Quand la peine de prison consolide la Loi-Idole
Depuis 2011, les juges canadiens qui doivent prononcer une peine d’emprisonnement peuvent addi onner les périodes d'inadmissibilité à la libéra on condi onnelle dans le cas de meurtres mul ples. Alexandre Bissonne e, auteur de l’a entat à la Grande Mosquée de Québec, a été condamné selon ce e règle : il a écopé d’une peine de prison à vie sans possibilité de libéra on avant 40 ans. Ses avocats avaient demandé que ce e possibilité puisse intervenir après 25 ans de prison; et ceux de la Couronne à par r de 150 ans.
Le juge François Huot a jus fié sa décision en faisant valoir que les gestes de l’accusé ont « entraîné une déchirure de notre ssu social », mais qu’heureusement, la popula on s’est mobilisée « pour apporter réconfort et sou en aux familles éprouvées, dénoncer la barbarie et réitérer leur foi dans les valeurs gouvernant notre société libre et démocra que ».
On entend souvent que la prison, plus humaine qu’avant, peut servir à l’éduca on, à la réinser on
sociale, à l’émancipa on. Mais l’explica on du juge Huot donne plutôt raison au philosophe Michel Foucault qui explique, dans Surveiller et
punir, publié en 1975, que les démocra es font de la Loi une idole qu’il ne faut surtout pas enfreindre. Et pour laquelle la surveillance devient une priorité. La prison est donc une surveillance surajoutée qui sert à dissuader ceux qui n’ont pas respecté la Loi. La peine devient alors ce e chose mystérieuse, subie derrière les murs pour que la LoiIdole, elle aussi quelque peu mystérieuse, conserve toute son efficacité.
Si le juge Huot a refusé la demande de la Couronne, c’est parce qu’une peine « dépassant l’espérance de vie d’Alexandre Bissonne e risque fort, par son caractère absurde, de perdre ses a ributs de dénoncia on et dissuasion et de jeter le discrédit sur l’administra on de la jus ce. » Le juge a aussi men onné que ça aurait contrevenu à la dignité humaine, mais surtout que ça aurait discrédité la Loi, conçue pour normaliser les individus.