Un coup dur pour la traduction en français au Manitoba
Madame la rédactrice, L’Association des traducteurs, terminologues et interprètes du Manitoba (ATIM) tient à exprimer sa profonde déception et son désaccord total face à la décision annoncée le 26 novembre dernier par le gouvernement Pallister d’abolir 11 postes au Service de traduction du Manitoba. L’annonce entraînera la mise à pied de sept traducteurs d’expérience à temps plein (dont cinq membres agréés de l’ATIM) ainsi que la suppression de quatre postes vacants.
Le Service de traduction a le mandat de traduire de l’anglais vers le français, et vice-versa, l’ensemble des communications émanant des ministères de la Province, y compris en éducation. Le Service joue donc un rôle essentiel dans la livraison des services gouvernementaux à la population francophone du Manitoba. Le gouvernement du Manitoba prétend vouloir « renforcer » les services de traduction de la province en ayant recours exclusivement à des traducteurs pigistes. À notre avis, cette décision aura l’effet contraire.
À l’ATIM, nous ne sommes pas opposés à l’idée de recourir à des traducteurs indépendants — bien au contraire, puisque nous en comptons plusieurs parmi nos rangs —, mais nous savons pertinemment qu’il est imprudent pour un service de traduction de ne miser que sur le travail de pigistes. Bien qu’il soit raisonnable de penser que cette mesure pourrait possiblement entraîner une production annuelle accrue, il est illusoire de penser qu’elle permettra de « renforcer » les services offerts aux Manitobains. Un juste milieu s’impose entre qualité et quantité.
En supprimant son équipe interne de traducteurs, le gouvernement Pallister risque plutôt de miner la qualité des services offerts, tant sur le plan de la justesse de la langue que de l’uniformité et de l’adaptation à notre réalité. Dans ce nouveau modèle, qui s’occupera au juste de l’assurance de la qualité? Qui protègera la qualité des manuels scolaires de vos enfants? Qui veillera à la clarté et à la précision des textes que votre hôpital vous offre? Qui fera en sorte que les francophones aient accès à un message de qualité égale? Compte tenu du volume de travail attendu, il est évident que le réviseur en chef qui survivra aux compressions ne pourra à lui seul assumer ne serait-ce qu’une fraction de cette tâche.
En outre, il est à se demander si le budget de pige sera maintenu au fil des ans, selon l’humeur du moment et la couleur du gouvernement en place. Mentionnons également qu’aucune garantie n’a été donnée par le gouvernement quant à la provenance des fournisseurs. Rien n’indique que les pigistes qui prendront le relai seront au Manitoba. En ce qui concerne la relève, la suppression de postes de traducteurs salariés au gouvernement du Manitoba risque de fragiliser le programme de baccalauréat en traduction de l’Université de Saint-Boniface en réduisant les possibilités de stage et les débouchés offerts aux futurs diplômés. Nous savons d’expérience qu’il est en effet extrêmement difficile pour un jeune diplômé sans expérience d’entreprendre sa carrière en tant que pigiste. Un grand nombre de nos membres ont d’ailleurs pu faire des stages en début de carrière dans des milieux tels que celui du service de traduction provincial et pourront certainement témoigner du rôle indispensable de cet encadrement.
Bref, quel message envoie-t-on aux futurs diplômés de l’USB ainsi qu’aux élèves de la DSFM et des écoles d’immersion de la province qui s’intéressent à la profession? Comment encadrerons-nous la prochaine génération de traducteurs manitobains si une grande partie des connaissances professionnelles disparaissent?
Il est évident que cette annonce représente un coup dur pour le secteur de la traduction au Manitoba et pour la francophonie. Au nom de l’ensemble de nos membres, nous tenons à exprimer notre appui et notre solidarité envers les traducteurs touchés. Nous enjoignons aussi à nos représentants élus et aux chefs de file de la communauté à s’interroger sur le bien-fondé de cette décision et à faire valoir les droits linguistiques des Manitobains.