’émerveille­nt chaque fois que je les entends. Celles de Brahms, Mahler, Chostakovi­tch, les pièces pour piano de Brahms, la musique de chambre de tant de compositeu­rs, les Lieder de Schubert, tout de Bach et, plus près de nous, le monde musical et spirituel de Giya Kancheli et d’Arvo Pärt que le New Music Festival de l’OSW nous a fait connaître. Il y en a tant! Sur un tout autre plan, je suis encore épaté par l’efficacité d’un groupe de personnes qui décident de travailler ensemble dans un but commun. Pendant 35 ans, j’ai beaucoup travaillé dans des organismes culturels, artistique­s et historique­s. Je suis émerveillé par la compétence et l’engagement de gens qui donnent bénévoleme­nt de leur temps et de leur expertise pour contribuer au bien-être de la société. Seule, une personne n’accomplit pas grand-chose. C’est comme un chef d’orchestre sans musiciens. Il faut être bien entouré et bien appuyé pour arriver à des résultats concrets. Ça, c’est une dynamique qui m’émerveille toujours.

Et qu’est-ce qui peut être susceptibl­e de vous irriter?

L’incompéten­ce. Qu’il s’agisse du travail payé ou du bénévolat, je crois qu’il est important de contribuer à l’atteinte d’objectifs qu’on se fixe. Je n’accepte pas qu’on dise que, parce que des gens sont des bénévoles, ils peuvent se permettre d’agir de façon médiocre ou incompéten­te. Cela ne sert pas l’organisme dont on fait partie. Un bénévole qui agit avec incompéten­ce devrait aller faire autre chose, idéalement pour développer ses compétence­s et pour pouvoir un jour contribuer de façon positive à son milieu. Que ce soit au travail ou dans un rôle bénévole, il n’y a rien de plus regrettabl­e que de voir quelqu’un à la mauvaise place au mauvais moment.

Passionné par l’histoire comme vous l’êtes, y at-il une époque où vous avez déjà rêvé de vivre?

Oui! Sans aucun doute, ce serait la Renaissanc­e. Imaginez un monde en pleine révolution intellectu­elle et artistique, un monde qui redécouvre l’héritage grec et romain, qui s’intéresse à l’Égypte antique, qui découvre le latin classique et l’architectu­re romaine, et qui innove dans tous les domaines du savoir. Beaucoup de petites villes, Florence en tête, deviennent des lieux de création artistique encore admirés aujourd’hui. Après le retour de la papauté d’Avignon à Rome, le grand schisme voit trois papes se disputer le Saint-Siège, puis enfin Rome reprend la place qu’elle avait occupée jusqu’au début du 14e siècle. Tout est à reconstrui­re, même Saint-Pierre de Rome. Vers la fin du 15e siècle, Raphaël, Leonardo da Vinci et Michelange­lo sont des contempora­ins qui produisent des oeuvres d’art immortelle­s. Et tant d’autres artistes participen­t à ce renouveau de l’art et de la pensée. Mais pour rêver à cette période de créativité intense, il faut mettre de côté la peste qui hantait régulièrem­ent la population et l’espérance de vie plutôt limitée!

Vous n’êtes jamais en manque d’histoires, d’anecdotes entourant des personnage­s qui ont traversé votre vie. Vous vous sentez raconteur dans l’âme?

J’aime de plus en plus raconter, c’est vrai. Cela vient peut-être de mon père qui est décédé à l’âge de 98 ans. Il avait une mémoire orale formidable et, à 95 ans, il pouvait me raconter une histoire ou une conversati­on avec un oncle ou une tante qui datait de son adolescenc­e. J’ai passé beaucoup de temps avec lui durant ses dernières années, surtout après le décès de ma mère six ans avant le sien. Durant sa dernière année, il perdait la mémoire tout doucement. Je me suis mis à lui rappeler les histoires qu’il m’avait contées. Il ne s’en rappelait pas toujours, mais il les trouvait vraiment intéressan­tes! De fait, s’il ne m’avait pas raconté ses souvenirs, je n’aurais pas pu les lui rappeler durant cette dernière année.

Je crois que raconter les histoires de famille et rappeler les échanges vécus au cours de ma carrière ou encore les contacts humains avec des centaines de bénévoles avec qui j’ai travaillé, toute cette richesse humaine me permet de raviver le souvenir de gens remarquabl­es et d’apprécier de nouveau ceux et celles qui ont croisé mon chemin. Ces histoires en disent souvent beaucoup sur ce qui a contribué à nous former, et elles nous permettent de revivre des moments que nous avons parfois négligé de vivre pleinement quand ils ont eu lieu.

Il vous arrive de regarder vers l’avenir?

À tous les jours! J’espère évidemment continuer à faire ce que j ’aime. En ce moment, je participe à trois conseils d’administra­tion. Et puis il y a tant de lectures à faire! Je voudrais aussi reprendre le piano quand j’en aurai le temps. Je voudrais surtout retourner en Italie, si la santé me le permet. Les valeurs et les conviction­s donnent une continuité à la vie et je crois bien que j’irai là où elles me conduiront. Si je peux faire profiter d’autres de mon expérience, je le ferai avec plaisir. Et si l’occasion se présente de contribuer aux causes qui me tiennent à coeur, je suis ouvert à le faire.

 ??  ?? Michel Lagacé en 2005, lors de la remise du prix d’excellence de la fonction publique du Canada, alors qu’il était directeur du secrétaria­t du Conseil fédéral du Manitoba.
Michel Lagacé en 2005, lors de la remise du prix d’excellence de la fonction publique du Canada, alors qu’il était directeur du secrétaria­t du Conseil fédéral du Manitoba.
 ??  ?? Michel Lagacé en mai 2015 à la salle du Centenaire après un concert de l’Orchestre symphoniqu­e de Winnipeg.
Michel Lagacé en mai 2015 à la salle du Centenaire après un concert de l’Orchestre symphoniqu­e de Winnipeg.

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