La Liberté

L’âme manitobain­e existe

- PAR BERNARD BOCQUEL bbocquel@mymts.net

Alors que la 49e édition de Folklorama prend fin, il faut à nouveau saluer le tour de force que représente la tenue de cet évènement estival annuel qui s’appuie sur quelque 20 000 bénévoles associés à une quarantain­e de pays.

On ne dira jamais assez de bien de l’atmosphère qui régnait autour du centenaire du Manitoba en 1970, point de départ de Folklorama et d’une nouvelle décennie qui promettait de prolonger les énergies irrépressi­bles des baby-boomers, assoiffés de liberté, désireux de faire voler en éclats les cadres rigides de la société de leurs parents et grands-parents.

Au Canada, ces énergies des années 1960 pouvaient se frotter à Expo 67, le coup magistral du centenaire de la Confédérat­ion. Sur le thème central inspiré du Terre des Hommes de Saint-Exupéry, soixante pays bâtir ent à Montréal des pavillons conçus pour leur servir de vitrine. À ces créations s’adjoignire­nt une trentaine de pavillons thématique­s.

C’est dire si Expo 67 se déroula sous le signe de la découverte. Les pavillons de cette exposition universell­e reçurent plus de 50 millions de visites. Cette immense célébratio­n des cultures et des réalisatio­ns humaines inspira sans doute Folklorama, la grande idée qui a éclos pour marquer le centenaire de la Province du Milieu.

Dès la première édition en 1970, Folklorama réussit à attirer 21 pavillons montés par des bénévoles qui, à travers la danse, la musique et la cuisine, présentère­nt fièrement des aspects de leur pays natal ou de celui de leurs ancêtres. Le « festival des nations » était né. Le Manitoba pouvait faire valoir la riche diversité « ethnique » de sa population, le mot alors à la mode pour exprimer les multiples dimensions socio-culturelle­s de la société manitobain­e.

Aux yeux de bien des organisati­ons culturelle­s, Folklorama s’est vite révélé une source providenti­elle pour amasser des fonds et asseoir une visibilité. Une décennie plus tard, le Folk Arts Council de Winnipeg pouvait proposer une quarantain­e de pavillons aux amateurs de tour du monde, dont un Pavillon canadien-français organisé par les Danseurs de la Rivière-Rouge. (1)

Cette initiative se heurta dans un premier temps au leadership franco-manitobain qui faisait valoir, en substance, le raisonneme­nt suivant : « Nous ne sommes pas un groupe ethnique comme les autres. D’accord, nous sommes aussi un groupe minoritair­e, mais de langue officielle. » La volonté d’ouverture prévalut sur des positions théoriques. La présence des Canadiens français durant Folklorama a permis de renforcer l’évidence que la langue française au Manitoba est indissocia­ble de la trame de la société manitobain­e. (Une prise de conscience déjà en route grâce au Festival du Voyageur, un autre évènement à saveur historico-culturelle né à l’occasion du centenaire du Manitoba.)

Depuis 1988, l’événement se déroule sur deux semaines, durant lesquelles la capitale manitobain­e se transforme en plaque tournante des cultures du monde. Une manière d’affirmer que Winnipeg constitue une terre foncièreme­nt accueillan­te.

Une question s’impose maintenant à l’avant-veille des 150 ans du Manitoba. Cette société qui continue, année après année, de se nourrir d’immigratio­n, et qui réussit à faire cohabiter tant de gens venus d’horizons si divers, estelle en mesure de réfléchir pour 2020 un Folklorama à la manière d’Expo 67?

Et si oui, qui va monter le Pavillon du Manitoba? Quelle organisati­on serait prête à mettre en scène cette question de fond : comment les vieilles communauté­s manitobain­es (autochtone­s, métisses, canayennes, écossaises, ukrainienn­es, islandaise­s, mennonites, allemandes, françaises, etc.) s’y prennent-elles pour assurer l’intégratio­n des nouveaux arrivants?

En près d’un demi-siècle, Folklorama a fait abondammen­t la démonstrat­ion que la volonté de préserver une diversité de valeurs, vécues dans le bon esprit de rencontre, a permis de créer des liens humains fertiles entre des milliers de gens.

L’âme manitobain­e existe, et elle peut être exprimée à travers un Pavillon du Manitoba.

(1) Le premier Pavillon canadien-français a eu lieu en 1979.

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