Comment éviter des partis pris politiques
Le problème de l’emprise règlementaire endroit canadien
Le professeur de droit environnemental à l’université de la Saskatchewan, Jason Maclean souligne une faiblesse fondamentale du Droit canadien : la possibilité de faire pression sur les règlements conçus pour appliquer les lois. Questions et réponses. Que faut-il comprendre par « emprise règlementaire »?
Jason Maclean : En gros, ce terme désigne à la fois un processus et son résultat. L’emprise règlementaire a lieu lorsqu’une industrie ou un groupe à intérêts spéciaux détourne un régime de réglementation du gouvernement censé refléter l’intérêt collectif, au profit d’intérêts privés.
Les mécanismes qui mènent souvent à l’emprise règlementaire ne sont pourtant pas illégaux…
J. M. : Et tout est là. Prenons l’exemple du lobby de l’industrie du pétrole au Canada. De manière formelle et informelle, ils ont « capturé » des organismes régulateurs à tous les paliers du gouvernement. Ils sont capables de s’assurer que les lois environnementales du pays sont plus favorables à l’exploitation du pétrole qu’à la protection de l’environnement. Et cela, même lorsqu’il y a un intérêt collectif concret et démontrable pour atténuer les effets du changement climatique.
Les mécanismes sont divers, il y a le lobbying légal et enregistré auprès du gouvernement. Il représente autant des intérêts d’entreprises privées que d’institutions publiques. Dans certains cas, comme le plan de l’ancien gouvernement libéral en Colombie-britannique, ils travaillent main dans la main avec les fonctionnaires pour écrire la réglementation du secteur. Pour eux, tous les vecteurs sont bons.
Est-ce que le droit canadien est particulièrement susceptible à l’emprise règlementaire?
J. M. : Historiquement parlant, les lois canadiennes sur l’environnement ont plus souffert d’emprise règlementaire au palier provincial. L’expérience canadienne se résume ainsi : plus l’entité régulatrice est proche de l’industrie, plus sa « capture » est probable. Au Fédéral, il se trouve que les bureaux de l’office national de l’énergie (ONE) se trouvent à Calgary, avec l’industrie qu’elle prétend réguler.
On le voit bien, il y a une faiblesse particulière au droit administratif canadien. L’idée de base en droit administratif, c’est que les administrateurs de la règlementation d’une industrie ont de l’expérience et de l’expertise dans cette industrie.
Par exemple, depuis sa fondation en 1959, les administrateurs de L’ONE ont tendance à avoir travaillé dans l’industrie de l’extraction de combustibles fossiles. Ils ont l’expertise technique et économique de la réalité de cette industrie, alors qui de mieux placé pour la règlementer?
Le problème, c’est que la proximité de L’ONE avec cette industrie amène ses intérêts et son idéologie dans le régime règlementaire. C’est ce que les chercheurs appellent « l’emprise règlementaire culturelle ». Même plus besoin de lobbying, de contributions financières aux campagnes électorales. Les administrateurs de la réglementation voient avec les mêmes yeux que l’industrie.
Le gouvernement fédéral est actuellement en train d’essayer de moderniser le conseil d’administration de L’ONE, en nommant des administrateurs experts en protection environnementale ou encore en droit autochtone.
Est-ce que la solution passe par un changement de la loi?
J. M. : La solution à l’emprise règlementaire ne passe probablement pas des changements à la loi. Pour contester une candidature administrative, il faut prouver une partialité institutionnelle, ou du moins qu’une personne raisonnable aurait raison de soupçonner un biais dans une situation donnée. Donc les fondements d’une contestation de la candidature d’un administrateur sont assez limités devant la loi.
La solution, c’est de renforcer un mouvement démocratique, déjà en voie de constitution, pour s’assurer que des gouvernements élus démocratiquement adoptent nos institutions administratives de façon à refléter l’intérêt collectif.