La Liberté

L’intérêt de l’enfant prime

L’aliénation parentale est devenue un sujet de préoccupat­ion dans le système juridique voilà environ 10 ans. Force est de constater que sa définition reste encore floue car le concept qu’elle tente d’identifier se situe entre la justice et la santé mental

- Catherine DULUDE cdulude@la-liberte.mb.ca

Simplement expliquée, l’aliénation parentale c’est lorsqu’un enfant, sous l’influence d’un parent, dénigre et même exclut l’autre parent pour des raisons injustifia­bles. Mais la simplicité du concept s’arrête là.

D’entrée de jeu, Marianne Rivoalen, la juge en chef adjointe de la Cour du Banc de la Reine, Division de la famille, témoigne de la complexité du problème. « Ce sont des cas avec des niveaux de conflits très élevés entre les parents. Ces cas consomment beaucoup de ressources, non seulement judiciaire­s, mais aussi en santé, en service de police et de l’agence de protection à l’enfance. »

Il n’existe pas de liste de critères nécessaire­s pour identifier le problème, mais | celui-ci découle souvent d’un problème de santé mentale du parent fautif qui a ensuite des répercussi­ons graves chez l’enfant.

Des 3 000 à 4 000 cas de divorce qui sont entendus par année par la Division de la famille de la Cour du Banc de la Reine au Manitoba, seulement trois ou quatre relèvent d’aliénation parentale. Si ça semble peu, ce sont pourtant des cas énergivore­s. La Juge Rivoalen précise : « On dirait qu’on en a beaucoup, parce qu’ils consomment énormément de notre temps. Ce sont les cas les plus difficiles qu’on ait. » Les recours des parents aliénés diminuent à mesure que les enfants grandissen­t.

La cour peut renverser la garde d’un jeune enfant dont un parent dénigre, disqualifi­e, ou encore exclut l’autre. Mais comme l’affirme Marianne Rivoalen, cette procédure devient plus complexe lorsque l’enfant atteint l’adolescenc­e. « Si l’enfant a 12-13 ans, c’est quasiment trop tard, parce qu’il est trop affecté, il ne voudra pas avoir une relation avec l’autre parent. Ce sont des situations extrêmemen­t tristes parce qu’il n’y a pas grand chose que la Cour puisse faire. »

En effet, peu de recours existent. L’un d’entre eux serait d’ordonner une évaluation psychologi­que du parent qui aliène, ou encore d’impliquer l’Agence de la protection à l’enfance. Seuls de nombreux bris d’ordonnance­s de la cour pourraient mener à des actions punitives contre un parent.

Comme des amendes ou encore, mais très rarement, un emprisonne­ment de courte durée. La Juge rappelle toutefois que c’est l’intérêt de l’enfant qui prime. « Si l’enfant est assez âgé et voit que son parent est en prison, ce n’est pas une bonne chose, et il pourrait blâmer l’autre parent. C’est une question d’équilibre. »

L’aliénation parentale n’est pas sexospécif­ique. Mais Marianne Rivoalen note tout de même une tendance : « Je crois que c’est raisonnabl­e de dire qu’il y a plus de pères exclus parce que lorsque les enfants sont jeunes, c’est encore la mère qui a la garde principale des enfants. Mais il y a aussi des mères qui sont aliénées. »

Un divorce est déjà bouleversa­nt, pour ceux qui sont concernés. Une situation d’aliénation parentale subséquent­e peut être traumatisa­nte, tant pour l’enfant que pour le parent exclu.

D’expérience, la Juge insiste sur la nécessité d’intervenir vite pour limiter les dégâts. « Quand un parent commence à s’inquiéter que quelque chose ne va pas, il faut passer au tribunal, parce que la cour a le pouvoir de renverser la garde. C’est la meilleure chose à faire. Ça peut prendre un an et demi à régler. Mais au moins entre-temps, le parent peut demander une ordonnance provisoire. » Mais parfois, la cour ne peut rien faire. Alors il ne reste plus au parent aliéné qu’à attendre et espérer que son enfant, avec le temps, revienne vers lui.

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La juge en chef adjointe Marianne Rivoalen de la Cour du Banc de la Reine, Division de la famille.

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