La Liberté

Les premiers jours d’une Camerounai­se au Canada

- Dorianne TCHIPGANG aemedias@monusb.ca

Chaque année, pendant les rentrées d’automne et d’hiver, l’université de Saint-boniface accueille des étudiants venus de partout, mais surtout d’afrique : un continent où il fait très chaud. C’est ainsi que, comme le veut la coutume, plusieurs étudiants sont arrivés cet hiver, ayant laissé derrière eux amis et familles dans le but de recevoir une formation de qualité. J’ai voulu partager avec vous, chers lecteurs, l’épopée de mon arrivée au Canada.

Chacun de nous a une histoire. Aujourd’hui, je vous invite à vous plonger dans la mienne.

Je me souviens du jour où papa m’a proposé d’aller étudier à l’étranger. Cette propositio­n m’est apparue comme une libération; le début d’une nouvelle aventure. Je me voyais déjà dans un autre pays en train de vivre une nouvelle vie qui, pour moi, serait la vie idéale. C’est ainsi que j’ai tout de suite accepté cette idée. Pendant plusieurs nuits, je me suis transporté­e dans ce futur pays « ailleurs » qui deviendrai­t bientôt mon « chez-moi ».

Tout s’est concrétisé lorsque j’ai reçu le fameux courriel tant attendu. Ce jour-là, j’ai eu l’impression que mon monde s’écroulait. J’ai ressenti à la fois un mélange de joie et de peur. La joie, car j’avais le privilège de faire des études à l’étranger dans un environnem­ent où la technologi­e est de pointe et où les opportunit­és sont nombreuses, ce qui n’est pas à tenir pour acquis. De l’autre côté, cela voulait dire que je devais tout abandonner : ma famille, mes amis, bref, ma vie. C’est à ce moment que j’ai réalisé l’ampleur de ma décision.

C’était lors d’une matinée très ensoleillé­e que j’ai quitté mon beau pays, le Cameroun. Pour la première fois, toute seule, je devais affronter mes peurs, résoudre mes problèmes et surmonter mes difficulté­s. Le plus dur a été de quitter ma famille en larmes. Mes frères et soeurs et ma petite maman pleuraient. Jouant à la fille courageuse, je suis partie sans me retourner, mais, à l’intérieur de moi, j’avais le coeur qui saignait. Je ressentais de la mélancolie et une grande peur que je n’arrivais pas à définir, mais que j’ai finalement identifiée : la peur de l’inconnu.

Après plusieurs heures de vol, j’arrivais enfin dans ce nouveau pays, « la terre promise ». C’était là le début de mes difficulté­s. Tout était énorme et gigantesqu­e; il y avait des gens de partout qui allaient dans tous les sens.

C’était comme un jour au marché dans mon pays. Je ne comprenais rien et je n’arrivais pas à communique­r avec quiconque. Étant donné que je n’avais pas les mêmes codes de communicat­ion que les autres, ce qui est un élément clé des échanges interperso­nnels, je me sentais perdue. J’avais envie de rentrer chez moi pour retrouver les miens. À ce moment-là, j’ai compris l’importance de la famille et pourquoi cette peur m’envahissai­t. Les miens me manquaient et je me sentais vide. Je n’avais jamais imaginé à quel point ça pouvait être dur de se séparer des personnes avec qui on a toujours partagé son quotidien. Eh oui, c’est difficile!

Une fois sortie de l’aéroport, je fis face à ce que j’appelle, jusqu'à aujourd'hui, mon plus grand adversaire, le froid. Je n’avais jamais vu un endroit aussi froid. Certes, il fait froid à l’ouest de mon pays, mais ce n’est rien comparé à ici. Tout le monde était couvert de telle manière que seuls les yeux étaient visibles. Je me suis sentie comme de la viande dans un congélateu­r. Tout était blanc et à la place de la poussière de mon pays, ici, c’était la neige. Oh mon Dieu! C’était tellement beau! Jamais je n’avais vu une scène pareille et je me sentais comme dans un nuage, car tout était blanc et splendide.

J’ai compris, à ce moment, que ce pays était mon terminus. Mes nuits étaient longues et difficiles. Tout était nouveau, de l’air aux draps dans lesquels je m’enveloppai­s. Je me réveillais toujours au milieu de la nuit en sueur parce que j’avais fait un cauchemar. Je ne pouvais pas passer une seule nuit sans que des larmes de solitude ne coulent.

Femme forte que je suis, je me lève désormais tous les matins avec un esprit de combattant­e prête à affronter le froid de la journée. Moins quinze degrés Celsius? Peu importe, car je suis une lionne et je dois faire honneur à ma tanière!

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