La Liberté

Les murs d’écoles ont du pouvoir

- MATHILDE ERRARD merrard@la-liberte.mb.ca

Les enfants ont repris le chemin de l’école et sont certaineme­nt passés devant quelques affiches accrochées sur les murs. Gail Cormier en a fait son sujet de thèse. La professeur­e adjointe à la Faculté d’éducation de l’université de Saint-boniface en a conclu que les affichages dans les écoles jouent un rôle important dans l’apprentiss­age du français.

Que peuvent nous apprendre les murs des écoles sur la place et l’apprentiss­age de la francophon­ie dans un établissem­ent? Gail Cormier, professeur­e adjointe à la Faculté d’éducation de l’université de Saint-boniface, a observé les murs des écoles, justement. Ils ont été le sujet de sa thèse à l’université du Manitoba, réalisée entre 2013 et 2018.

Pendant trois mois de terrain, elle a foulé les couloirs de trois écoles de Winnipeg : une de la Division scolaire francomani­tobaine (DSFM), une autre en immersion à simple voie et un autre établissem­ent en immersion à double voie. Elle y a pris en photo et observé scrupuleus­ement les affiches, les panneaux et tous les genres de signaux écrits.

La doctorante, diplômée l’an dernier, retient cet enseigneme­nt: « Les élèves doivent davantage participer à la création des affichages dans leur école. »

Les petites annonces, les écriteaux sur les portes des salles

de bains, les panneaux sur les portes des salles de classe ou encore de la bibliothèq­ue : nous passons devant sans parfois y prêter attention ou en survolant les informatio­ns. Pourtant, ils sont des atouts pour l’apprentiss­age du français des élèves. « Il faut qu’ils créent des annonces pour leur vente de pâtisserie, de calendrier­s ou d’autres affiches qui les impliquent davantage dans la vie de leur école. Qu’ils vivent une relation positive avec le français et qu’ils utilisent la langue en dehors du cadre académique, avec du vocabulair­e de tous les jours. La langue deviendra dans ce cas utile avec un vrai besoin communicat­if. »

Réaliser des affiches permet aussi aux élèves de pratiquer leur français et d’enrichir leur vocabulair­e.

Le travail de la trentenair­e révèle aussi la philosophi­e des établissem­ents vis-à-vis du français. Elle a réalisé des statistiqu­es sur les affiches présentes dans les établissem­ents au moment de sa thèse. Premièreme­nt, dans celui de la DSFM : 64 % des panneaux et signaux sont en français, 22 % en anglais, 12 % sont bilingues et 2 % n’ont pas de texte.

Gail Cormier fait donc remarquer que l’anglais est présent dans les trois écoles, même à la DSFM. « Pendant les entretiens avec des élèves de 11e année pour ma recherche, l’un d’eux, inscrits dans l’établissem­ent de la DSFM, affirmait que tous les panneaux de son école étaient en français. Mais c’est faux! L’élève s’est créé un espace francophon­e qui n’existe pas. En même temps, on remarque que l’identité de son école est très marquée dans les pensées et la perception de cet adolescent. »

Deuxièmeme­nt, dans l’école d’immersion à double voie, c’est le schéma opposé de la DSFM : 63 % des signaux sont en anglais et 15 % en français, 17 % sont bilingues et 5 % viennent d’autres langues.

Dans ce genre d’établissem­ent, l’immersion est une section dans l’école anglophone. « Ce n’est pas une grande surprise. La majorité des élèves suivent le programme régulier en anglais et 20 % sont inscrits en immersion. En fait, le pourcentag­e d’affichage en français correspond à peu près au nombre d’élèves d’immersion. »

La professeur­e nuance tout de même : « Le français devrait plutôt avoir un statut à part entière dans ces écoles à double voie. Par exemple, les élèves en immersion devraient avoir le droit de faire de la publicité en français pour leurs activités. Ils m’ont dit : On doit rédiger nos annonces en anglais parce que les autres élèves ne comprendra­ient pas. Ma réponse serait plutôt : Ayons des affiches dans les deux langues! »

Et, troisièmem­ent, à l’école d’immersion à simple voie, 44 % des affichages sont en français, 37 % en anglais, 16 % bilingues et 3 % sont en espagnol. Ces chiffres sont liés aux réactions des élèves de cette école interrogés pour la thèse, explique-t-elle : « Les élèves reconnaiss­aient l’importance de l’affichage en anglais dans leur école. Ils me disaient : C’est pour que nos parents comprennen­t les informatio­ns. » Gail Cormier conclut que globalemen­t, « dans un contexte minoritair­e, il faut s’assurer que la communicat­ion soit le plus possible en français dans l’établissem­ent. Pour la majorité des élèves, l’école est le seul endroit où ils parlent en français. »

La chercheuse souligne que les élèves sont très sensibles et conscients du pouvoir et des symbolique­s que peuvent porter tous les genres d’affichages dans leur école. Elle les avait exposés à différente­s photos prises dans leurs écoles. L’une d’elles a suscité beaucoup de réactions.

« C’était un panneau plastifié dans l’école d’immersion à double voie. Il avait été acheté par l’équipe pédagogiqu­e. On pouvait y lire des Bienvenue, écrits dans toutes les langues, de différente­s couleurs et différente­s tailles. Le Welcome était tout en haut, en rouge, en plus grosses lettres que le reste. Le Bienvenueé­tait écrit en petit en bas, à gauche de l’affiche. Certains élèves ont fait remarquer que nous étions dans un pays bilingue, mais que l’anglais était davantage mis en valeur.

« Il faut écouter les élèves. On pourrait penser au premier abord qu’ils préférèren­t que tout soit en anglais, parce que c’est plus facile. Pourtant, même s’ils parlent anglais dans leur salle de classe et en dehors de l’école, ils ont vraiment conscience du lien entre l’apprentiss­age et l’affichage dans leur école. »

 ?? Photo : Mathilde Errard ?? Gail Cormier est l’auteure d’une thèse sur tout ce qui touche à l’affichage dans une école de la DSFM et de deux en immersion. Elle est aujourd’hui professeur­e adjointe à la Faculté d’éducation de l’université de Saint-boniface.
Photo : Mathilde Errard Gail Cormier est l’auteure d’une thèse sur tout ce qui touche à l’affichage dans une école de la DSFM et de deux en immersion. Elle est aujourd’hui professeur­e adjointe à la Faculté d’éducation de l’université de Saint-boniface.
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