Pourquoi il faut réviser la Loi sur les langues officielles
C’est à 2005 que remonte le dernier amendement à la Loi sur
les langues of icielles (la Loi), lorsqu’on y a inclus l’article 41(2) a in d’obliger les institutions fédérales de « prendre des mesures positives » pour appuyer l’épanouissement des commu‐ nautés de langue of icielle en situation minoritaire (CLOSM).
Le défunt sénateur Jean‐Robert Gauthier, auteur de l’amendement, avait longtemps milité pour celui‐ ci a in de « donner des dents » à une Loi qui en manquait souvent. Triste ironie du sort, c’est ce même article que la Cour fédérale a interprété comme étant à toutes ins pratiques une coquille vide, le 23 mai dernier, dans l’affaire opposant la Fédération des francophones de la Colombie‐ Britannique (FFCB) au gouvernement fédéral.
Rappelons brièvement les faits : La FFCB avait contesté l’effet de l’Entente entre le Canada et la Colombie-Britannique sur le développement du marché du
travail, signée en 2008, sur les services en français. Elle alléguait premièrement que, suite à la dévolution de certains services fédéraux vers la province, la qualité égale des services dans les deux langues of icielles avait souffert, contrairement aux exigences de la Partie IV de la Loi.
Le juge Gascon y oppose une in de non‐recevoir : le rôle du gouvernement fédéral dans le cadre de l’Entente étant princi‐ palement inancier, la Partie IV de la Loi ne s’appliquait pas aux
services offerts par la Province. La Province devait simplement respecter les clauses linguistiques prévues à l’entente, clauses qui sont souvent d’un laconisme notoire. En déléguant certaines de ses responsabilités aux provinces, le gouvernement fédéral élimine donc plusieurs de ses obligations linguistiques. Ce sont les communautés qui en souffrent, et la Loi n’y peut rien.
Mais il y a plus. La FFCB alléguait aussi une violation de la Partie VII de la Loi et de son article 41(2), puisqu’on avait omis de prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement des CLOSM dans le cadre de cette Entente.
Toutes les parties reconnais‐ saient que la Partie VII s’appliquait, et que des mesures positives s’imposaient. La Cour devait donc déterminer la portée de cette obligation. Plusieurs espéraient lire un jugement phare qui con irmerait le rôle réparateur de la Loi et l’interprétation large qu’on doit donner à ses dispositions.
À cet égard, le verdict est cinglant : le gouvernement satisfait à cette obligation de la Loi tant qu’une mesure – n’importe laquelle – a été prise. Il n’y a aucune obligation de consultation préalable, ni de pallier les effets négatifs d’une politique plus large. Seule restriction : la nouvelle mesure ne doit pas être négative! Bref, la Loi est édentée.
On peut déplorer cette interprétation indûment stricte des droits linguistiques, et ce sera aux avocats de la FFCB de
déterminer s’il y a matière à appel. Or le juge Gascon a le mérite d’être clair sur un aspect : si son raisonnement déçoit, c’est bien au législateur qu’il faut s’en prendre, lui qui n’a pas cru bon d’encadrer l’application de l’article 41(2) par voie de règlement, comme on s’y attendait. « Ce n’est pas à la Cour », nous rappelle le juge, « de mettre les chaussures du pouvoir exécutif et d’intervenir là où le gouvernement fédéral n’a pas voulu le faire ».
La balle est donc relancée sur la Colline du Parlement. Devant les inquiétudes maintes fois expri‐ mées au sujet de l’ambiguïté de la Partie VII et de l’absence de règles d’application, ministres et fonctionnaires saluaient plutôt la « lexibilité » qui leur permettait de tailler des programmes sur mesure, au béné ice des commu‐ nautés. Cette justi ication ne tient plus. La ministre du Patrimoine canadien, responsable de la mise en oeuvre de la Partie VII, doit s’engager à une révision.
Entre‐temps, le Comité perma‐ nent sénatorial des langues of icielles poursuit son étude sur une modernisation de fond en comble de la Loi.
Au gouvernement, maintenant, de mettre ses chaussures.
La sénatrice Raymonde Gagné, Manitoba Le sénateur André Pratte, Québec Le sénateur René Cormier, Nouveau‐Brunswick Le 1er juin 2018