Langues officielles : la tiédeur de Trudeau dénoncée
L’engagement du gouvernement Trudeau pour moderniser la Loi sur les langues officielles, ne convainc pas du tout les militants du dossier.
Interrogé en Chambre le 6 juin par le député conservateur de Beauport-Limoilou (Québec) et vice-président du Comité permament des Langues officielles Alupa Clarke, le Premier ministre Trudeau s’est engagé à moderniser la Loi sur les langues
officielles de 1969. La dernière révision remonte à 1988.
Le 18 juillet, lors d’un remaniement ministériel, Justin Trudeau a enlevé le Patrimoine canadien à Mélanie Joly, et lui a confié le ministère du Tourisme, des Langues officielles et de La Francophonie. On se rappelera que de 1969 à 1993, les langues officielles étaient la responsabilité du Secrétariat d’État. Créé en 1993, Patrimoine canadien avait ensuite assumé la responsabilité des langues officielles. Lors de ce dernier remaniement, les langues officielles ont été séparées du ministère du Patrimoine canadien.
Le 28 août, Mélanie Joly a reçu sa lettre de mandat, où il est question de « commencer un examen dans le but de moderniser la Loi sur les langues officielles ».
Une phrase lourde de conséquences, selon Jean Johnson, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : « Il est beaucoup trop tard dans l’agenda législatif pour vouloir tout simplement commencer. En fait, la grande partie du travail a déjà été faite. La FCFA finalise son ébauche d’un projet de loi pour moderniser la Loi, que nous présenterons à la ministre Joly à la fin novembre. « D’autre part, alors qu’elle était ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly avait effectué une consultation pancanadienne des communautés francophones. Elle connaît nos besoins, et le potentiel impact positif d’une Loi modernisée pour nous. « Ce qu’on veut, c’est un engagement sérieux qui permettrait de faire de très grandes avancées. La Chambre des communes pourrait faire adopter un projet de loi avant la prochaine élection fédérale. Si la volonté politique y était. La tiédeur actuelle est décevante, et inacceptable. »
Raymond Théberge, le Commissaire aux langues officielles, se dit également déçu : « On aurait apprécié un
échéancier plus court. Nous avons effectué 43 consultations auprès de 4 000 Canadiens. Nos recommandations seront présentées cet automne. On aurait pu aisément envisager que le dossier avance rapidement. Mais on doit faire face à la réalité politique, et vivre avec ce qui nous est imposé. » La sénatrice manitobaine indépendante Raymonde Gagné, membre du Comité sénatorial permanent sur les Langues officielles, déplore l’attitude du Fédéral : « Je doute qu’on verra une Loi modernisée avant les prochaines élections, malgré le fait que notre comité déposera son rapport au printemps. L’engagement n’est pas aussi ferme que je l’aurais souhaité. On peut du moins se consoler de savoir qu’il était inexistant en octobre 2015, lors de l’élection du gouvernement Trudeau.
« Je déplore particulièrement le fait qu’il n’y ait aucune mention des langues officielles dans la lettre de mandat de Pablo Rodriguez, le nouveau ministre du Patrimoine canadien. M. Rodriguez doit revoir les lois fédérales sur la radiodiffusion. Il a le dossier du virage numérique des médias. On lui demande explicitement de travailler avec le ministre des Finances pour appuyer le journalisme local. Mais aucune mention de la ministre Joly. Pourtant, les langues officielles ont un rôle énorme à jouer dans son travail. »
L’ancienne sénatrice libérale manitobaine Maria Chaput ne cache pas sa déception : « On ne
devrait pas avoir à pousser le Fédéral pour qu’il respecte ses obligations. Justin Trudeau pourrait être beaucoup plus fort quand il parle des langues officielles. Il lui a fallu une question de la part d’un député de l’Opposition pour réagir. Pourtant, c’est lui qui aurait dû prendre les devants. Où sont ses convictions? Quelle est sa vision du Canada? « Surtout qu’il n’y a vraiment pas de choix que de moderniser la Loi sur les langues officielles après le jugement du 23 mai de la Cour fédérale. Parce qu’elle a rejeté la demande de la Fédération des francophones de la ColombieBritannique, qui reprochait au Fédéral d’avoir oublié ses obligations linguistiques en transférant aux provinces les services d’aide à l’emploi, en 2008. Dans pareil contexte, j’aimerais encore croire à la volonté politique. Mais la Loi n’est certainement pas une grande priorité du gouvernement. »
Daniel Vandal, le député fédéral libéral de SaintBoniface/Saint-Vital, a fait savoir par courriel qu’il y a « des questions qui se posent au sujet des lettres de mandat ». « Je n’ai pas eu l’occasion de parler à la ministre Joly depuis que les lettres de mandat ont été publiées. Je connais la ministre Joly et j’ai travaillé de près avec elle depuis quelques années. Elle a toujours été à l’écoute des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Je suis confiant qu’elle le sera toujours dans ce nouveau poste. »