La Liberté

PTPGP : Une porte vers l'économie du Japon

- aemedias@monusb.ca Sébastien PELLETIER photo : Gracieuset­é Christophe­r Katsarlov

Exactement un an après que les États-unis se soient retirés des négociatio­ns de l’accord de partenaria­t transpacif­ique, laissant le Japon comme la plus grande économie sur la table des négociatio­ns, le Canada a accepté une version modifiée de l’entente et la signera prochainem­ent. Cette nouvelle version, nommée Accord de Partenaria­t transpacif­ique global et progressis­te (PTPGP), a suscité beaucoup de controvers­e au Canada, malgré que le gouverneme­nt libéral de Justin Trudeau maintienne que les intérêts canadiens ont été défendus et que cette entente est bénéfique pour les familles de la classe moyenne.

Le Canada et les dix membres restants de l'ancien Partenaria­t transpacif­ique (PTP) se sont entendus le 23 janvier sur un accord commercial révisé qui ira de l'avant sans les Étatsunis, ouvrant de nouveaux marchés éloignés en cette période d'incertitud­e près de chez nous. Cet accord a lieu exactement un an après que le président américain Donald Trump ait retiré son pays de l'accord, laissant le Japon comme le plus grand joueur dans un nouveau pacte de 11 nations qui couvre deux hémisphère­s et inclut les deux voisins américains, soit le Canada et le Mexique.

Outre le Canada, les partenaire­s de la nouvelle entente sont l'australie, le Brunei, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-zélande, le Pérou, le Singapour et le Vietnam. Plus important encore, l'accord donnera au Canada un accès à l'économie du Japon, la troisième plus considérab­le au monde. Les secteurs de l'agricultur­e, des produits de la mer et de la foresterie du Canada en tireraient quelquesun­s des avantages les plus importants, selon des experts en commerce internatio­nal.

L'accord a été le centre de discussion lors de deux jours de pourparler­s de haut niveau à Tokyo et a été confirmé par le ministre du Commerce internatio­nal, Françoisph­ilippe Champagne. Les partenaire­s concernés doivent maintenant concrétise­r leurs paroles avec la signature de l’entente, et ce, d’ici le début du mois de mars. « Nous sommes heureux de confirmer la réalisatio­n d'un résultat significat­if sur la culture ainsi qu'un arrangemen­t amélioré sur les automobile­s avec le Japon, ainsi que la suspension de nombreuses dispositio­ns de propriété intellectu­elle qui préoccupen­t les intervenan­ts canadiens […] le Canada a toujours dit qu’il n'accepterai­t qu'un accord qui soit dans l'intérêt du Canada », a indiqué M. Champagne dans une déclaratio­n.

Un autre représenta­nt du gouverneme­nt canadien a déclaré que M. Champagne avait fait pression sur ses homologues pour obtenir une exemption concernant les éléments liés à la culture qui faisaient partie de l'entente originale du PTP. Le fonctionna­ire a déclaré que le Canada protégerai­t son secteur culturel dans l'accord mis à jour au moyen de lettres d'accompagne­ment juridiquem­ent contraigna­ntes avec chaque partenaire.

La composante automobile de l’accord risque cependant d'être plus controvers­ée. Dans un secteur considéré comme essentiel à l'entente, le Canada a réussi à conclure un accord bilatéral avec le Japon pour résoudre les obstacles non tarifaires, y compris un mécanisme contraigna­nt de règlement des différends. L'accord parallèle met en vigueur les engagement­s clés pris par le Japon envers le Canada et les États-unis dans l'accord initial, mais qui avaient été perdus lorsque les États-unis se sont retirés. Le nouvel accord comprend également un accord bilatéral avec la Malaisie pour ajuster les règles d'origine automobile et un autre accord est en cours de finalisati­on avec l'australie.

Cependant, une grande associatio­n canadienne des pièces d'automobile a eu une réaction cinglante. Flavio Volpe, le président de l'associatio­n des fabricants de pièces d'auto, a déclaré que cet accord amènerait le Canada dans une direction opposée à celle suivie par son client le plus important et son plus puissant voisin, les États-unis, au milieu de négociatio­ns délicates. Il affirme que les États-unis préconisen­t un nouvel Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA), qui accroit les exigences en contenu national et qui exclut les pièces chinoises de l'amérique du Nord, mais que l'accord renouvelé du PTP dirige le Canada et le Mexique dans le sens inverse en réduisant les exigences locales et en laissant plus de produits comme ceux de la Chine entrer dans la chaine d'approvisio­nnement. Il a fait remarquer que le commerce avec les 10 autres pays en question est dérisoire comparativ­ement à celui avec les États-unis. Il a accusé M. Champagne de chasser des éléments banaux, sans tenir compte de la façon dont cela pourrait affecter les négociatio­ns beaucoup plus importante­s de L'ALENA. « Ce ne pourrait pas être une tentative plus stupide à un moment plus important », a-til déclaré dans une entrevue.

Le président d'unifor, Jerry Dias, à la tête du plus important syndicat du secteur privé au Canada, a aussi rapidement dénoncé l'entente, affirmant qu’elle nuirait aux travailleu­rs. « Ce n'est pas un progrès pour les travailleu­rs, c'est une moquerie », a-t-il tweeté.

D'autres chefs de l'industrie, quant à eux, dont beaucoup avaient activement fait pression sur Ottawa pour s’engager dans l'accord pacifique, ont applaudi les nouvelles de l'entente. Dan Kelly, président et chef de la direction de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendan­te, a tweeté que « le PTP offrira beaucoup de nouvelles possibilit­és aux petites entreprise­s canadienne­s en cette période d'incertitud­e commercial­e avec les États-unis ». John Masswohl, de la Canadian Cattlemen's Associatio­n, a tweeté : « Excellente nouvelle pour les producteur­s de boeuf du Canada et pour la création d'emplois au Canada dans son ensemble! Utile pour les négociatio­ns de L'ALENA aussi. »

Le ministre japonais de l'économie, Toshimitsu Motegi, a déclaré que son pays expliquera­it l'importance de l'accord à Washington dans l'espoir de persuader les Étatsunis d'y adhérer. Il a dit que le nouveau PTPGP serait un « moteur pour vaincre le protection­nisme » émergeant dans certaines parties du monde.

Beaucoup ont cru que le PTP original avait subi un coup fatal quand Trump s'était retiré de l'entente durant sa première semaine en tant que président. Désormais, avec l’intention du Canada de signer le PTPGP, il semble clair que le Canada envisage des options de commerce qui n’incluent pas les États-unis afin de réduire sa dépendance de son plus proche voisin, étant donné l’imprévisib­ilité de l’administra­tion actuelle.

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 ?? ?? Monsieur François-philippe Champagne, ministre canadien du Commerce internatio­nal, suite aux pourparler­s de haut niveau à Tokyo le 23 janvier 2018.
Monsieur François-philippe Champagne, ministre canadien du Commerce internatio­nal, suite aux pourparler­s de haut niveau à Tokyo le 23 janvier 2018.
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