DANIQUE SE RECONSTRUIT
Danique Dupuis a passé plus de deux ans en Saskatchewan pour retrouver l’usage de ses membres inférieurs après un accident de motoneige.
La rééducation est longue mais la thérapie innovante qu’elle a suivie à Régina s’est exportée dans un tout nouveau centre à Winnipeg.
Un nouveau centre de rééducation spécialisé dans les troubles neuromusculaires, First Steps, a ouvert à Winnipeg à la fin d’août. La nouveauté : rééduquer les muscles paralysés des clients en situation de handicap.
Rencontre avec son directeur Shane Hartje, la patiente Danique Dupuis, et son père Raynald Dupuis.
Le First Steps Wellness Centre est un peu caché dans une zone industrielle, au Nord de Winnipeg. Danique Dupuis nous ouvre la porte sur une grande salle aux murs blancs, qui sent encore la peinture fraîche. Des tapis et des machines ont été installés et au fond, une pièce est encore en travaux.
C’est dans ce tout nouveau centre, ouvert fin août, que la jeune femme de 20 ans poursuit sa rééducation. Elle est devenue paraplégique suite à un accident de motoneige en 2017. Elle ne peut plus se servir de ses membres inférieurs à partir de sa poitrine et doit donc se déplacer en fauteuil roulant.
Le centre First Steps à Winnipeg est un organisme à but non lucratif. Il a été créé selon le même modèle et la même philosophie que celui de Régina, le premier du genre au Canada. Il a ouvert en 2010. Elle raconte :« les thérapeutes travaillent les parties du corps fonctionnelles, mais aussi les muscles paralysés. L’équipe a en tête cette idée : Ok, voyons si tes muscles endormis peuvent se réveiller ».
L’idée d’ouvrir un centre dans la capitale manitobaine a germé dans la tête de Shane Hartje, le directeur général du centre. Il y a environ trois ans cet ancien entrepreneur en construction et en rénovation, installé au Manitoba, devient paraplégique à la suite d’un accident de motocross. Au moment de son accident, aucun centre du genre n’existait dans la province. Alors, il a décidé de partir à Régina pour suivre ce programme de rééducation novateur. Il y est resté un mois, raconte-t-il, « cela m’a coûté 3 000 $ entre les hôtels et les condos que j’ai dû louer sur place. J’étais frustré, parce que je n’étais pas chez moi et c’est une somme que j’aurais pu investir dans la rééducation. Il y avait deux autres Manitobains en même temps que moi au centre de Régina. » Shane Hartje s’est donc lancé, il y a un an, dans l’aventure, épaulé par Raynald Dupuis, le père de Danique, aujourd’hui secrétaire du centre à Winnipeg.
Pour ce dernier, First Steps offre une nouvelle approche de la rééducation : « Le centre a fait beaucoup de recherches et s’est inspiré des thérapies pratiquées dans les pays européens et aux États-unis. Leur idée principale est : si tu fais travailler tes muscles paralysés, tu peux potentiellement réactiver des signaux qui envoient des messages nerveux vers le cerveau. C’est donc le moyen pour réactiver les muscles. Mais, au Canada, nous sommes en retard. »
Tout comme Shane Hartje, Danique Dupuis a donc rapidement décidé de partir pour Régina. Elle avait pourtant commencé une rééducation au Health Sciences Centre (HSC), à Winnipeg après son hospitalisation en février 2017. Mais elle y est restée très peu de temps. Elle raconte : « On faisait des exercices, on m’apprenait à me transférer de mon lit à ma chaise par exemple, mais leur philosophie ne me plaisait pas. C’était comme si tu ne pouvais plus rien gagner après ton accident, que tu resterais toujours dans la même situation. »
Son père ajoute : « À Régina, ils proposent une rééducation plus intense aussi : cinq heures d’exercices par jour pendant cinq jours par semaine, contre trois heures par semaine au HSC. »
Danique Dupuis est restée pendant deux ans et demi à Régina. Ses parents ont décidé de la suivre. Raynald Dupuis a donc quitté son poste de directeur adjoint à l’école SaintJoachim à La Broquerie, sa femme Gaétane, son poste d’enseignante en première année, dans la même école. Leurs assurances professionnelles et des prélèvements de fonds et des dons, notamment de la part de la Paroisse de Lorette, leur ont permis de rester auprès de leur fille.
« Pour nous, les parents, ça été difficile, confie Raynald Dupuis. Et en tant que père, j’étais celui qui réparait tout : les jouets des enfants, leurs cabanes... C’était mon rôle. Après l’accident de Danique, j’aurais bien voulu, aussi, pouvoir la réparer. Mais je ne pouvais pas. Alors, j’ai cherché les meilleurs soins pour elle. »
Ses parents ont trouvé du support « dans la foi en premier, la famille et nous avons également reçu un incroyable soutien de la part de la communauté, à Lorette. Nous avons fait aussi beaucoup d’exercices physiques pour maintenir une bonne santé mentale ».
Ce grand changement dans la vie de la famille était nécessaire lorsqu’on écoute Raynald Dupuis parler des progrès de sa fille avec une certaine fierté dans la voix : « Maintenant, elle peut se tenir assise sans support, alors qu’au HSC, on lui avait fait comprendre que sa situation n’allait pas évoluer et qu’il fallait qu’elle se fasse à cette idée. »
Danique Dupuis poursuit : « Aujourd’hui, je peux me déplacer à quatre pattes pratiquement seule, notamment grâce à une sorte de bicyclette qui faisait travailler mes jambes. J’ai aussi renforcé mes obliques. Je ne pense pas que j’aurais pu évoluer de cette manière sans cette rééducation. »
La jeune femme a aussi trouvé une source de soutien moral auprès des autres clients. « Cet accident a été un tournant. Ma vie a complètement changé. Ma famille et mes amis me manquaient. C’était dur de voir que mes amis du secondaire, eux, ont continué leur vie, pendant que moi j’étais loin pour suivre la thérapie. À Régina, j’avais le soutien de mes parents, ils me comprenaient. Mais j’avais besoin d’être entourée de personnes qui se sont aussi retrouvées en fauteuil suite à un traumatisme et qui me comprenaient. Et puis, je savais que c’était le bon endroit. J’y vivais des moments positifs, j’ai progressé, donc cela me permettait de rester motivée et de ne pas baisser les bras. »
Aujourd’hui, Danique Dupuis continue la rééducation et est désormais plus près de son entourage. Elle a entamé des études au Red River College en comptabilité et pense à son avenir, « pourquoi pas créer ma propre entreprise. J’aimerais me spécialiser dans l’agriculture et aider les fermiers dans leur comptabilité. Je voudrais installer mon bureau chez moi. J’aurais mes propres horaires, je pourrais être mon propre patron et puis je n’aurais pas à me soucier du transport avec mon fauteuil, surtout l’hiver. »