La Liberté

Le machiavéli­sme de Brian Pallister

- Michel LAGACÉ mlagace@la-liberte.mb.ca

L’écrivain Oscar Wilde a fait dire à un de ses personnage­s qu’un cynique était une personne qui connaissai­t le prix de tout et la valeur de rien. Le gouverneme­nt de Brian Pallister vient d’en donner un exemple frappant quand, sous prétexte de bien gérer les fonds publics, il a annoncé l’éliminatio­n de 11 postes de traducteur­s.

Dans la foulée de sa décision d’abolir le poste de sous-ministre adjoint du Bureau de l’éducation française, Brian Pallister s’est convaincu qu’il pourrait obtenir plus de pages traduites avec moins de traducteur­s, supposémen­t parce que l’usage de pigistes coûterait moins cher. Cette décision n’est basée sur aucune donnée, mais plutôt sur un acte de foi de sa part. Et elle laisse entendre que les traducteur­s actuels sont moins efficaces et moins performant­s que des pigistes.

Cette dernière coupure menace la qualité des traduction­s et l’uniformité dans la terminolog­ie en éliminant un noyau fort et compétent de traducteur­s. De plus, le gouverneme­nt se prive d’une équipe capable d’assurer la formation de traducteur­s et d’agir comme conseiller­s linguistiq­ues qui encadrent le travail des pigistes.

Le gouverneme­nt ne s’est manifestem­ent pas donné la peine de considérer les conséquenc­es sociales et culturelle­s de sa décision. Il réduit les possibilit­és pour les nouveaux diplômés en traduction d’acquérir de l’expérience dans leur profession. Cette réduction de débouchés menace directemen­t la capacité de l’Université de Saint-Boniface de recruter et de former de nouveaux traducteur­s qui sont une richesse pour la francophon­ie manitobain­e. Car cette francophon­ie a besoin de profession­nels qui assurent la qualité du français et qui peuvent en même temps obtenir des emplois rémunérate­urs au Manitoba même.

Le machiavéli­sme du gouverneme­nt Pallister ne pourrait pas être plus flagrant. En 1890, le gouverneme­nt du Manitoba a aboli l’usage du français dans les tribunaux et à la législatur­e. La cour suprême du Canada a renversé cette décision inconstitu­tionnelle et, en 1985, elle a exigé la traduction des lois. Sans manifester la moindre honte, le gouverneme­nt provincial a demandé que le gouverneme­nt fédéral défraie les coûts de traduction des lois alors en vigueur. Voilà comment il a déjà fait des économies en traduction pendant 95 ans.

La décision de Brian Pallister vient s’ajouter à celle de Doug Ford de l’Ontario qui renie sa promesse d’une université francophon­e. Ces deux premiers ministres esquivent ainsi le grand défi du pays, celui de respecter les ententes qui ont permis à la fédération canadienne de voir le jour et de chercher à créer l’unité dans sa diversité. Les deux cyniques refusent de relever ce défi fondamenta­l tout en alléguant qu’ils travaillen­t pour le bien-être des contribuab­les. Ils prétendent bien connaître le coût des services en français, mais ils sont surtout ignorants de leur valeur.

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