La Liberté

Un ministre économiste veut faire de la pauvreté un enjeu électoral fédéral

- MICHEL LAGACÉ mlagace@la-liberte.mb.ca

Le Deutéronom­e, un des livres de la Torah, commandait ainsi le comporteme­nt à adopter envers la pauvreté : « Les pauvres ne disparaîtr­ont point de ce pays; aussi je te donne ce commandeme­nt : Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays. » Depuis deux siècles, des révolution­s industriel­les et technologi­ques ont permis à l’humanité de produire des biens à un rythme autrefois inimaginab­le, permettant à des population­s entières d’échapper à la pauvreté.

Un des grands économiste­s du vingtième siècle, John Kenneth Galbraith, affirmait, dans son best-seller de 1958

The Affluent Society, que la capacité de production des sociétés riches pouvait répondre à leurs besoins pour la première fois dans l’histoire humaine. La pauvreté généralisé­e de ces sociétés ayant été éliminée, seule une minorité se trouvait dans le besoin. Galbraith, comme bien d’autres après lui, dénonçait alors la persistanc­e de la pauvreté dans les sociétés où régnait l’abondance. Plus récemment, en 2013, l’économiste français Thomas Piketty documentai­t, dans son livre Le capital au

XXIe siècle, la tendance d’une minorité de très riches à s’approprier la quasi-totalité des richesses planétaire­s.

Nombreux sont les économiste­s qui ont réfléchi sur la pauvreté au fil des ans. L’économiste canadien JeanYves

Duclos, un ancien professeur et directeur du départemen­t d’économie de l’Université Laval, est de ceux-là.

Devenu ministre de la Famille, des Enfants et du Développem­ent social en 2015, il annonçait le

mois dernier la première stratégie canadienne de réduction de la pauvreté. Économiste rigoureux, il proposait des cibles quantifiab­les : 850 000 personnes sortiraien­t de la pauvreté d’ici 2020, et 2,1 millions d’ici 2030.

Pour atteindre ces cibles, le gouverneme­nt compte sur des budgets déjà annoncés qui s’échelonner­ont sur plusieurs années, comme la stratégie nationale de logement, un plan de dix ans et de 40 milliards de dollars annoncé dans le budget de 2017. On aura compris qu’à défaut de nouveau financemen­t, le gouverneme­nt mise sur la coordinati­on de programmes existants qui, d’eux-mêmes, sont censés réaliser des objectifs ambitieux.

Malgré l’absence de fonds additionne­ls, la stratégie de réduction de la pauvreté présente quelques éléments nouveaux. Elle établit pour la première fois un seuil officiel de pauvreté basé sur le coût d’un « panier » de biens et de services adapté à 50 régions et villes différente­s, et à différente­s tailles de familles. La stratégie comprend aussi la mise sur pied d’un conseil consultati­f, et tout progrès sera décrit dans un rapport annuel déposé au Parlement.

Ainsi, le gouverneme­nt envisage de faire de la pauvreté un enjeu politique. D’année en année, les Canadiens pourraient donc porter un jugement sur sa performanc­e et évaluer jusqu’à quel point ils ont collective­ment respecté la loi énoncée dans le Deutéronom­e.

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