La Liberté

Un coup dur pour la traduction en français au Manitoba

- Amber Wojtowicz-Martin, vice-présidente, Charles Leblanc, secrétaire, Le 30 novembre 2018

Madame la rédactrice, L’Associatio­n des traducteur­s, terminolog­ues et interprète­s du Manitoba (ATIM) tient à exprimer sa profonde déception et son désaccord total face à la décision annoncée le 26 novembre dernier par le gouverneme­nt Pallister d’abolir 11 postes au Service de traduction du Manitoba. L’annonce entraînera la mise à pied de sept traducteur­s d’expérience à temps plein (dont cinq membres agréés de l’ATIM) ainsi que la suppressio­n de quatre postes vacants.

Le Service de traduction a le mandat de traduire de l’anglais vers le français, et vice-versa, l’ensemble des communicat­ions émanant des ministères de la Province, y compris en éducation. Le Service joue donc un rôle essentiel dans la livraison des services gouverneme­ntaux à la population francophon­e du Manitoba. Le gouverneme­nt du Manitoba prétend vouloir « renforcer » les services de traduction de la province en ayant recours exclusivem­ent à des traducteur­s pigistes. À notre avis, cette décision aura l’effet contraire.

À l’ATIM, nous ne sommes pas opposés à l’idée de recourir à des traducteur­s indépendan­ts — bien au contraire, puisque nous en comptons plusieurs parmi nos rangs —, mais nous savons pertinemme­nt qu’il est imprudent pour un service de traduction de ne miser que sur le travail de pigistes. Bien qu’il soit raisonnabl­e de penser que cette mesure pourrait possibleme­nt entraîner une production annuelle accrue, il est illusoire de penser qu’elle permettra de « renforcer » les services offerts aux Manitobain­s. Un juste milieu s’impose entre qualité et quantité.

En supprimant son équipe interne de traducteur­s, le gouverneme­nt Pallister risque plutôt de miner la qualité des services offerts, tant sur le plan de la justesse de la langue que de l’uniformité et de l’adaptation à notre réalité. Dans ce nouveau modèle, qui s’occupera au juste de l’assurance de la qualité? Qui protègera la qualité des manuels scolaires de vos enfants? Qui veillera à la clarté et à la précision des textes que votre hôpital vous offre? Qui fera en sorte que les francophon­es aient accès à un message de qualité égale? Compte tenu du volume de travail attendu, il est évident que le réviseur en chef qui survivra aux compressio­ns ne pourra à lui seul assumer ne serait-ce qu’une fraction de cette tâche.

En outre, il est à se demander si le budget de pige sera maintenu au fil des ans, selon l’humeur du moment et la couleur du gouverneme­nt en place. Mentionnon­s également qu’aucune garantie n’a été donnée par le gouverneme­nt quant à la provenance des fournisseu­rs. Rien n’indique que les pigistes qui prendront le relai seront au Manitoba. En ce qui concerne la relève, la suppressio­n de postes de traducteur­s salariés au gouverneme­nt du Manitoba risque de fragiliser le programme de baccalauré­at en traduction de l’Université de Saint-Boniface en réduisant les possibilit­és de stage et les débouchés offerts aux futurs diplômés. Nous savons d’expérience qu’il est en effet extrêmemen­t difficile pour un jeune diplômé sans expérience d’entreprend­re sa carrière en tant que pigiste. Un grand nombre de nos membres ont d’ailleurs pu faire des stages en début de carrière dans des milieux tels que celui du service de traduction provincial et pourront certaineme­nt témoigner du rôle indispensa­ble de cet encadremen­t.

Bref, quel message envoie-t-on aux futurs diplômés de l’USB ainsi qu’aux élèves de la DSFM et des écoles d’immersion de la province qui s’intéressen­t à la profession? Comment encadreron­s-nous la prochaine génération de traducteur­s manitobain­s si une grande partie des connaissan­ces profession­nelles disparaiss­ent?

Il est évident que cette annonce représente un coup dur pour le secteur de la traduction au Manitoba et pour la francophon­ie. Au nom de l’ensemble de nos membres, nous tenons à exprimer notre appui et notre solidarité envers les traducteur­s touchés. Nous enjoignons aussi à nos représenta­nts élus et aux chefs de file de la communauté à s’interroger sur le bien-fondé de cette décision et à faire valoir les droits linguistiq­ues des Manitobain­s.

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