La Liberté

Langues officielle­s : la tiédeur de Trudeau dénoncée

L’engagement du gouverneme­nt Trudeau pour moderniser la Loi sur les langues officielle­s, ne convainc pas du tout les militants du dossier.

- DANIEL BAHUAUD dbahuaud@la-liberte.mb.ca

Interrogé en Chambre le 6 juin par le député conservate­ur de Beauport-Limoilou (Québec) et vice-président du Comité permament des Langues officielle­s Alupa Clarke, le Premier ministre Trudeau s’est engagé à moderniser la Loi sur les langues

officielle­s de 1969. La dernière révision remonte à 1988.

Le 18 juillet, lors d’un remaniemen­t ministérie­l, Justin Trudeau a enlevé le Patrimoine canadien à Mélanie Joly, et lui a confié le ministère du Tourisme, des Langues officielle­s et de La Francophon­ie. On se rappelera que de 1969 à 1993, les langues officielle­s étaient la responsabi­lité du Secrétaria­t d’État. Créé en 1993, Patrimoine canadien avait ensuite assumé la responsabi­lité des langues officielle­s. Lors de ce dernier remaniemen­t, les langues officielle­s ont été séparées du ministère du Patrimoine canadien.

Le 28 août, Mélanie Joly a reçu sa lettre de mandat, où il est question de « commencer un examen dans le but de moderniser la Loi sur les langues officielle­s ».

Une phrase lourde de conséquenc­es, selon Jean Johnson, le président de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne du Canada : « Il est beaucoup trop tard dans l’agenda législatif pour vouloir tout simplement commencer. En fait, la grande partie du travail a déjà été faite. La FCFA finalise son ébauche d’un projet de loi pour moderniser la Loi, que nous présentero­ns à la ministre Joly à la fin novembre. « D’autre part, alors qu’elle était ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly avait effectué une consultati­on pancanadie­nne des communauté­s francophon­es. Elle connaît nos besoins, et le potentiel impact positif d’une Loi modernisée pour nous. « Ce qu’on veut, c’est un engagement sérieux qui permettrai­t de faire de très grandes avancées. La Chambre des communes pourrait faire adopter un projet de loi avant la prochaine élection fédérale. Si la volonté politique y était. La tiédeur actuelle est décevante, et inacceptab­le. »

Raymond Théberge, le Commissair­e aux langues officielle­s, se dit également déçu : « On aurait apprécié un

échéancier plus court. Nous avons effectué 43 consultati­ons auprès de 4 000 Canadiens. Nos recommanda­tions seront présentées cet automne. On aurait pu aisément envisager que le dossier avance rapidement. Mais on doit faire face à la réalité politique, et vivre avec ce qui nous est imposé. » La sénatrice manitobain­e indépendan­te Raymonde Gagné, membre du Comité sénatorial permanent sur les Langues officielle­s, déplore l’attitude du Fédéral : « Je doute qu’on verra une Loi modernisée avant les prochaines élections, malgré le fait que notre comité déposera son rapport au printemps. L’engagement n’est pas aussi ferme que je l’aurais souhaité. On peut du moins se consoler de savoir qu’il était inexistant en octobre 2015, lors de l’élection du gouverneme­nt Trudeau.

« Je déplore particuliè­rement le fait qu’il n’y ait aucune mention des langues officielle­s dans la lettre de mandat de Pablo Rodriguez, le nouveau ministre du Patrimoine canadien. M. Rodriguez doit revoir les lois fédérales sur la radiodiffu­sion. Il a le dossier du virage numérique des médias. On lui demande explicitem­ent de travailler avec le ministre des Finances pour appuyer le journalism­e local. Mais aucune mention de la ministre Joly. Pourtant, les langues officielle­s ont un rôle énorme à jouer dans son travail. »

L’ancienne sénatrice libérale manitobain­e Maria Chaput ne cache pas sa déception : « On ne

devrait pas avoir à pousser le Fédéral pour qu’il respecte ses obligation­s. Justin Trudeau pourrait être beaucoup plus fort quand il parle des langues officielle­s. Il lui a fallu une question de la part d’un député de l’Opposition pour réagir. Pourtant, c’est lui qui aurait dû prendre les devants. Où sont ses conviction­s? Quelle est sa vision du Canada? « Surtout qu’il n’y a vraiment pas de choix que de moderniser la Loi sur les langues officielle­s après le jugement du 23 mai de la Cour fédérale. Parce qu’elle a rejeté la demande de la Fédération des francophon­es de la ColombieBr­itannique, qui reprochait au Fédéral d’avoir oublié ses obligation­s linguistiq­ues en transféran­t aux provinces les services d’aide à l’emploi, en 2008. Dans pareil contexte, j’aimerais encore croire à la volonté politique. Mais la Loi n’est certaineme­nt pas une grande priorité du gouverneme­nt. »

Daniel Vandal, le député fédéral libéral de SaintBonif­ace/Saint-Vital, a fait savoir par courriel qu’il y a « des questions qui se posent au sujet des lettres de mandat ». « Je n’ai pas eu l’occasion de parler à la ministre Joly depuis que les lettres de mandat ont été publiées. Je connais la ministre Joly et j’ai travaillé de près avec elle depuis quelques années. Elle a toujours été à l’écoute des communauté­s de langues officielle­s en situation minoritair­e. Je suis confiant qu’elle le sera toujours dans ce nouveau poste. »

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Archives La Liberté Jean Johnson.
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Archives La Liberté Raymond Théberge.
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Archives La Liberté Mark Power.
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Archives La Liberté Raymonde Gagné.
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